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Trinity, Humanity of Christ and Vision of Glory in Hans Urs von Balthasar

Étienne Vetö ccn
Does the thought of Balthasar renew the theology of the beatific vision ? This article aims to show the importance of Christological mediation and the strongly trinitarian dimension of the visio : the Father is seen by the humanity of Christ, in the Spirit. The author shows that the notion of “immediate mediation” and the inseparability of the divine essence of the three Persons, enables Balthasar to link up with, but also to enrich, the classical doctrine of the “immediate vision of the divine essence”.

La définition classique de la vie bienheureuse affirme que les âmes après la mort « voient l’essence divine d’une vision intuitive et même face à face — sans la médiation d’aucune créature qui serait un objet de vision ; au contraire, l’essence divine se manifeste à eux immédiatement à nu, clairement et à découvert — et (…) par cette vision elles jouissent de cette même essence divine »1. Cette formulation veut faire droit aux promesses néotestamentaires, selon lesquelles la plénitude de la vie éternelle offrira au bienheureux la vision de Dieu non plus comme dans un miroir, en énigme, mais « face à face » (1 Co 13,12), « tel qu’il est » (1 Jn 3,2). Elle présente toutefois deux « points aveugles », si l’on peut dire. D’une part, le Dieu du salut avec lequel nous est promise la communion est Trinité. Ne devrait-on pas parler de vision du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint plutôt que de vision de l’essence de Dieu ? D’autre part, la déclaration de Benedictus Deus ne mentionne pas l’humanité du Christ. Comment concevoir une fonction charnière du Christ-homme dans notre salut, sans que celui-ci occupe une place analogue dans la vie bienheureuse, accomplissement et terme de ce même salut ? L’expression « sans la médiation d’aucune créature » suggère même qu’il est impossible pour l’humanité assumée par le Fils d’être médiatrice de la gloire comme elle l’était de la grâce : la vie éternelle serait précisément un dépassement du régime de la rédemption.

Il s’agit là de difficultés réelles que Hans Urs von Balthasar a affrontées en élaborant une conception de la vie bienheureuse aux accents trinitaires et christologiques très marqués. C’est par le Christ en son humanité que le bienheureux « voit » ou entre en communion plénière avec Dieu. Or, comme cette humanité est assumée par la seconde personne divine, la vision sera différenciée et spécifique à chaque hypostase. Il conviendra donc de commencer par la place du Christ-homme dans la visio, puis de déterminer celle du Père et de l’Esprit2. En un quatrième point, il sera ensuite nécessaire d’évaluer la pensée de Balthasar à l’aune de la doctrine traditionnelle : s’agit-il bien d’une vision de l’essence divine ? Peut-on encore la penser en termes d’immédiateté ?

I « Qui me voit, voit le Père » : le Christ centre de la vision bienheureuse

Balthasar n’est pas le seul à vouloir redonner au Christ sa place dans la vision bienheureuse. Il affirme vouloir développer ce que Rahner souligne de manière programmatique3 :

Examinons un traité théologique ordinaire sur les fins dernières, sur la béatitude éternelle ! Y est-il question, ne serait-ce que d’un mot, du verbe fait chair ? Tout n’y est-il pas plutôt englouti dans la vision béatifique, par le rapport immédiat avec la pure essence de Dieu, rapport qui dépend sans doute historiquement d’un événement passé — celui du Christ — mais qui ne dépend pas maintenant de la médiation du Christ4 ?

Or Rahner insiste sur l’impossibilité d’en rester là, tant l’incarnation du verbe demeure éternellement, sans retour en arrière :

Qui voit [le Christ] voit le Père, et qui ne voit pas le Dieu fait homme, ne voit pas non plus Dieu. (…) Non seulement Jésus homme a été jadis d’une importance décisive pour notre salut, c’est-à-dire pour notre découverte réelle du Dieu absolu, par ses actions historiques, et maintenant passées, le sacrifice de la croix, etc., mais il est maintenant et pour l’éternité, en tant qu’il est devenu homme et qu’il est resté créature, l’ouverture durable de notre être fini sur le Dieu vivant qui est la vie éternelle infinie. (…) Éternellement, on ne verra le Père que par lui. (…) [Le verbe qui est homme] est, non pas seulement une fois dans le passé, mais maintenant et dans l’éternité, le médiateur nécessaire et permanent de tout salut5.

Balthasar reprend la question à partir d’un fondement scripturaire et patristique. Il s’appuie essentiellement sur trois affirmations johanniques, dont la trace est perceptible chez Rahner : « Qui me voit, voit le Père » (Jn 14,9) ; « Qui me voit, voit celui qui m’a envoyé » (Jn 12,45) ; « Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père » (Jn 8,19)6. Il évoque aussi plusieurs fois Irénée : « La réalité invisible transparaissant dans le Fils, c’est le Père ; et la réalité visible en laquelle on voyait le Père est le Fils »7. Évidemment, Jean comme Irénée visent à exprimer le rôle du Christ dans la connaissance du Père qui nous est donnée ici-bas, alors que notre théologien inscrit clairement cette structure de révélation par le Christ dans la vision bienheureuse. Commentant la vision eschatologique de Dieu sur son trône présentée par l’apocalypse, il affirme : « Le mot de la fin sera donc celui-ci : nous voyons apparaître l’abîme de la gloire d’amour du Père invisible à travers la gloire du Fils »8. La gloire que nous verrons est en fait celle du Fils : « La “gloire” qu’ont vue les disciples, est “la doxa qu’il tient de son Père comme Fils unique” (Jn 1,14). De manière analogue, Jésus prie le Père : “ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire” (Jn 17,24) »9.

