Dans ce livre, fruit de 30 années de recherche, James L. Kugel,
professeur émérite de littérature hébraïque à l'université de
Harvard et enseignant aujourd'hui à la Bar Ilan University
(Israël), nous fait parcourir les récits les plus importants de la
Bible hébraïque, en se focalisant non seulement sur le texte, mais
sur la question plus large de ce qu'un lecteur moderne doit en
faire. Pour l'A., en effet, l'essentiel de ce qui rend la Bible
biblique n'est pas inhérent au texte, mais n'apparaît que si on la
lit d'une certaine manière. Son objectif n'est donc pas de chercher
ce qui s'est vraiment passé, mais de comprendre ce que la Bible
cherche à nous dire. Ainsi, pour chaque récit abordé, fait-il son
miel en passant en revue l'essentiel de ce que les chercheurs
modernes ont découvert sur le sens du texte et son contexte
historique, sans perdre de vue ce que le lecteur ancien pouvait
pressentir. Dans le premier chapitre: «Essor des études bibliques»
- qu'il reprend, au terme de son étude: «Sachant tout cela» - l'A.
examine, pour en exposer les limites, les deux manières très
différentes de comprendre la Bible: celle des biblistes modernes et
celle des interprètes anciens. La recherche des biblistes modernes
(Wellhaussen; Gunkel; de Wette, Briggs…) consistait à écarter tout
ce que les gens avaient toujours pensé de la Bible, afin de
découvrir l'Écriture pure, la «vraie Bible». Si bien qu'au final,
la Bible devait être lue comme n'importe quelle autre création
humaine, ce qui minait l'idée même de l'inspiration divine des
Écritures. Les interprètes antiques, au contraire, avaient une
manière plutôt idiosyncrasique d'interpréter la Bible, en déduisant
de leur lecture l'existence d'épisodes ou de spéculations dont la
Bible n'avait jamais fait état. Ils s'efforçaient alors d'expliquer
ce que la Bible voulait dire. Mais progressivement, avec l'essor
des études bibliques, le souci d'apprendre de la Bible s'effaça
progressivement devant le souci d'en savoir plus sur elle. C'est ce
glissement qui a creusé le fossé entre la Bible des interprètes
anciens et celle des savants modernes. «Celui qui cherche à
apprendre de la Bible est plus petit que le texte; il rampe à ses
pieds, en attend des instructions ou des intuitions. Apprendre sur
le texte suscite la posture opposée. De sujet, le texte devient
objet» (p. 769). Or, nous rappelle l'A., la façon de lire la Bible
est liée à quelque chose de beaucoup plus fondamental: son statut
même de parole de Dieu et son rôle de guide de la vie quotidienne.
«Heureux le lecteur qui peut ouvrir aujourd'hui la Bible et la
comprendre encore telle que la comprenaient les premiers à avoir
proclamé que c'était la Bible». Il est sûr que la lecture de ce
brillant guide contribue à cette béatitude qui conclut l'ouvrage. -
St. Dandé fmj