Voici un ouvrage que d'entrée de jeu je qualifierais de passionnant. Passionnant parce que, mais malheureusement le titre ne l'indique pas, il concerne l'histoire d'une organisation qui fut particulièrement importante dans la vie de l'Église de France tout au long du 20e siècle, à savoir l'Association catholique de la jeunesse française (ACJF). Créée en 1886 sous l'impulsion d'Albert de Mun, elle entendait oeuvrer en faveur de l'instauration d'un ordre social chrétien. Le programme était ambitieux et d'autant plus ardu à comprendre que tant la France que l'Église catholique de ce pays connaîtront, jusqu'à la fin de l'ACJF en 1956, des crises qui n'eurent rien d'anodin. L'ouvrage d'A.-R.M. commence aux années d'après la Première guerre mondiale, prenant le relais de l'étude consacrée par Ch. Molette aux temps de fondation (L'Association catholique de la jeunesse française (1886-1907). Une prise de conscience du laïcat catholique, Paris, 1968). Il fallait non seulement relancer le mouvement mais surtout se situer dans un contexte international et national qui était pour le moins complexe. Et même si le mouvement n'entendait pas être politique avant tout, il ne put, par la force des choses, éviter d'au moins aborder des thématiques hautement politiques, tel le pacifisme ambiant. L'Action française ne pouvait pas plus être évitée, que l'ACJF condamnera.
À la fin des années 1920 et au début des années 1930, l'ACJF connaît une profonde mutation. Pie XI insiste vigoureusement sur l'Action catholique; pour sa part, le mouvement entre dans la voie de la spécialisation, devenant une fédération regroupant la JOC, la JAC, la JEC, la JMC et la JIC. Toujours soucieuse d'instaurer une société inspirée par les principes chrétiens, l'ACJF sera alors confrontée à la politique de Briand: si le nationalisme outrancier est condamné au profit d'une politique de paix, il ne s'agit pour autant pas de tomber dans un optimisme béat. La politique du Front populaire en matière sociale sera également bien vue.
La Seconde guerre mondiale sera une nouvelle épreuve. Le régime de Vichy entendait bien encadrer la jeunesse. Si dans un premier temps, l'ACJF ne fut pas réticente à la Révolution nationale, rapidement le divorce allait toutefois assez rapidement être prononcé, et l'ACJF refusera tout autant le STO que le nazisme, tout en entrant dans la résistance.
Les années d'après-guerre ne seront pas plus paisibles. Peu à peu l'ACJF entrera dans une voie «travailliste», manifestant entre autres sa sympathie pour la politique de Mendès-France. En 1956, les difficultés avec la JOC à propos de la question de l'enseignement technique, laquelle JOC sort alors de l'ACJF, conduit à la fin de celle-ci. Mais derrière cette circonstance, se vit un autre enjeu qui trouvait ses racines déjà sous le pontificat de Pie XI: celui des rapports entre la hiérarchie et le laïcat. On n'en est pas encore à la théologie de Vatican II et tous n'envisagent pas la place de l'apostolat du laïc de la même manière: mandat ou collaboration?
Livre passionnant disais-je au début de ces lignes: oui, parce qu'à travers lui on découvre les germes de bien des problématiques actuelles. - B. Joassart sj

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