Au fond, Balthasar considère qu’il n’y a pas de différence de « forme » en régime chrétien entre la connaissance de Dieu in via et in patria. Bien sûr, cela tient en premier lieu au fait que la médiation du Christ ne s’achève pas avec son ascension, ni ne prend fin pour nous lors de la mort, mais qu’elle est établie pour toute éternité : « Le Christ est, par sa béatitude éternelle, le centre éternellement médiateur, car c’est “par l’agneau qui est au milieu du trône” que “toute béatitude est donnée”. [Il y a là] l’idée d’une médiation éternelle faite par le verbe incarné, même dans le ciel »10. Par ailleurs et de manière plus originale, le théologien insiste sur le fait que le Fils de Dieu incarné offre une plénitude de révélation qui, fondamentalement, ne pourra pas être dépassée : « [Dès maintenant] entre notre face et la face glorieuse de Dieu, il n’y a en principe plus de voile. (…) La médiation disparait quand le Père apparaît dans le Fils (…). Dans la face humaine de Dieu, montrée et contemplée dans l’Esprit de Dieu, est déjà atteint le dernier “face à face” (1 Co 13,12) »11. Bien sûr, nous ne voyons pas encore tout, mais il s’agit d’une différence de degré et non de nature. Ainsi, « voir dans un miroir, d’une manière confuse » (1 Co 13,12), ne signifie pas une absence de vision, au contraire, puisqu’il est bien question de « voir » : Paul souligne simplement le fait qu’il n’est pas possible d’embrasser l’ensemble de la figure dans notre vie terrestre12. L’« objet » nous est donné, mais nos yeux ne sont pas encore adaptés : « Si, à présent, nous ne le “voyons pas encore tel qu’il est” (1 Jn 3,2), ce n’est pas parce que la face humaine du Christ dissimulerait le divin, mais parce que notre œil ne peut voir qu’imparfaitement, sans être encore en mesure de voir comme nous sommes vus par Dieu (1 Co 13,12) »13. En définitive, non seulement le verset nodal du quatrième Évangile (Jn 14,9) demeure encore vrai dans l’eschaton, mais c’est là qu’il vaut réellement : « [Lorsque] sont tombés les voiles de la foi, le sens ultime de la parole de Jésus se fait évident : “Qui me voit, voit le Père” »14. La vision des bienheureux sera la pleine perception de ce que voient ici-bas les disciples lorsqu’ils regardent le Christ et perçoivent en lui le Père.

Notons que c’est bien l’humanité glorieuse du Christ qui sera le lieu de la « visibilité », l’« objet » immédiat de la vision :

« [Le verbe] s’est fait chair » (Jn 1,1-2.14) et, en tant que chair, c’est-à-dire comme homme, incarné et mortel, est l’exégète du Père, non seulement par ses paroles, mais encore dans toute sa corporéité en acte. (…) Une telle vérité (…) se donne pour explicitation humaine (« exégèse », Jn 1,18) du Père divin15.

Quel que soit le champ sémantique employé pour dire cette explicitation ou cette exégèse, elle concerne la chair du verbe. Celle-ci est d’abord langage et expression : « Le Fils en tant qu’homme est le langage du Père » ; « Dans le verbe incarné, tout est “expressio” du Père dans l’Esprit Saint »16. Le Fils incarné est aussi image ou icône17 et lui sont appliquées de nombreuses notions visant l’identité de forme : homoiôma/homoiôsis, schèma, charaktèr, morphè, apaugasma 18. À cela s’ajoute la thématique voisine du « rayonnement », notamment à partir de la « face » (prosôpon) du Christ (2 Co 4,6), sur laquelle rayonne la gloire du Père ; or la « face » rayonnante du Christ est « une face tout à fait humaine »19.

Cela dit, Balthasar ne s’applique pas à distinguer ce qui est spécifique aux natures du Christ20. Si la chair du Fils exprime le Père dans l’économie du salut comme dans l’économie de l’accomplissement, c’est que la deuxième personne divine est Logos, c’est-à-dire parole, image et expression par laquelle le Père se dit de toute éternité : « Le verbe est “expression” de Dieu (He 1,3) ; il est “image” du Dieu invisible (Col 1,15 ; 2 Co 4,4) ; enfin il se présente comme “parole” de Dieu (Jn 1,1.14 ; ap 19,13) »21. Les différentes dimensions de l’économie se fondent sur la theologia et la reflètent.

La place centrale du verbe incarné étant désormais assurée dans la vision de gloire, il convient maintenant de se tourner vers celui qui est exprimé et rendu visible, le Père, afin de comprendre de quelle manière il est vu dans le Christ.

II « Voir » le Père invisible

La place du Père dans la vie bienheureuse selon Balthasar peut se résumer en deux thèses, qui s’articulent en un paradoxe. Plus que l’essence divine, ce qui est « à voir », c’est la première Personne trinitaire. Pourtant, le positionnement propre du Père le rend en quelque sorte inaccessible : le voir en Jésus, même pour les bienheureux, suppose de tenir ensemble « vision » et « invisibilité » béatifiques.

Le vrai terme de la vie bienheureuse est le Père. Chaque fois que le Christ est nommé parole ou exégète ou image, c’est qu’il renvoie au Père, comme en témoignent toutes les formulations de Balthasar que nous avons citées jusqu’à présent. Dieu le Père est le terme de la vie bienheureuse parce qu’il est la fin de la vie chrétienne et du désir qui porte toute l’existence, il est le « chez soi » de tout être humain22. Sur un autre plan, le Père est aussi terme pour le verbe incarné, dont toute l’existence est résumée par le leitmotiv du quatrième Évangile — « Je vais vers le Père » —, et pour l’Esprit Saint qui dirige vers lui son « gémissement » (rm 8,22-27)23.

C’est que le Père est la source et le terme de la vie divine elle-même. En effet, bien que les trois personnes divines soient égales, Balthasar développe une conception que l’on aurait autrefois nommée « grecque » de la Trinité, où transparaît un monarchianisme relatif du Père. Ceci se manifeste sur le plan de la révélation, dont la première personne est le centre : « La première hypostase est celle qui se révèle, et (…) relativement à elle, les deux autres hypostases sont sa révélation dy-hypostatique. Il y a évidemment là un certain hiérarchisme (…). Un seul est le sujet, le centre de la Révélation : le Père »24. Mais il s’agit là de la manifestation des profondeurs de la vie trinitaire dont le Père est source : « La Tradition a attribué au Père le nom de “source et origine de toute la divinité” (cf. DS 490, 525, 58) ou, comme dit saint Bonaventure, la “plénitude fontale” »25. Le Père est « profondeur », « origine insondable », « sans-fond originel de l’amour », « abîme » ou « abîme d’amour »26. En effet, il fait jaillir de lui le Fils et l’Esprit sans s’appuyer ou se fonder sur un autre, en un mouvement éternel d’amour qui se donne à partir de lui-même.

