L'antijudaïsme chrétien. La mutation

P. Giniewski
Œcumenism - reviewer : Albert Chapelle s.j.
«Pendant le règne de Hitler, la 'Compagnie de Jésus' - qui pourtant portait fièrement le nom d'un Juif - était avec les SS les deux seuls organismes au monde qui refusaient d'accueillir dans leur rang tout homme qui avait un huitième seulement de sang juif» (p. 225). Ces dispositions datées de 1593, 1608 et 1923 «ne furent abolies qu'en 1946» (p. 226). C'est par
des centaines de données semblables que la première partie de cet ouvrage illustre l'«ancien enseignement du mépris»: thèmes et techniques de l'antijudaïsme chrétien, sa théologie, le système d'avilissement imposé aux Juifs au moyen-âge et par la Réforme et ses retombées contemporaines jusqu'au silence de Pie XII, l'affaire Finaly, la déjudaïsation de la Shoah et de l'antisémitisme chrétien. Les 300 pages de faits, de citations de documents ecclésiastiques ou de la presse catholique ne prêtent guère à la contestation.
La deuxième partie expose «le nouvel enseignement de l'estime» rendu possible par J. Isaac et Jean XXIII. Les griefs peuvent être réfutés. L'Alliance n'a pas été révoquée. Le vrai visage d'Israël est redessiné, la mission du peuple élu en chrétienté esquissée, celle de l'État juif proclamée, tandis que Jésus est rendu à son identité juive. Si docile qu'il se veuille à ces déclarations, le lecteur chrétien ne suivra pas l'A. dans toute sa reconstitution des origines juives du christianisme. Même si les esséniens étaient «le chaînon manquant» (p. 414), même si la victoire de l'esprit sur la lettre appartient à la tradition pharisienne, la place n'est pas laissée par l'A. à la confession de la Seigneurie de Jésus Christ.
De la shoah à la techouva, l'A. étudie les paroles-événements qui ont marqué les relations judéo-chrétiennes durant la seconde moitié du XXe siècle. Il décrit la victoire-échec de Vatican II, évoque les diverses retombées de Nostra Ætate et égratigne au passage le Catéchisme de l'Église Catholique (p. 515). L'A. considère comme «novateur et non dépassé» un document théologique allemand de mai 1994 (p. 516), se félicite de la Déclaration de Drancy et marque d'une interrogation la «date historique du 16 mars 1998» où le Saint-Siège publia une réflexion sur la Shoah. La liturgie du pardon à Saint-Pierre le 12 mars 2000 et le pèlerinage du Pape en Terre Sainte sont salués comme il convient (p. 558-559). L'A. recherche tout indice de commencement de réparation, notamment dans les nouvelles éditions de la Bible et relève les éléments d'un sionisme chrétien. Force lui est cependant de marquer la perpétuation de l'antisémitisme qui fait de l'État des Juifs le Juif des États, voué par l'antisionisme à «la Shoah en keffia».
L'Épilogue demande à l'Église d'alléger le poids de la croix pesant sur les Juifs. Si l'on peut espérer le prochain Concile à Jérusalem (p. 636), il est malaisé d'imaginer un Nouvel Évangile juif. L'A. le sait, pas plus qu'il n'y aura de sixième livre de Moïse. Mais son livre informé, documenté, passionné, aura contribué à guérir, qui le veut, de l'«ancienne satanisation des Juifs» (p. 637). Il faut remercier l'A. de son aide et de son amitié. - A. Chapelle, S.J.

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