Cet ouvrage rassemble les quatre conférences de Carême données par le Cardinal à Marseille en mars et avril 2022, à l’occasion de la canonisation de Charles de Foucauld. La réédition, en conclusion, du « Modèle unique », texte spirituel de saint Charles de Foucauld est une décision heureuse.

La vie du saint ne manque pas d’aventures et de faits intéressants : vie peu ordinaire marquée par une soif d’absolu et par des détours géographiques et ecclésiaux. La sinuosité de ce chemin à la fois déconcerte et fascine. Comment la relation entre Dieu et l’homme peut-elle s’inscrire librement dans l’histoire ? Et surtout comment le discernement de la volonté divine est-il à la fois une condition de sainteté et un berceau de croissance spirituelle ?

Le parcours offert est à la fois historique et précis, en même temps que son sens nous est offert pour comprendre le don qui est fait à l’Eglise en cette canonisation. Les 4 conférences forment les 4 chapitres. Apprendre à se laisser guider (chap. 1) nous décrit la période de sa naissance jusqu’au premier séjour au Maroc, le milieu familial et sa carrière militaire, son exploration risquée du Maroc. À travers le vécu, le libertinage s’efface devant la liberté humaine qui s’affermit. L’archevêque de Marseille souligne avec raison la « grandeur d’âme » de saint Charles, sa grande générosité et l’influence de la foi des musulmans rencontrés qui « mouille » son âme.

Ce désir de Dieu ne fait que grandir (chap. 2) et la rencontre avec l’abbé Huvelin est décisive dans la conversion et l’abandon spirituel de Charles de Foucauld. Quand il est en France, ce dernier est entouré de personnes qui l’aiment : cette bonté expérimentée et la rigueur spirituelle de celui qui deviendra son père spirituel donnent un élan fondateur à son amour du Christ et à sa vocation. Le dialogue avec l’abbé Huvelin montre la liberté chrétienne qui se déploie dans un être passionné : de belles citations marquent ce passage. Charles est attiré par le silence et la pauvreté. Le désir de ressembler au Christ pénètre tous ses « os ». Il se retrouve à la Trappe de Notre-Dame-des-Neiges et dans sa fondation en Syrie. Les lettres citées de cette époque reflètent sa recherche de sainteté à travers l’identification aux plus pauvres, son désir de ne pas être prêtre et sa décision finale de quitter la Trappe pour aller à Nazareth. La vocation n’est pas « statique », nous rappelle l’A. qui nous permet de lire de nombreux textes importants du saint.

Le désir le mène à être avec Jésus (chap. 3) dans son village de Nazareth : période de latence avant son déplacement vers Béni Abbès. Les repères de cette route sont soulignés et interprétés par le Cardinal : la bonté de sa famille, la structuration reçue à l’armée, la Trappe, la direction spirituelle forte et avisée (p. 97-108). Finalement le chemin vers le sacerdoce s’éclaire en vue d’une mission d’ermite dans le désert. La vie à Nazareth doit être vécue non pas en Terre Sainte, mais aux frontières du désert.

La dernière partie décrit sa vie avec le Christ de Béni Abbès à Tamanrasset (chap. 4). La Parole de Dieu est devenue centrale dans sa vie, sa confiance en la bonté du Cœur de Jésus est indéfectible, son respect de la puissance de l’Eucharistie est lumineux. La communion amicale et fraternelle qu’il établit avec ceux qui l’entourent est aussi impressionnante : ainsi vit-il la recherche d’une attitude missionnaire dans la relation qu’il nourrit avec les musulmans qui l’entourent. Mais la conversion personnelle reste le carrefour incontournable et la trame de son quotidien. En fin de vie, établi à Tamanrasset, Charles nous enseigne l’importance de la dernière place, de la fraternité, de l’abandon. Sa mort est une semence d’éternité qui peut éclore aujourd’hui. En devenant le « frère universel », il nous introduit aujourd’hui à la réalité profonde de la catholicité. Cette dernière interprétation du Cardinal suggère la place que la spiritualité de Charles de Foucauld peut prendre dans la vie ecclésiale d’aujourd’hui. Elle nous indique combien chaque saint est un don pour l’Église et une source d’inspiration pour ceux et celles qui le prennent comme témoin et ami. La vie de Charles n’est pas imitable comme telle, mais ce qui l’animait peut entrer dans le cœur profond de tous ceux qui apprennent à le connaître et à mieux l’aimer. — A. Mattheeuws s.j.