Professeur émérite de théologie fondamentale à la Faculté de théologie d’Italie du nord, musicien et compositeur, exerçant des charges dans plusieurs instances pontificales, P. Sequeri est sans doute peu connu des lecteurs francophones, qui n’ont accès en français qu’à L’idée de la foi (2011, 2002 pour l’éd. it.) tandis que son livre majeur, Il Dio affidabile. Saggio di teologia fondamentale (1996, 2013⁵), n’a pas été traduit. Outre la théologie fondamentale, ses recherches portent sur l’anthropologie philosophique, mais aussi l’esthétique et la musicologie (voir la recension de L’idea spirituale della musica in Occidente dans NRT 131, 2009, p. 817).

Le présent ouvrage, intitulé Inscription et révélation, vise à honorer le sens de la configuration textuelle de la Parole de Dieu, en rendant raison de la forme spécifique de vie qui en dérive. Pourquoi la révélation de Dieu s’est-elle faite écriture ? En avons-nous mesuré toutes les implications ? L’ouvrage, né de la sollicitation de deux anciens élèves qui en ont préparé la facture, recueille des réflexions de l’A. disséminées dans divers écrits auxquelles sont ajoutés de nouveaux développements. L’ensemble se présente comme un plaidoyer pour retrouver le goût de dialoguer avec la « langue maternelle (lingua madre) » de l’Écriture biblique, en recevoir la puissance générative, dans ses dimensions non seulement conceptuelle mais aussi affective et symbolique, car c’est seulement ainsi qu’elle atteste de la vérité de Dieu. L’enjeu n’est pas de moindre importance : comment parler du sensus fidei s’il n’y a plus de réception de la Parole de Dieu telle que bibliquement attestée ?

Les deux premières parties approfondissent l’identité du texte sacré, l’articulation entre exégèse (critique) et théologie (croyante), le sens de l’histoire. On y rencontre les idées maîtresses de l’A. : l’Écriture comme « acte de témoignage (testimonal) », le canon comme « révélation attestée », l’importance de la « médiation » textuelle (qui met au second plan aussi bien l’événement, le témoin, que l’autoréférentialité divine en son acte de révélation), la « matrice rituelle » (constitutive aussi bien que restitutive) du corps canonique des Écritures, la résistance du texte à l’herméneutique infinie de la subjectivité, le sens de l’histoire comme prophétie et sagesse (et pas seulement factualité documentable).

Il faut le reconnaître : la lecture de cet ouvrage est exigeante en raison de la conceptualité dense du langage utilisé (parfois jargonnant), d’une syntaxe élaborée, de références multiples, parfois simplement allusives, à la tradition philosophique et théologique.

Les deux parties suivantes sont christologiques. En effet, la consonance entre la corporéité historique de Jésus et celle organique du Livre est plus qu’une simple image : elle met en évidence que l’attestation de l’histoire de Jésus, lequel est l’accomplissement des Écritures, a sa composante essentielle dans l’implication divine dans l’expérience humaine. Du texte évangélique, l’A. offre une réflexion originale sur la forme du discours en paraboles, sur l’ironie biblique avant de conclure par un thème qui lui est cher : celui de la musicalité – celle qui est intrinsèque au texte (les premières écritures seraient des confessions de foi sous la forme d’hymnes traduisant « l’exigence immédiate de la célébration actualisante de l’identification confessante ») ; et celle qui, au cours des siècles, a offert une « deutérose musicale », reprise orante de la Parole de révélation dont les Psaumes sont une mise en abyme à l’intérieur du canon. Pour l’A., « le règne de Dieu prêché par Jésus dans les paraboles résiste au concept : non parce qu’il est irrationnel ou impensable mais précisément parce qu’il oriente, de la manière la plus exacte, la conceptualité et la pensée qui doivent viser à la vérité » (p. 201). — S. Dehorter