On connaît l'oeuvre d'Annick de Souzenelle qu'on pourrait appeler
«Une poétique de la Bible» à travers la symbolique des mots hébreux
et de leurs assonances: lecture spirituelle, mystique, dont elle a
le secret. Dans ce double volume, elle lit avec nous le texte du
début de la Genèse. Le tome I est consacré au récit de la création
(Gn 1) et le tome II à celui du « péché » du premier
couple humain ainsi que de ses conséquences funestes dans le cours
de l'existence humaine, puis de l'effet du « pardon » de
Dieu et de l'Alliance de feu qu'il entretient avec l'humanité tout
au long de son histoire. Histoire d'un amour transcendant qui
traverse notre misère et notre mal, comme le soleil à travers un
vitrail. Cependant, la lecture en est ardue car elle désoriente nos
mentalités d'occidentaux du xxième siècle. Elle nous permet
toutefois, en nous enfonçant dans le maquis de la symbolique
mystique des lettres et des chiffres de la langue hébraïque - à la
fois corporelle et étonnamment éthérée -, d'acquérir une
familiarité avec le monde spirituel de la Bible empreint
d'interprétation rabbinique et d'inspiration cabaliste.Proposer une
lecture chrétienne de ces textes hébraïques sonne comme une
gageure, un véritable défi que l'A. relève grâce à sa perception
très personnelle de la langue et de la tradition de la Bible et à
la poétique spirituelle de sa méditation: une véritable «danse du
sens où s'allient la logique quasi mathématique et la légèreté
d'une interprétation enracinée dans la tradition chrétienne», comme
l'exprime l'argumentaire du tome I. Le lecteur aura donc à
consentir à l'effort de se laisser désorienter par un texte qui le
désarçonne sans cesse, l'obligeant à de continuels rétablissements.
Certains s'y fatigueront plus vite que d'autres, mais la
persévérance s'avérera payante, pleine de richesses. Relire Le
symbolisme du corps humain du même auteur pourra aider (Paris,
Albin Michel, 1991). - J. Radermakers sj