La vie bienheureuse se présente donc avec une facture trinitaire dans cette première différenciation entre la place du Fils incarné et celle du Père, entre celui en qui le bienheureux voit et celui qui est vu.

Le problème est que, en vertu même de ce positionnement trinitaire, la source ou l’abîme qu’est le Père est très difficilement atteignable. C’est au Père que Balthasar attribue les affirmations vétérotestamentaires sur l’invisibilité de Dieu et sur le fait que nul ne peut voir Dieu sans mourir27. Cette invisibilité de Dieu « n’est pas évacuée dans le Nouveau [Testament] » : celui que Jésus révèle est « le Dieu unique (…) essentiellement invisible », « Celui qui de soi est invisible », voire « l’Invisible » tout court28. Or l’invisibilité du Père se maintient jusque dans l’eschatologie et la vie bienheureuse : « Celui qui, dans l’apocalypse, siège sur le trône, est invisible — certainement aussi pour les habitants des cieux ». La face du Père ne peut être contemplée, seule sa gloire se laisse voir et sa voix entendre : « Ce qui est audible et compréhensible est “une voix qui clame du trône” (ap 21,3) et, à la fin, le ciel entier se baigne dans la lumière de la “gloire de Dieu” (ap 1,23) »29. Balthasar applique sans hésiter les affirmations néotestamentaires qui visent en premier lieu la non-connaissance de Dieu ici-bas à la vision ultime de Dieu30.

En effet, l’être du Père contredit la nature même de la connaissance : « Si, d’après son concept, la vision exige un “ob-jet”, ce qui est sans fond ne peut être ni “ob” ni “-jet” »31. Ce qui est « posé devant » suppose d’être saisi et de se tenir devant le regard qui l’interroge, alors que l’« abîme » ne peut être circonscrit, et le « sans fond » ne peut reposer. En outre, cet abîme n’est pas simple gouffre sans fond, infini « quantitatif », mais le Père est paternité, génération du Fils par amour, infini « qualitatif ». Déjà sur le plan humain, tout ce qui procède de la liberté d’une personne est mystère, car non déductible à partir de sa substance32. Or ceci s’applique au plus haut point dans le cas des processions trinitaires, amoureuses et libres :

[Comment] saisir l’insaisissable, c’est-à-dire l’événement trinitaire en vertu duquel Dieu est Père ? Peut-on comprendre la génération du verbe — et du coup le Père — s’il n’existe, antérieurement à cet acte, rien qui le justifie ? Comme Eckhart le répète inlassablement, cet acte est sans pourquoi, il est l’abîme d’un amour impossible à enserrer dans aucune logique, auquel répond simplement le « Logos » engendré33.

Un être libre ne peut être connu qu’à travers sa parole et le don qu’il fait de lui-même34. Ainsi, la source absolue d’amour gratuit qu’est le Père ne peut être perçue qu’à travers sa Parole à qui il communique la plénitude de son être : la deuxième Personne, Fils et verbe. Il s’agit là d’une structure de renvoi trinitaire qui met en quelque sorte le Père « à distance », en « interposant » le Fils35.

Cela dit, Balthasar n’oublie pas de souligner qu’il existe, dans les Écritures mêmes qui affirment l’invisibilité de Dieu, « une sorte de dialectique entre “ne pas voir Dieu” et “voir Dieu” » : Jacob (gn 32,31), Moïse (Nb 12,8), le peuple (Dt 5,24), Gédéon et Manoah (Jg 6,22s ; 13,22), Isaïe (Is 6,5) ont tous vu Dieu sans mourir36. De plus, le Nouveau Testament promet : nous le « verrons tel qu’il est » (1 Jn 3,2), « face à face », « nous le connaîtrons comme je suis connu » (1 Co 13,12), « heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5,8)37. Évidemment, les exceptions vétérotestamentaires peuvent être ramenées à la perception de simples « apparitions » ou « reflets » de Dieu, mais « la vision face à face » annoncée par le Nouveau Testament, « un privilège réservé au ciel », est bien authentique38.

Cette dialectique se « résout » pour ainsi dire dans la vision par le Christ : par celui-ci, en effet, le Père se rend visible, et cela, d’une manière conforme à son essentielle invisibilité. C’est parce qu’il possède lui-même la substance divine et parce qu’il porte en lui la présence du Père que le Christ révèle le Père39. Mais il le fait en tant qu’« expression » et « image », ce qui introduit constitutivement une distance entre l’exprimant et l’exprimé, entre l’image et le modèle. Évidemment, le Fils connaît parfaitement le Père40. Plus profondément encore, le Père choisit de se révéler entièrement en son Fils41. Et puisque le Père engendre le Fils en lui donnant tout ce qu’il est lui-même, l’être même du Fils « représente » sa source et son modèle : la première Personne « est capable de se représenter vraiment dans le “miroir” et dans la “figure” de son Fils »42. Il n’en reste pas moins que le Père se manifeste par un autre que lui-même. Dans la mesure où les processions divines productrices d’altérité sont parfaites, il s’agit même en un sens d’un « tout autre »43. C’est pourquoi le théologien invite à dépasser l’idée d’une visibilité simple, comme celle de l’image vis-à-vis du modèle : « Le Fils n’est pas une reproduction technique, ni une émanation physique, ni une icône statique du Père, mais dans l’obéissance du Fils, c’est l’amour du Père se donnant sans limite qui “apparaît”. Par là, de nouveau, tout le plan de l’image est dépassé »44. Ce qui est rendu visible n’est pas une ressemblance du Père mais le fruit de son amour, doué d’une subsistance propre. La paternité de la première Personne est exprimée par la filiation de la deuxième Personne, non pas par une similitude de paternité. C’est que nous ne percevons pas la source, mais simplement le terme. C’est pourquoi l’amour du Père se montre dans l’obéissance du Fils : le « se-recevoir » de l’obéissance est la parfaite expression du « se-donner » amoureux du Père, mais ne permet pas d’entrevoir la donation elle-même. Au fond, plus qu’une substance ou même une figure, c’est une relation qui est ainsi donnée à voir : « Ce qui du Père est visible dans le Logos, c’est (…) l’amour dans toutes ses dimensions »45.

