Dans les Frères Karamazov, Dostoïevski prit pour modèle du starets Zosime le Père Ambroise qu'il avait connu personnellement. Alexandre Grenkov, le futur Ambroise ou Amvrosij (1812-91) était le 6e enfant d'un modeste sacristain de village et vécut dans une famille rigide et pieuse, où il fut souvent en conflit avec ses parents. En 1830, son intelligence le fit désigner pour le séminaire de Tambov et il devint docteur en théologie en 1836. Au cours d'une grave maladie, il avait fait voeu d'entrer en religion s'il guérissait, mais il hésita trois ans à obtempérer. Devenu instituteur, il alla consulter un ermite qui lui dit: «Va à Optina, car on y a besoin de toi». Mais il traîna encore avant de partir brusquement après une nuit mondaine où il avait brillé.
Fondé au XVIe s., le monastère d'Optina près de Moscou tomba en décadence vers 1800. Un higoumène nommé par le Métropolite de Moscou redressa la situation et construisit un «skit» ou petit ermitage avec 3 à 5 moines dont le starets Leonid qui fit la réputation d'Optina en dirigeant des laïcs malgré son évêque; un second starets, Macaire, y arriva en 1834. Entré en 1839, Alexandre vainquit rapidement les préventions sur son compte et, après un an, fut envoyé dans le skit avec les deux starets. À sa profession, il prit le nom d'Ambroise et fut ordonné prêtre en 1845. Sa santé était toujours mauvaise, mais son évêque venu en visite devina sa valeur et lui conseilla d'aider Macaire demeuré seul; toutefois le titre de starets ne lui fut conféré qu'en 1848, à 36 ans, ce qui était très tôt. Macaire mourut en 1860 et Ambroise resta seul starets pendant 30 ans. Il jeûnait, priait et recevait les laïcs pendant tous ses temps libres et même jusqu'à minuit. La foule attendait à sa porte, parfois longuement et en maugréant.
Bon nombre d'intellectuels vinrent à lui et parmi eux Dostoïevski, Soloviev, Tolstoï. On l'interrogeait sur tout: mariages, enfants, questions familiales, problèmes personnels… Il rendait courage aux désespérés et lisait parfois dans les coeurs pour amener à des conversions. Avec les moines et les moniales, il luttait contre l'égocentrisme et poussait à l'obéissance; il était bon, compatissant, mais savait se montrer ferme et même dur. Il guérit aussi des maladies physiques ou spirituelles. Avec l'aide d'une riche veuve devenue religieuse, il fit bâtir près de son skit un complexe dont il hérita après la mort de la moniale et qu'il transforma en couvent pour des femmes incapables de payer leur dot pour entrer en religion: veuves, orphelines, aveugles, malades… Ce monastère devint son enfant chéri les 7 dernières années de sa vie. Les religieuses, reconnaissantes, l'entouraient de vénération et conservèrent beaucoup de ses paroles et de ses lettres.
Les épreuves physiques et spirituelles ne lui manquèrent pas. La dernière année, il faisait sa visite annuelle chez ces religieuses, lorsque son état empira, l'obligeant à demeurer dans ce monastère. Il continuait à recevoir tant bien que mal des visiteurs, mais les critiques scandalisées ne lui manquèrent pas. L'évêque lui-même s'émut et vint le voir pour le ramener de force à son skit. Il arriva après la mort du starets. La foule se pressa à ses funérailles et les miracles ne manquèrent pas sur sa tombe. Par suite de la Révolution, il ne fut canonisé qu'en 1988.
Cette vie remarquable est écrite par un historien de la fameuse Université Stanton en Californie. Dunlop cite abondamment les lettres du starets et résume en un bon chapitre l'histoire du monachisme russe. - B. Clarot, S.J.

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