Initié par le trappiste américain Thomas Keating (1923-2018), le mouvement contemplatif « Centering Prayer » est à présent répandu dans un grand nombre de pays. Loin de considérer la contemplation comme le domaine réservé de communautés monastiques ou comme un art pratiqué par quelques virtuoses de la mystique, ses orientations entendent ouvrir la voie de la vie intérieure au plus grand nombre en même temps qu’elles mettent en garde contre un divorce entre expérience spirituelle et vie quotidienne en société. Ce double trait invite à s’interroger sur la fécondité des conceptions et pratiques de la centering prayer pour offrir une assise spirituelle à l’éthique chrétienne.

Éthique et spiritualité : on peut être tenté de chercher d’emblée des contenus communs à ces deux démarches ou du moins des thèmes se prêtant à des rapprochements fructueux. Orientés vers la pratique contemplative, les écrits de Keating ne contiennent guère d’élaboration scientifique ou critique. Afin de dégager les linéaments d’une théologie éthique inspirée de cette expérience contemplative, une série de médiations et de réflexions de méthode s’avèrent indispensables. C’est pourquoi, après un exposé des enseignements de T. Keating, l’A. de cette volumineuse thèse présentée à la fac. de théologie catholique de l’Univ. d’Augsbourg propose plusieurs éclairages : la phénoménologie structurale de Heinrich Rombach, les réflexions d’Alfons Auer sur l’éthique chrétienne et l’autonomie, les écrits de Karl Rahner sur une éthique existentiale (inspirée notamment de la démarche des Exercices spirituels ignatiens). Ce qui paraît décisif dans la démarche promue par Keating, c’est moins tel thème particulier que l’ouverture inconditionnelle à la réalité d’un Absolu ou de Dieu reconnu comme « That which is ». L’inhabitation divine invite à vivre le soi authentique et en suggère des critères. La question d’éventuelles influences de traditions spirituelles d’Extrême-Orient ou du moins d’une comparaison avec celles-ci n’est en revanche pas abordée dans cette étude exigeante. — J. Scheuer