Ces modalités du « donner à voir » expliquent à la fois l’immense portée mais aussi les limites indépassables de la vision bienheureuse. D’une part, il faut tenir le fait que, lorsque Jésus affirme « qui me voit, voit le Père » (Jn 14,9), le Père est désigné comme étant réellement vu. Si le Père habite dans le Fils avec qui il est un par nature, s’il s’exprime entièrement par lui, il peut être entièrement connu en lui : « La “parole” (au sens le plus large) par laquelle le Logos interprète Dieu n’est jamais un vague à-peu-près tâtonnant. Elle possède l’exactitude d’une coïncidence parfaite dans l’expression »46. Plus encore, si le Père est paternité, la filiation du Fils donne réellement accès à lui : « [L’homme peut] voir, toucher Dieu dans le Christ et lui parler »47. C’est pourquoi la gloire du Christ suffira et il n’y aura plus besoin de regarder le Père : « Celui qui séjourne dans la lumière [du Christ qui rayonne du trône de l’agneau] et qui voit et comprend tout en elle, n’a plus besoin de jeter un regard dans l’abîme de la source de la lumière »48.

D’autre part, cependant, le bienheureux ne verra précisément pas la source et l’abîme en tant que tels. Ce qui est visible du Père est Jésus (en sa relation au Père) et rien que Jésus. Il n’y a pas de vision directe de la première Personne, source de la vie divine : « Cette source ne peut jamais être captée pour elle-même, abstraction faite du Fils qui a jailli d’elle »49. Balthasar connaît évidemment le verset johannique qui annonce la vision en plénitude : « Nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3,2). Il interprète toutefois le « lui » — contre la grammaire — comme désignant le Christ et non Dieu le Père. De fait, si le « lui » indiquait le Père, il s’agirait là d’un hapax théologique : c’est au Christ que nous sommes conformés50. En outre, notre théologien introduit l’idée originale d’une « audition béatifique », qui permet de ne pas enfermer la vie éternelle dans l’immédiateté propre au paradigme de la vision :

L’œil dont la fonction est active ne prive pas de sa fonction l’oreille dont l’audition est passive. [Or] le Fils de Dieu reste éternellement la Parole du Père. Dans l’éternité, même avec la connaissance de Dieu la plus intime et la plus aimante, nous serons sans cesse renvoyés à la Parole reçue du Père dans le Saint-Esprit. Et ce sera chaque fois comme recevoir de l’inconnu51.

Au fond il s’agit du mode de vision le plus adéquat du Père, qui le manifeste tel qu’il est vraiment, en son invisibilité même : « [Le Christ] dévoile dans sa propre visibilité le Dieu invisible, tout en laissant intacte l’invisibilité propre au Père »52. Balthasar affirme renouer ici avec l’enseignement de l’École : « Les bienheureux voient Dieu comme infinitum, sed non infinite, totum, sed non totaliter »53. Son prisme christologique et trinitaire donne toutefois une détermination et une profondeur nouvelles à la doctrine classique : la vision bienheureuse consiste en une vision plénière et face à face du Christ — en qui le Père sera vu de la manière la plus exacte possible, comme source infinie et sans fond d’amour —, l’invisibilité indépassable propre au « sans fond » étant sauvegardée.

III L’Esprit-Saint, medium et confirmation de la vision

Une « solution » trinitaire ne peut être complète sans prise en compte de la troisième personne divine. Balthasar évoque moins le Saint-Esprit que le Père et le Fils lorsqu’il est question de la vision bienheureuse, mais il lui confère néanmoins une double fonction, puisqu’il est l’amour dans lequel nous voyons, mais aussi témoin de l’amour du Père et du Fils :

Nous voyons apparaître l’abîme de la gloire d’amour du Père invisible à travers la gloire du Fils, et cela sous la double forme de l’Esprit Saint de l’amour, à partir du moment où nous, qui sommes nés de l’Esprit, existons dans le feu de l’amour dans lequel le Père et le Fils se rencontrent et où, par le fait même, nous sommes en même temps, ensemble avec l’Esprit, également les témoins et les glorificateurs de cet amour54.

La « double forme » de l’Esprit renvoie sans doute aux deux dimensions que Balthasar déploie dans sa pneumatologie. Sur le plan intratrinitaire, l’Esprit est « subjectif », nexus d’amour intime du Père et du Fils, et « objectif », fruit et « produit » de l’amour débordant des deux autres Personnes55. À cela correspond, dans l’économie salvifique, respectivement, le travail de l’Esprit dans le croyant, qui l’illumine, le guide et le transforme, et la relation à l’Esprit en tant qu’il est une hypostase divine avec sa consistance propre, manifestée notamment à travers les Écritures et les institutions ecclésiales56. Comme c’était déjà le cas pour le Père et le Fils, l’Esprit opère dans l’eschaton comme dans le salut, car il agit en conformité à sa place dans l’éternité de la Trinité.

Dans le sens « subjectif », l’Esprit est la lumière par laquelle et en laquelle le bienheureux voit la gloire qui rayonne sur le Fils. Il constitue le medium de la vue, « le feu de l’amour » dans lequel nous « existons », et dans lequel nous reconnaissons l’amour qui rayonne sur le visage du Christ : « La face humaine de Dieu [est] montrée et contemplée dans l’Esprit de Dieu »57 (nous soulignons). Notons que le medium pénètre en quelque sorte en nous pour nous donner les yeux pour voir. La connaissance plénière de Dieu n’est possible que « lorsque cette plénitude est susceptible d’être “reçue” par l’homme grâce à l’Esprit Saint » ; or ceci advient par « la participation immédiate à l’Esprit de Dieu — qui nous donne à tous la “liberté” de nous détourner de notre état d’aveuglement “avec la face voilée” et de nous tourner vers la face de l’amour éternel pour contempler “la gloire du Seigneur” (2 Co 3,18) »58. Ainsi, l’Esprit est par excellence l’« Exégète » du Christ, car si Jésus-Christ est bien l’Expression du Père, seule la troisième Personne donne de comprendre ce qui est exprimé : « … Expression qui devient saisissable pour celui à qui l’Esprit d’amour explique cet amour »59.

