Par ailleurs, ne serait-ce pas dans le rapport de la pensée à l'acte révélateur de Dieu (plutôt qu'à la «théologie» au sens scolastique du terme) que se joue la relation à l'altérité la plus radicale? Telle est la thèse de l'A., qu'il vérifie en lisant, outre Hegel et Schelling, des penseurs qui sont quasi nos contemporains: Barth, Jaspers, Bultmann et Rahner (auquel l'A. adresse une critique aussi profonde que respectueuse: Rahner se fixe trop sur la Parole qui «exige d'être transcendée en direction du Silence de l'origine, dont elle provient et auquel elle renvoie: l'altérité de l'Autre ne se consomme pas dans le signe» [p. 86]), Mounier, Dostoïevski et de Lubac, Heidegger et Lévinas, Nietzsche, Bonhoeffer.
Ces auteurs sont rangés sous différents points de vue: herméneutique pour les premiers, puis théo-logique (les chiffres de Jaspers), anthropologique, métaphysique, et enfin eschatologique. Une leçon essentielle émerge des réflexions proposées: si notre monde s'enferme dans le principe d'identité, s'il réduit toute altérité à l'homogène, s'il se distrait du devenir humain et s'il nie Dieu ou efface toute «nostalgie du Dernier» (p. 11), celui-ci finira par ôter le désir de poser la question du sens de l'existence, et par supprimer ainsi ce qui fait de l'homme un homme. - P. Gilbert sj