Accueillir la vulnérabilité. Approches pratiques et questions philosophiques

(dir.) Laura Rizzerio (dir.) David Doat
Morality and law - reviewer : Xavier Dijon s.j.

Fruit d’un colloque tenu en 2013 à l’Univ. de Namur, l’ouvrage cerne cette vulnérabilité que l’on retrouve si souvent actuellement dans le discours philosophique : d’abord dans son rapport à l’autonomie (N. Maillard) : les deux notions ne s’opposent pas puisque, dans une perspective réaliste, il faut reconnaître que l’autonomie n’est pas auto-engendrée puisqu’elle suppose la dépendance du sujet envers tout un réseau ; ensuite dans son rapport à l’ambigüe perfectibilité (M. Dupuis), orientée tant vers le bien que vers le mal. Les deux directeurs de la publication poursuivent l’examen selon leurs spécialités respectives. David Doat interroge les bases naturelles de l’anthropologie du soin : c’est parce que l’être humain est profondément inachevé en son corps – si lent, p. ex., à devenir adulte et si peu spécialisé dans sa main – qu’il n’a pu survivre que grâce à la sollicitude d’autrui. De son côté, Laura Rizzerio mobilise la philosophie aristotélicienne pour mettre en évidence, à côté de la visée (platonicienne) du bien qui agit comme une norme universelle, la situation propre de l’agent concerné. Ainsi une personne handicapée peut-elle encore trouver du sens à sa vie, même si elle ne répond pas de la même manière que les autres à la normalité commune. La philosophe namuroise rejoint par là les thèses de Martha Nussbaum qui envisage la justice, non comme le résultat d’un contrat abstrait, mais comme la volonté de garantir à chacun le seuil minimal de ses capabilités, volonté qui trouve sa source, ajoute L. Rizzerio, dans un mystère d’Amour.

La seconde partie de l’ouvrage, plus pratique, comprend également quatre sections. La juriste V. Flohimont analyse le passage de la généralité du principe d’égalité aux détails de la chasse aux discriminations que le droit entend mener de nos jours pour satisfaire les revendications individuelles. Le psychanalyste J. Arènes prend le relais pour montrer le danger de la victimisation, processus dans lequel le sujet blessé est frustré de la réparation qu’il attend toujours dans un monde où la seule injonction collective intime au sujet d’être soi. Les deux dernières contributions abordent l’ampleur du travail social puis l’intimité de la relation médicale : J. Depasse et V. Herman décrivent le travail déployé par un organisme de formation permanente pour rendre la parole et la maîtrise de leur vie à des personnes marginalisées ; la doctoresse C. Dopchie livre enfin, en contraste avec la rupture thérapeutique provoquée par l’euthanasie, une superbe méditation sur la double impuissance du médecin et du patient, reliés par leur commune humanité.

Voilà donc un beau livre qui invite chacun tant à l’humble réconciliation de lui-même avec sa propre vulnérabilité qu’à la généreuse attention à autrui pour qu’il ne souffre pas trop de la sienne. — X. Dijon s.j.

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