La lumière dans laquelle nous voyons se doit d’être diaphane afin de remplir sa fonction. Mais l’Esprit prend une autre place, plus visible et donc « objective », où il se présente comme « témoin » et « glorificateur » de l’amour du Père et du Fils. Pour comprendre ce rôle de l’Esprit, il importe de se souvenir de l’importance pour Balthasar des deux pôles de l’évidence, subjective et objective, dans toute connaissance, mais plus particulièrement dans la foi : l’accès à Dieu suppose un mouvement intérieur, intime, mais aussi une figure en quelque sorte extérieure60. Celle-ci remplit plusieurs fonctions, mais ce qui nous intéresse ici est qu’elle apporte une confirmation, afin de consolider objectivement l’évidence subjective. Or l’Esprit est bien lumière subjective, mais aussi témoignage objectif61. Témoigner signifie certainement « attester » : l’être-personnel de l’Esprit, le fait même de son existence, atteste de la fécondité débordante de l’amour intratrinitaire dont il est le fruit62. En ce sens, il importe que l’Esprit ait sa propre consistance : « Il ne s’efface pas en renvoyant au Fils »63. Témoigner signifie aussi « être garant » : en tant qu’il est donné aux hommes au point que ceux-ci le possèdent (librement), comme autre intérieur, l’Esprit garantit l’accès à et donc la possession de l’autre extérieur qu’est le Christ64. Les arrhes de l’Esprit sont les arrhes de la communion au Fils et au Père. Et ceux en qui habite ainsi l’Esprit sont à leur tour témoins les uns pour les autres, dans la communio sanctorum, du Christ et de son Père, parce qu’ils possèdent le signe concret et puissant de la vérité de ce qu’ils vivent et annoncent65. L’Esprit en sa dimension objective apporte donc de multiples confirmations de ce qu’il fait comprendre subjectivement.

Ainsi, la place de l’Esprit dans la vision de gloire complète d’un trait nouveau et riche la structuration trinitaire de celle-ci : impossible de voir le Père dans le Fils fait chair sans la lumière de l’Esprit qui donne au bienheureux les yeux pour voir et éclaire le visage du Fils ; impossible d’être introduit dans la relation d’amour du Père et du Fils sans le fruit qui atteste de celle-ci et le don qui en offre la possession. Sur l’Esprit-Saint, l’exposé de Balthasar présente toutefois un « point aveugle », car il ne précise pas sous quel mode l’Esprit lui-même est « vu ». On peut supposer qu’il l’est par ses effets plus que directement en lui-même. Comme la lumière, il est vu dans ce qu’il rend visible, dans le mouvement même par lequel il rend lumineux le Christ ; ou, si on prend le paradigme de l’ouïe, on entend le murmure de l’Esprit en entendant le verbe qu’il fait entendre. Dans l’Esprit-Saint, la divinité donne de voir plus que se donne à voir. La visio apparaît alors avec des facettes différenciées : le Christ en est le centre car, en un sens, lui seul est vu directement, alors que le Père est le terme, le point d’horizon, toujours visé et jamais atteint, à partir de ce centre, et l’Esprit est la lumière intérieure et enveloppante qui provient du centre et rend visible celui-ci.

IV Vision trinitaire par l’humanité du Christ et vision immédiate de l’essence de Dieu

Il est temps de revenir à la définition de Benedictus Deus, afin de déterminer si la perspective trinitaire et christologique de Balthasar lui est compatible, voire si celle-ci peut aider à la compréhension de celle-là. Deux points nous occuperont : si l’on ne voit « face à face » que le Christ, s’agit-il d’une vision de l’essence divine ? Si tout ce qui est perceptible l’est dans l’humanité du Christ, peut-on encore parler stricto sensu d’immédiateté ?

Il va sans dire que, si Balthasar préfère parler de vision de Dieu ou de vision « face à face » plutôt que de vision de l’essence divine, l’affirmation d’une vision spécifique de l’essence divine n’est pas absente : « Pas d’affirmation personnelle [sur l’expression du Père par le Fils] qui ne soit en même temps affirmation de l’essence unique de Dieu ! »66 Notre auteur exprime son adhésion à la pensée de l’École sur la question : « Étant donné que cela est une gloire vraiment divine (…), nous serons d’accord avec Thomas d’aquin quand il dit que nous devons participer de manière immédiate à l’essence divine, pour pouvoir la contempler »67.

Évidemment, il s’agit de replacer ces énoncés dans la compréhension plus large du rapport entre essence et personnes divines chez Balthasar. Pour celui-ci, l’on ne peut concevoir l’essence de manière adéquate séparément des relations, et il est tout à fait impossible de développer une essentia pura, dégagée, même en raison de son appartenance aux personnes. En tant qu’amour substantiel, elle est toujours « prise » dans leur mouvement de donation : « Cette “essence” est depuis toujours “donnée” dans l’autodonation du Père, “rendue” dans l’action de grâce du Fils, “représentée” dans son caractère d’amour absolu par l’Esprit Saint »68. Le bienheureux voit bien l’essence de Dieu, mais il la voit justement telle qu’elle est, toujours déjà possédée par les personnes divines, de manière différenciée et spécifique. L’essence divine est pleinement vue dans son « lieu » de visibilité, c’est-à-dire dans le Fils incarné et glorifié : elle y est perçue comme communiquée par le Père et rendue au Père. L’essence est aussi, dans cette communication même, comprise comme étant fondamentalement incompréhensible dans le Père — mais elle est donc adéquatement « vue » selon son régime d’invisibilité. L’essence divine, enfin, dans l’Esprit, est perçue comme étant ce par quoi elle est vue elle-même.

Dans un sens, le théologien rejoint ici les intuitions de la grande scolastique : la substance divine est vue immédiatement, « de la manière dont Dieu se voit lui-même » et donc elle est vraiment connue ; mais elle n’est pas « comprise » au sens d’une saisie totale ; et si elle peut être vue, ce n’est pas par le moyen d’« espèces créées », mais uniquement au moyen de cette substance elle-même69. Ces mêmes différenciations sont toutefois pensées en termes trinitaires chez Balthasar. Il est conforté en cela par certaines évocations trinitaires de la vision béatifique dans quelques textes du magistère70. Cependant, notre auteur en souligne grandement la portée en donnant à la perspective trinitaire une fonction structurante dans la visio.

