Luc Crépy, évêque de Versailles, préside la cellule de prévention et de lutte contre la pédophilie pour l’Église de France et connaît donc bien les problématiques liées aux abus. Mais au lieu d’analyser ceux-ci dans leur matérialité aigüe, il choisit ici un angle différent, prenant la hauteur de la foi pour les analyser à l’aune de nos désirs de toute-puissance. Cette dernière est utilisée ici comme une efficace grille de lecture des abus, tant sexuels que spirituels.

En effet, la toute-puissance est « une – la ? – grande tentation qui traverse chaque être humain » (p. 23) et est bien souvent la source irrigant les dysfonctionnements graves dans les domaines du « sexe, du pouvoir et de l’argent », qui sont les tentations correspondant à leurs contraires que sont les conseils évangéliques. C’est l’un d’eux que l’évêque explore ensuite, la chasteté, qui invite à trouver la bonne et juste distance avec autrui, dans des relations saines, montrant que celle-ci est plus vaste que la seule sexualité : elle concerne également une « juste distance à soi-même » (p. 72) au temps et à Dieu. Signalons que ce chapitre se termine par d’heureux repères au service des éducateurs. Mais l’ouvrage ne s’arrête pas là et porte son regard vers un Dieu qui est vraiment « tout puissant » mais aussi « souffrant » et « miséricordieux » : qui se réclame de Lui ne saurait tenir le premier qualificatif sans s’efforcer de vivre la suite du Christ dans les deux autres. C’est parce que tel est notre Dieu que l’Église ne manque pas de ressources pour sa lutte contre les abus qui la défigurent : ces ressources terminent l’ouvrage, où nous pouvons retenir la tonalité toute franciscaine des deux dernières que sont la synodalité et l’appel à vivre le « tout est lié » de Laudato si’. Un petit ouvrage spirituel et profond, revigorant quand les révélations en cours nous gagnent à la morosité. — I. Payen de La Garanderie o.v.