Ainsi, peut-on parler des trois monothéismes? Que signifie au juste ce mot appliqué à une religion, d'autant que les trois monothéismes en question ont quelque réticence à reconnaître aux autres cette qualification? On fait aussi volontiers d'Abraham un ancêtre commun mais c'est perdre de vue que l'islam se présente comme étant la seule religion authentique d'Abraham. Trois religions du Livre? N'est-ce pas oublier fondamentalement le rapport différent à son Livre que l'on trouve dans le judaïsme, le christianisme et l'islam? Il faut donc reconnaître que ces expressions courantes apportent plus de confusion et d'amalgame que de clarté.
Pour ce qui est du Dieu des chrétiens, le même travail de déconstruction s'impose, si l'on veut faire la vérité. C'est ainsi que l'affirmation du Dieu un et trine, ne renvoie pas à une des variantes du monothéisme. La Trinité est la manière dont Dieu est un. Dieu est un en tant qu'il est amour. À plus d'un, l'expression de R.B.: «Dieu ne nous demande rien» paraîtra exagérée. Mais c'est parce que nous avons l'habitude de rabattre la religion dans le cadre d'une morale. Dieu ne nous demande rien, mais s'attend à ce que sa création porte du fruit. Place donc à l'imagination, à l'invention, à la foi: la parabole évangélique des talents est éloquente. Dieu se tait? En suivant Jean de la croix, R.B. montre qu'il faut voir là la conséquence d'une parole livrée sans reste.
Sur tous ces points et d'autres encore, l'A. nous donne à lire un texte pénétrant, au style épuré et dégraissé qui va à l'essentiel. On sent Pascal proche et une longue fréquentation de la chose dont on parle… Si Dieu ne peut être pensé jusqu'au bout à partir du créé, cela n'autorise pas à l'affubler d'un langage flou et mou, qui ne mesure pas bien ce qu'il dit, qui dit trop ou trop peu. - H. Thomas osb