La question de l’immédiateté est plus épineuse. Lorsque Benedictus Deus précise que la vision se fait « sans la médiation d’aucune créature qui serait un objet de vision », cela signifie vraisemblablement que la seule réalité créée acceptable comme médiation dans l’opération elle-même de la vision est la « lumière de gloire » qui rehausse l’âme bienheureuse pour la rendre capable de contempler la substance divine71. En tant qu’elle est une forme (analogique) de lumière, elle n’est pas objet mais moyen de vision. En revanche, l’humanité du Christ est et demeure une créature objet de vision, comme les effets créés de Dieu à partir desquels on peut remonter vers Dieu lui-même. Certainement, cette manière de comprendre l’immédiateté n’a pas aidé à penser le rôle éternel, dans la vision bienheureuse, de l’humanité assumée par le verbe.

Pourtant, Balthasar affirme à la fois la place centrale du Christhomme dans la vie glorieuse et l’existence d’une vision immédiate : « Dans le geste du Fils qui se laisse répandre, l’amour du Père se fait immédiatement visible : le Père se manifeste lui-même »72. Et c’est bien à l’essence divine elle-même qu’il y a accès : on ne peut admettre que « l’essence de Dieu reste cachée et inaccessible “derrière” ses manifestations », dans la mesure où « cette origine [du Fils dans le Père,] on la distingue immédiatement sur le visage du Logos lui-même (…), car en [lui] il s’est tout entier énoncé et révélé »73.

En fait, le Christ, en tant qu’il est expression du Père, exerce un type unique de médiation qui introduit dans l’immédiateté une « médiation immédiate ». Balthasar s’appuie ici notamment sur Adrienne von Speyr : « Le Fils [confère ses dons] à la manière d’un médiateur de sorte que nous puissions les recevoir de nouveau immédiatement du Père »74. Il s’agit de distinguer l’« intermédiaire », qui se situe « entre » nous et le Père, et le « médiateur », au sens le plus strict du terme, qui tient ensemble les deux pôles qu’il unit. Rappelons un passage déjà partiellement cité qui insiste sur l’immédiateté de la vision :

Entre notre face et la face glorieuse de Dieu, il n’y a en principe plus de voile. (…) La médiation disparaît quand le Père apparaît dans le Fils, et que par là l’Esprit de Dieu illumine directement les cœurs. La pleine incarnation — par laquelle la gloire de Dieu brille sur la face du Christ — et la participation immédiate à l’Esprit de Dieu [nous donne à tous la “liberté” de nous tourner vers la face de l’amour éternel] (…). La face humaine de Dieu, montrée et contemplée dans l’Esprit de Dieu, est (…) ce milieu qui brille immédiatement et unit, loin de séparer75.

Il est question ici d’une double immédiateté : celle de l’apparition du Père dans le Fils et celle de l’illumination de l’Esprit dans les cœurs. Dans les deux cas, l’important est que Dieu lui-même donne accès à Dieu.

La position de Balthasar est donc claire et il convient de le prendre au mot. Cela dit, il lui manque une détermination plus explicite de cette possibilité pour le Christ-homme de fournir une médiation immédiate. Probablement faudrait-il préciser, sur le plan christologique, le rapport entre humanité et divinité dans la personne du Christ — alors même que Balthasar, nous le savons, tient à ne pas penser selon cette ligne de la distinction des natures. En revanche, sa conception du rayonnement de la figure (Gestalt), par lequel celle-ci se donne à percevoir immédiatement, offre une piste de compréhension au plan gnoséologique76. La théorie de la connaissance qui sous-tend Benedictus Deus est sans doute causale : l’effet (la créature) donne accès à sa cause (Dieu), par un mouvement de remontée, du signe au signifiant. Or une telle remontée interdit un rapport immédiat à la cause, alors que la figure se donne entièrement et sans intermédiaire, à partir d’elle-même, sans dualité entre une manifestation phénoménale et une essence cachée77.

En définitive, Balthasar rejoint l’intention de Benedictus Deus et de l’enseignement de l’Église : dans la vie bienheureuse, Dieu est connu tel qu’il est, par lui-même, et rien ne nous sépare de lui. Son essence se manifeste « à nu, clairement et à découvert » et les bienheureux en « jouissent »78. Mais le théologien précise et enrichit la perception classique de la vision de gloire en rappelant que la substance divine est trinitaire et en l’articulant avec la vérité christologique qui veut que la médiation du Christ soit éternelle, qu’elle seule donne accès au Père, et qu’elle le fait vraiment, pleinement et de manière indépassable.

Conclusion

En définitive, prendre résolument en compte la dimension trinitaire de la vision de gloire et honorer le rôle éternel de l’humanité du Christ permet à Balthasar d’en proposer une compréhension renouvelée, qui complète et précise la conception classique. « voir Dieu » signifie contempler, dans la lumière de l’Esprit et à partir du témoignage de celui-ci, le Christ-homme sur qui rayonne la gloire du Père, et ainsi plonger réellement dans l’abîme de l’amour paternel, sans jamais toutefois parvenir « au fond » de celui-ci. L’essence de Dieu est vue immédiatement, mais toujours déjà selon sa possession différenciée par les trois hypostases divines et à partir de la « médiation immédiate » du verbe incarné, centre de la vision. Le principe théologique à l’œuvre est ici la profonde continuité entre économie du salut et économie de l’eschaton, chacune offrant un degré différent d’une même communion au Père, par le Christ (dont l’humanité est cardo beatitudinis comme elle était cardo salutis), dans l’Esprit. La gloire est accomplissement de la grâce, la grâce est avant-goût de la gloire. Cette continuité s’appuie à son tour sur une cohérence fondamentale entre l’économie et la theologia, où le Père, source sans fond de la divinité, se dit amoureusement dans le verbe et spire avec lui le fruit de leur amour qui en est aussi le nexus intime. C’est donc réellement à la participation à cette vie trinitaire que l’homme est appelé à chaque moment de sa relation à Dieu, jusque dans la gloire de la vie éternelle.

Notes de bas de page

  • 1 Benoît XII, Benedictus Deus (DH 1000).

  • 2 Dans la mesure où Balthasar établit un lien intime et une identité de structure entre eschatologies individuelle et générale (voir La Dramatique divine, t. 4, Le dénouement, Namur, Culture et vérité, 1993 [désormais abrégé en DD IV], p. 13 ; 316s), nous puiserons dans les deux dimensions de l’eschaton, même si cette présente recherche se concentre sur la vie bienheureuse individuelle.

  • 3 Voir DD IV, p. 350, n. 36.

  • 4 K. Rahner, « La signification éternelle de l’humanité de Jésus pour notre rapport avec Dieu », dans Éléments de théologie spirituelle, coll. Christus, Paris, DDB, 1964, p. 38.

