Des jours de lumière. T.I. Chronologie de la vie de Jésus en Luc. T.II. Marie, témoin de la parole en Luc. 2 vols

S. Chabert d'Hyères
Holy Scripture - reviewer : Jean Radermakers s.j.
Prétendre reconstituer la chronologie de la vie de Jésus semble aujourd'hui une gageure. Faisant confiance au sens «historique» de Luc, l'A. pourtant en relève le défi. Elle ne décline pas ses titres, mais son étude manifeste une excellente connaissance du milieu des premières communautés chrétiennes et de la littérature tant juive que patristique, ainsi que la science des calendriers. La méthode de lecture des textes est fondée et rigoureusement menée: il s'agit de ne pas séparer le sens propre ou historique du sens figuré ou symbolique, mais d'enraciner l'un dans l'autre. Dès lors, l'A. s'efforce d'établir l'âge de Jésus au début de son ministère: trente ans au printemps de l'an 29. Elle examine ensuite les récits lucaniens de la passion du Christ. Grâce aux données astronomiques à consulter dans l'annexe I, elle date - avec certitude (!) - la mort de Jésus du 7 avril 30. Elle suit pas à pas le déroulement des événements en soulignant la cohérence historique de Lc et en tentant d'expliquer les variantes de Mt et Mc comme imprécisions ou spiritualisations. Passant à la naissance du Christ, l'A. reprend la chronologie traditionnelle et la rapproche de celle de Lc, reconnue fiable; elle la date de l'an 2 avant notre ère (752 de Rome), en accord avec les Pères de l'Église jusqu'au VIe siècle, année sabbatique et jubilaire. Bien documentée, soigneusement étayée, cette étude apportera matière à réflexion aux exégètes et aux historiens. Elle rejoint d'ailleurs le point de vue de nombreux chercheurs actuels, avec des arguments intéressants, à comparer à ceux de G. Fedalto (cf. NRT 122 [2000] 461). Sa vision des choses parviendra-t-elle à s'imposer? Elle minerait, pour une part, les conclusions de la recherche synoptique. L'avenir le dira. Louons la probité intellectuelle de l'A. qui s'inspire du commentaire du regretté É. Delebecque. Elle fait passer sa conviction dans un style clair et précis, simple et persuasif. Le deuxième essai tente de prouver que les récits lucaniens d'enfance de Jésus remontent directement au témoignage de Marie. Position difficile à soutenir, et qui va à l'encontre de l'avis des bons exégètes récents, en raison du caractère sémitique et midrashisant de Lc 1-2. En contact étroit avec le milieu judéo-chrétien, l'auteur du troisième évangile - païen converti d'Antioche - semble avoir bien perçu l'importance du judaïsme dont il a emprunté les modèles d'écriture. Après avoir comparé le récit de l'annonciation avec la tradition juive (récits et prophéties), l'A. s'attarde à souligner l'importance de la prononciation du Nom divin par l'ange Gabriel, comparé au grand prêtre au Yom Kippour. Elle passe ensuite à l'appellation que Jésus se donne devant le sanhédrin et y relève des allusions au jour du grand Pardon et à la bénédiction sacerdotale (donnée par Jésus au jour de son enlèvement: Lc 24,50-51). Identifiant alors le rédacteur du troisième évangile, elle n'hésite pas à reconnaître en lui un Juif, peut-être un lévite, familier des premiers témoins du Christ et confident de la Vierge Marie. Elle réinterprète les récits lucaniens d'enfance par la tradition juive. Finalement, elle propose une date très haute pour la composition de Lc: 55 ou 56, avant l'épître aux Galates. Elle croit cet évangile né d'une rencontre de Luc avec Marie «dans une étroite collaboration de mémorisation, de rédaction et de traduction» (p. 119); il ne s'agit donc pas d'une de ces «strictes compositions littéraires chargées d'intentions spirituelles» (p. 120). Or elle-même reprend, au long de ses deux essais, des éléments de théologie spirituelle montrant que l'auteur lucanien, s'il est vrai historien, est aussi vrai théologien, sans que l'un fasse tort à l'autre. Une annexe place la naissance de Jésus dans la nuit du 24 au 25 juin de l'an 2. Malgré la minutie de sa lecture des textes et des réflexions pénétrantes, il nous paraît difficile de suivre l'A. jusqu'au bout. En effet, si l'auteur lucanien a pu connaître Marie, il élabore son récit de manière théologique, en lien avec les autres évangélistes mentionnés dans son prologue. On ne peut davantage nier le parallélisme qu'il construit entre son Évangile et les Actes, unanimement reconnu. À vouloir trop prouver, on risque de déforcer ses arguments. Cette étude doit donc être lue avec circonspection, même si elle contient d'intéressants matériaux et des rapprochements suggestifs entre A.T. et N.T. Finalement, sa notion d'historicité apparaît un peu étriquée: pour Lc, la véritable histoire n'est-elle pas celle que l'Esprit Saint trace dans les vies? À étudier les récits lucaniens, nous nous sommes forgé une conviction fort différente de celle de l'A. Il nous semble en tout cas difficile de considérer sans plus Marie comme co-auteur du troisième évangile! - J. Radermakers, S.J.

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