Qui n'a entendu parler de la célèbre stèle «nestorienne» élevée en
781 dans l'ancienne capitale chinoise de Xi'an (Chang'an) et
redécouverte vers 1625? Rédigée en chinois, elle présente aux
habitants de l'empire du Milieu le message chrétien apporté par des
missionnaires venus de Perse. Objet de quelques publications
savantes (et de bien d'autres qui le sont moins), cette
proclamation peut être éclairée par des textes de même époque
découverts il y a un siècle dans des grottes d'Asie centrale.
L'auteur chinois de cette dissertation doctorale (Bonn, 2003)
s'attache surtout aux implications doctrinales de la terminologie
chinoise adoptée pour transmettre des enseignements d'abord
formulés en syriaque. Après avoir présenté le cadre historique et
politique ainsi que le contexte culturel et religieux, il propose
du texte de la stèle une nouvelle traduction allemande (95-101)
accompagnée de notes copieuses (114-166). Il entreprend ensuite une
étude précise de la terminologie utilisée pour quatre thèmes: Dieu,
le Christ, l'Esprit Saint, la Trinité. Les traducteurs firent
largement appel à des termes en usage chez les taoïstes et surtout
les bouddhistes: ces derniers s'étaient heurtés à semblables
difficultés pour rendre en chinois leurs enseignements venus de
l'Inde via l'Asie centrale. Quel message les chrétiens nestoriens
voulaient-ils faire passer? Et surtout, que pouvaient comprendre
leurs lecteurs chinois? Dans plus d'un cas, des emprunts trop
directs (par ex. Fo, c'est-à-dire «Bouddha», pour signifier «Dieu»)
se révélèrent trompeurs; on opta plus tard pour des périphrases
(par ex. «Seigneur véritable sans commencement») moins chargées de
connotations bouddhiques ou taoïstes, mais aussi moins
compréhensibles au premier abord. En revanche, il semble à l'A. que
des termes tels que «force vitale» ou «puissance originelle»
convenaient assez bien pour désigner l'Esprit Saint.
Bien que toute présence chrétienne semble avoir disparu suite à
l'édit de 845 (principalement dirigé contre le bouddhisme), il
demeure que le processus de traduction a une portée théologique:
l'A. y revient dans sa conclusion (257-269), tout en proposant un
bilan sévère de l'échec de la mission nestorienne. Le détail des
explications et démonstrations contenues dans ce volume ne sera
pleinement apprécié que par le lecteur ayant une bonne connaissance
du chinois classique. D'autres, moins fortunés, pourront néanmoins
se faire une idée des obstacles culturels et linguistiques qui
entravent la route du message évangélique vers le monde chinois. -
J. Scheuer sj