  • 5 Ibid., p. 45-47. Voir aussi : « On aura peut-être […] une pieuse pensée, selon laquelle, à côté de la vision béatifique (où se trouve donnée de manière suréminente toute autre connaissance et toute autre béatitude, de telle sorte qu’on ne voit pas bien ce qui, en dehors d’elle, pourrait avoir de l’intérêt), on pourrait encore avoir dans le ciel une “joie accidentelle” grâce à l’humanité du Christ » (ibid., p. 46-47).

  • 6 Cf. La Gloire et la Croix. Les aspects esthétiques de la révélation, t. 1, Apparition, Paris, Aubier, 1965 (désormais abrégé en GC I), p. 113 ; La Gloire et la Croix. Les aspects esthétiques de la Révélation, t. 3, Théologie, 2, Nouvelle Alliance, Paris, Aubier-Montaigne, 1975 (désormais abrégé en GC III/2), p. 244 ; 408 ; La Théologique, t. 2, Vérité de Dieu, Namur, Culture et vérité, 1995 (désormais abrégé en TL II), p. 68 ; 136 ; 290 ; La Théologique, t. 3, L’Esprit de vérité, Bruxelles, Culture et Vérité, 1996 (désormais abrégé en TL III), p. 432 ; 351 ; etc.

  • 7 Irénée, Adver. Haer. IV, 6, 6 (DD IV, p. 370, n. 111 ; TL II, p. 70-71).

  • 8 TL III, p. 437.

  • 9 Ibid., p. 436 ; voir aussi p. 435.

  • 10 Cf. La Gloire et la Croix. Les aspects esthétiques de la révélation, t. 2, Styles, 1, D’Irénée à Dante, Paris, Aubier, 1968 (désormais abrégé en GC II/1), p. 296 ; voir aussi De l’intégration. Aspects d’une théologie de l’histoire, DDB, Paris, 19832, p. 292.

  • 11 GC III/2, p. 408-410.

  • 12 Cf. GC I, p. 515.

  • 13 GC III/2, p. 408.

  • 14 DD IV, p. 351.

  • 15 TL II, p. 11. Voir aussi : p. 13 ; 20 ; 33 ; 68 ; DD IV, p. 405.

  • 16 Respectivement : TL II, p. 329 et p. 298. Balthasar reprend à son compte la formule saisissante d’Augustin : « caro quasi vox (la chair comme voix) » (ibid., n. 29) avec De Trin. 15, 10, 19.

  • 17 TL II, p. 298 et 290.

  • 18 Cf. GC III/2, p. 241-244.

  • 19 Ibid. p. 227-229 ; 408-410.

  • 20 « On ne saurait séparer les deux natures dans cette œuvre qui consiste à révéler le Père » (TL II, p. 73).

  • 21 TL II, p. 298 ; voir aussi, notamment, GC III/2, p. 228.

  • 22 Balthasar cite Ignace d’antioche : « Une eau vive murmure en moi et me dit : viens vers le Père » (Ad Rom. 7, 2), et Novalis : « Zum Vater wollen wir nach Haus » (Sehnsucht nach dem Tode, Selig, 1945, I, p. 23) (TL III, p. 423). Le Père est aussi le terme de l’histoire de l’humanité dans son ensemble (voir ibid., p. 427) et de la création tout entière (voir ibid., p. 423).

  • 23 Voir tout particulièrement TL III, p. 423.

  • 24 Ibid., p. 161. Balthasar cite ici littéralement S. Boulgakov, Le Paraclet, Paris, aubier, 1946, p. 142-143.

  • 25 TL II, p.139, avec Bonaventure, Sent. I, 5, art. 4.

  • 26 Respectivement : Pâques, le Mystère, Paris, Cerf, 19962 (désormais abrégé en PM), p. 242 ; TL III, p. 430 ; 431 ; 433-434.

  • 27 « Personne ne peut contempler, ni même seulement entendre Dieu et rester en vie (Ex 19,21 ; 33,20 ; Lv 16,2 ; Nb 4,20 ; pour l’audition : Ex 20,19 ; Dt 5,2426) » (DD IV, p. 368-369) ; « Moïse peut voir la gloire de Dieu, mais pas son visage (Ex 33,18.22). De même au Psaume 104,2, Dieu s’enveloppe de sa lumière comme d’un manteau ; en Jb 37,22, “il s’entoure d’une splendeur redoutable ; lui, Shaddaï, nous ne pouvons l’atteindre” » (TL II, p. 68 ; voir aussi p. 20 ; 93).

  • 28 Respectivement GC I, p. 516-517 ; TL III, p. 432 (cf. aussi ibid., n. 7 et p. 437) ; TL II, p. 68-69. Voir encore DD IV, p. 351.

  • 29 TL III, p. 436.

  • 30 Cf. ibid., p. 432-435 ; DD IV, p. 369 ; TL II, p. 20 ; 68 ; 93.

  • 31 TL III, p. 435.

  • 32 « Ce qui surgit d’une liberté comme telle demeure mystère pour toute autre liberté, parce que la raison suffisante de ce qui surgit ne peut se trouver ailleurs que dans cette liberté même » (La Dramatique divine, t. 2, Les personnes du drame, 1, L’homme en Dieu, Paris-Namur, Lethielleux-Culture et vérité, 1986 [désormais abrégé en DD II/1], p. 224).

  • 33 DD IV, p. 371. Balthasar poursuit : « Le processus trinitaire, au-delà des notions de liberté et de nécessité, est toujours sans raison » (ibid.). Voir aussi TL III, p. 431.

  • 34 Voir DD IV, p. 365 ; 370 ; GC III/2, p. 250.

  • 35 Voir TL III, p. 428-429.

  • 36 Voir TL II, p. 93-94 ; DD IV, p. 368-369.

  • 37 Voir DD IV, p. 369 ; TL II, p. 94.

  • 38 Voir TL II, p. 69 ; 94.

  • 39 Voir ibid., p. 33 ; 136 ; 290 ; 348 ; GC I, p. 391.

  • 40 TL II, p. 348 ; voir aussi : GC I, p. 276 ; 278.

