Dogmatique pour la catholicité évangélique. Système mystagogique de la foi chrétienne. IV. L'affirmation de la foi: Anthropologie théologique, 2. La réalité humaine devant Dieu

Gérard Siegwalt
Theology - reviewer : Yves Labbé
Le second tome de l'anthropologie suit d'une année seulement le premier, qui exposait une problématique scientifique et philosophique (cf. NRT 126 [2004] 658-659). Plus développé, il se divise en quatre parties de longueurs inégales. Il appelle d'abord l'être humain à se reconnaître devant Dieu en s'acceptant lui-même, créature et pécheur. La conjonction demeure le connecteur préféré du théologien strasbourgeois. Elle unit étroitement création et rédemption, révélation générale et révélation spéciale, finalement résurrection et jugement.
L'opposition de notre collègue à tout dualisme se vérifie dans la seconde partie, qui consacre plus de 200 pages à l'interprétation des onze premiers chapitres de la Genèse. Il faut replacer les chap. 2 et 3 dans cet ensemble et s'y arrêter longuement pour écarter la doctrine du péché originel entretenue depuis Augustin. Adam est un archétype. Le Yahviste parle non d'une chute d'un état dans un autre mais d'une béné¬diction renouvelée de la création. Le lecteur pressé se reportera aux pages 308 et suivantes: «Est première l'expérience de l'ambiguïté du réel et, en elle et à partir d'elle, la perception (la prise de conscience) de la faute qui est la confusion consentie du sujet humain avec cette ambiguïté» (p. 320).
La troisième partie apparaît généreuse et audacieuse. À la suite d'une angélologie universelle et personnelle, déjà sensible dans les ouvrages antérieurs, l'A. plaide en faveur d'une préexistence des âmes puis de la possibilité de leur réincarnation. Si l'anthropologie ne permet pas d'en établir la thèse, la théologie n'oblige pas davantage à la récuser. «La foi dans le Christ et dans sa puissance de résurrection à travers la mort et le séjour des morts, est-il conclu, n'exclut pas la réincarnation mais ne l'appelle pas non plus» (p. 489).
La quatrième partie s'achève par cinquante fort belles pages sur la destinée ultime de l'individu, avec au terme une ferme justification de la cons¬cience messianique de Jésus. On est très loin d'une théologie libérale. Rapprochant résurrection et jugement, les pôles positif et négatif de l'eschatologie, l'A. conclut: «La mort est l'entrée dans la réalité de la résurrection et le jugement dernier est la marque du « travail » de la résurrection en l'être humain» (p. 572). C'est à sa propre mort que le Christ advient pour chacun, dont la vie se trouve purifiée en étant récapitulée en Dieu (cf. p. 556-557 et 562-563). On n'hésitera donc pas à parler d'apocatactase, non pour affirmer mais pour espérer le salut final de tous. H. Urs von Balthasar était allé lui-même jusque là, avec toutefois un supplément de réserve.
Un lecteur coutumier de la Dogmatique y retrouve les marques d'un oecuménisme univer¬salisé: il faut toujours penser l'Un avec l'Autre, ainsi le jugement avec la résurrection. Si cet oecuménisme ouvre ici d'heureuses perspectives, il apparaît ailleurs moins convaincant. Une volonté de rompre définitivement avec l'augustinisme ne commande-t-elle pas une lecture sollicitée de la Genèse et, surtout, une réduction de la charge du mal, qui est aussi déchéance, tant physique que morale? De même, la troisième partie, si compréhensive à l'égard de la réincarnation, ne s'appuie-t-elle pas sur un désir que tout soit sauvé et malgré tout? Or, la suppression de cette partie ne modifierait pas l'économie de l'anthropologie théologique reprise dans la dernière partie. En retour, la réincarnation n'est-elle aussi bien rejetée par la résurrection que contredite par l'émergence humaine du soi? S'il convient de distinguer les registres philosophique et théologique de l'anthropologie, les deux ne s'inscrivent-ils pas en faux contre le cycle des renaissances? Une absence de condamnation ecclésiale (cf. p. 479) ne légitime pas une indétermination à son endroit
Si l'intelligence généreuse de notre collègue se révèle souvent éclairante, sur des questions embrouillées par des constructions conceptuelles aussi incertaines que vénérables, il arrive qu'il soit difficile de la suivre. Pour «la théologie théologique» en projet, je suggère à l'éditeur d'aérer les pages de titres. Le lecteur appréciera ce geste de miséricorde! - Y. Labbé.

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