Actus essendi. Saint Thomas d'Aquin et ses interprètes

(dir.) Matthieu Raffray
Philosophy - reviewer : Hubert Jacobs

Le présent ouvrage touche à la question du principe clé de la constitution métaphysique des étants, question qui oppose entre eux les métaphysiciens, même les disciples de St Thomas. L’abbé M. Raffray a eu l’heureuse idée de réunir à Bordeaux, à Pâques 2014, quelques représentants des diverses tendances qui divisent les thomistes sur ce point. De ce colloque voici les actes où, déclare le p. Bonino, approche historique et approche structurelle se combinent avec bonheur.

Pour St Thomas, rappelle A. Comtat, toute substance créée se compose métaphysiquement de l’esse, ou actus essendi, et de l’essence. Ainsi s’exprime la profonde originalité du thomisme face à Scot et à Suarez. Mais depuis les années cinquante on a montré que ces deux principes de l’étant avaient été compris de manière bien différente par les nombreux thomistes. Un accord presque unanime est traversé de désaccords considérables. Il y a chez St Thomas dix-sept occurrences de l’expression actus essendi. La doctrine de l’acte est présente chez lui de manière fondamentale, mais esse et ipsum esse ne désignent pas toujours l’acte d’être. G. Morin remarque que la doctrine de l’acte d’être s’enracine dans la distinction avicénienne d’être et de quiddité, utilisée à propos des substances créées. Mais St Thomas affirme que l’acte d’être se prend de l’étant tout entier et non de la seule quiddité. En recevant d’Avicenne l’être comme ce par quoi la substance est en acte, il lui donne un statut nouveau : l’acte d’être est l’acte de l’essence selon la composition métaphysique de puissance et d’acte.

E. Jindráček, après avoir constaté qu’actus essendi n’est pas un terme technique exclusif du Docteur angélique et de son école, étudie quelques grands représentants du thomisme entre le xve et le xviie s. Quelques différences notables y apparaissent déjà, avant qu’actus essendi ne devienne, de nos jours, une parole quasi emblématique de l’école thomiste. La difficulté liée à son interprétation provient sans aucun doute de l’équivocité contenue dans le terme esse chez St Thomas lui-même. Parmi tous les interprètes anciens de cette notion, c’est Dominique Bañez qui paraît le seul à pouvoir être regardé comme étant déjà un thomiste moderne. C’est lui, en effet, qui a été le premier à tenter de réduire toute actualité à l’acte d’être. Pour la période contemporaine sont analysés É. Gilson, J. Maritain, le p. Guérard des Lauriers, Cornelius Fabro et quelques autres. É. Gilson a d’abord découvert l’acte d’être comme acte de l’essence, puis, à partir de 1942, comme actus essendi, situé sur le plan existentiel où l’acte d’exister compose réellement avec l’essence pour former l’étant subsistant. Maritain est surtout étudié pour son intuition de l’être. Yves Floucat montre comment on ne peut être d’accord avec pareille perspective, car une semblable intuition excède les capacités de la raison humaine. Quant au p. Cornelio Fabro, présenté par C. Ferrao, il voulait par-delà la dilution de l’étant en deux entités, retrouver l’unité de l’étant premier. Pour ce faire, il tenait que tout ce qui est en acte dans le suppôt devait son actualité à l’actus essendi.

La richesse de ce vol. en fait une authentique somme de Métaphysique et nous fait espérer un second ouvrage qui nous présenterait les auteurs qui n’ont pu y être exposés, tels les p. Pruche, Corvez et de Finance, et pourrait susciter un nouvel essor de la métaphysique… « thomasienne ». — H. Jacobs s.j.

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