  • 41 « “Qui me voit, voit le Père”, c’est-à-dire : il le voit en moi, car en moi il s’est tout entier énoncé et révélé » (DD IV, p. 371 ; voir aussi p. 351 ; GC III/2, p. 234).

  • 42 TL II, p. 64.

  • 43 Voir DD IV, p. 69-72 ; La Dramatique divine, t. 3, L’action, Namur, Culture et vérité, 1990, p. 295s.

  • 44 GC III/2, p. 244.

  • 45 TL II, p. 64 ; voir dans un sens proche GC III/2, p. 326.

  • 46 TL II, p. 348. Voir aussi : p. 70 ; 290.

  • 47 GC I, p. 279.

  • 48 TL III, p. 436-437.

  • 49 Ibid., p. 435 ; « C’est la raison pour laquelle l’Église, nonobstant plusieurs pétitions, a toujours refusé d’instituer une “fête du Père” dans l’année liturgique » (ibid.) ; voir aussi ibid., p. 426-427. Ou encore : « [Le Père] n’est pas contemplé comme un “sujet” séparé du Fils, mais comme le principe insondable de l’amour, révélé dans la génération du Fils et le don fait aux hommes » (DD IV, p. 351).

  • 50 Cf. TL III, p. 435-436 ; voir aussi GC III/2, p. 229.

  • 51 DD IV, p. 370-371 ; voir aussi GC III/2, p. 238.

  • 52 TL II, p. 70. Voir aussi ibid., p. 68.

  • 53 TL III, p. 436. Balthasar prétend aussi réconcilier la doctrine latine de la vision immédiate avec le palamitisme : la difficulté soulevée par Grégoire Palamas — Dieu est par essence invisible — est à prendre au sérieux (voir DD IV, p 369s ; TL II, p. 69), même s’il faut écarter sa réponse — Dieu n’est visible qu’en ses énergies incréées — au profit d’une solution christologique et trinitaire (voir TL III, p. 65-66 et infra, n. 73).

  • 54 TL III, p. 436-437.

  • 55 « Comme ardeur la plus intime de l’amour du Père et du Fils [l’Esprit] est la connaissance la plus absolue de l’amour par l’intérieur. Comme produit, fruit de cet amour, il est — en tant qu’amour — en même temps le témoignage objectif du fait que cet amour se produit de toute éternité » (ibid., p. 236 ; voir aussi p. 33s).

  • 56 Cf. La Dramatique divine, t. 2, Les personnes du drame, 2, Les Personnes dans le Christ, Paris-Namur, Lethielleux-Culture et vérité, 1988, p. 149-151 ; TL III, p. 298s.

  • 57 GC III/2, p. 410.

  • 58 Respectivement TL II, p. 20 et GC III/2, p. 409-410. « L’Esprit dirige notre regard sur le Fils […]. Il ouvre nos yeux […] [Il permet] la vision du Fils et […] la contemplation incessante de ce qui a été vu une fois » (TL III, p. 183 ; voir aussi ibid., p. 184). Balthasar cite en ce sens Irénée : « Ni sans l’Esprit il n’est possible de voir le verbe de Dieu, ni sans le Fils on ne peut accéder au Père : car la connaissance du Fils de Dieu, c’est par l’Esprit Saint qu’elle a lieu » (ibid., p. 179 avec Epid. 7 ; SC 406, 93).

  • 59 TL II, p. 349 ; voir ibid., p. 298.

  • 60 Voir GC I, p. 363-366.

  • 61 Voir ibid., p. 513s ; GC III/2, p. 215-219.

  • 62 Voir TL III, p. 65.

  • 63 Ibid., p. 184.

  • 64 Voir ibid., p. 65.

  • 65 Voir ibid., p. 71-72.

  • 66 GC I, p. 519.

  • 67 TL III, p. 436 ; voir aussi TL II, p. 290 ; DD IV, p. 371.

  • 68 PM, p. 10. Voir aussi : « L’essence divine n’existe jamais que comme “paternelle”, “filiale” et “pneumatique” » (TL II, p. 147-150, ici p. 148 ; cf. GC III/2, p. 267).

  • 69 Cf. Thomas dAquin, Somme contre les gentils, III, respectivement 51, 54, 55 et, de nouveau, 51.

  • 70 « Il nous sera donné de contempler le Père, le Fils et l’Esprit divin des yeux de notre esprit, renforcés d’une lumière divine, d’assister nous-mêmes de très près pendant toute l’éternité aux processions des Personnes divines et d’être comblés d’une joie très semblable à celle qui fait le bonheur de la très sainte et indivisible Trinité » (Mystici corporis [DH 3815]). Cf. aussi le Décret pour les Grecs du Concile de Florence (DH 1305) et Lumen Gentium 49.

  • 71 Cf., par exemple, Thomas dAquin, Somme contre les gentils, III, 53.

  • 72 DD IV, p. 351 ; cf. aussi GC III/2, p. 250.

  • 73 DD IV, p. 371. L’enseignement est fréquent chez Balthasar : voir gC III/2, p. 234 ; 244 ; TL II, p. 162 ; TL III, p. 120-123 ; 202. Il rejoint par là une autre thèse de l’article de K. Ahner : « Éternellement, on ne verra le Père que par [le Christ]. Et c’est justement comme cela qu’on le voit immédiatement, car le caractère immédiat de la vision de Dieu n’est pas la négation de la médiation éternelle du Christ comme homme » (art. cit. supra n. 4, p. 46).

  • 74 A. von Speyr, Le Sermon sur la montagne, Méditations sur Matthieu 5-7, coll. Le Sycomore (série Adrienne von Speyr, 17), Paris, Lethielleux, 2001, p. 199 (cité dans DD IV, p. 462-463).

  • 75 GC III/2, p. 408-410.

  • 76 Cf. GC I, 17 ; 414s.

  • 77 Cf. V. Holzer, Hans Urs von Balthasar, 1905-1988, Paris, Cerf, 2012, p. 29-31 ; 67. Notons qu’il existe déjà sur le plan humain une forme de « médiation immédiate » vers Dieu, à savoir dans le « tu » qui m’éveille à la conscience de moi-même au nom du « Tu » divin : « La médiation communique immédiatement l’immédiat et relie à l’immédiat : en effet, l’intersubjectivité et le lien immédiat à Dieu sont indissociables » (DD II/1, p. 342 ; cf. GC III/2, p. 250).

  • 78 DH 1000.

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