La liberté de conscience. Histoire d’une notion et d’un droit, préf. Y. Ben Achour

Dominique Avon
Morality and law - reviewer : Bernard Joassart s.j.

Un monument ! Rien qu’à considérer la table des matières, l’index onomastique, et le « poids » du volume (plus de 1100 p. en petits caractères), on ne peut que se dire que le lecteur est convié à suivre un programme de grande ampleur. Et cette première impression est évidemment confirmée par le titre : il ne faut pas faire grand effort de réflexion pour saisir qu’il s’agit là d’une réalité nullement anodine, qu’elle concerne la vie de chaque être humain tout autant que l’organisation de la société dans laquelle il s’inscrit, réalité d’autant plus complexe à comprendre que rien que les deux termes qui la composent sont eux-mêmes tout aussi complexes à scruter. Dans le cadre de notre revue, il n’est évidemment pas possible de suivre tout le parcours retracé par Dominique Avon qui remonte bien des siècles avant notre ère, même si la notion de liberté de conscience est finalement assez récente dans l’histoire : elle se fit jour aux xvie-xviiie s., alors que la chrétienté connaissait son grand éclatement. Il me paraît plus utile de signaler au lecteur qu’à partir de cette notion et dès lors ce qui est considéré comme un droit, on est confronté à une multitude de disciplines : l’ouvrage est à la fois une histoire de la théologie, de la philosophie, de la culture, du droit, ou plus exactement de toutes les théologies, de toutes les philosophies, de toutes les cultures et de toutes les formes de droit qui ont émergé durant l’histoire de l’humanité. Et encore, là ne s’arrêtent pas les difficultés à étudier une telle thématique et les connexions qu’elle entretient avec d’autres, notamment la liberté religieuse et celle de culte qui n’équivalent pas strictement à la liberté de conscience, ou encore celle de tolérance. Cela étant, si cette liberté fut inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (cf. l’art. 18 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion » ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.), par les 58 états composant alors l’ONU, on devine qu’il ne fallut pas longtemps pour qu’elle soit à tout le moins discutée avec l’augmentation du nombre d’états, en particulier du fait de la dislocation des empires coloniaux dont les différentes composantes devenues états indépendants étaient souvent loin de partager les convictions des anciennes métropoles et qu’il n’entrait pas nécessairement dans leurs vues de partager de telles convictions. Tant et si bien que bon nombre d’états refusent de l’inscrire dans leur charte fondamentale. À mon sens d’ailleurs, on pourrait mener une étude semblable à propos plus largement des droits de l’homme ou encore de la démocratie dont on voit très bien aujourd’hui que ce sont là des réalités où l’unanimité est loin de régner partout dans le monde, tant dans la conception que dans l’application. Et il ne faudrait sans doute pas oublier d’explorer les notions d’homme et de vérité, pas moins sujettes à bien des interprétations.

Cela dit, comme je le disais au début de ces lignes, l’ouvrage est d’une ampleur peu commune. Il pourrait en décourager plus d’un à l’aborder. Expérience faite, il me paraît qu’on peut rassurer le lecteur. Certes la lecture intégrale est à coup sûr la meilleure ; mais l’ouvrage présente aussi l’avantage qu’en partant précisément de la table des matières et de l’index onomastique, il est possible de lire telle ou telle partie qui intéresse plus particulièrement, sans toutefois oublier que chaque partie s’inscrit dans un ensemble. À sa manière, cet ouvrage s’apparente à ces « manuels » écrits à plusieurs voix et dans lesquels on peut privilégier la lecture d’une ou l’autre partie, sauf qu’il est écrit par un seul auteur, ce qui en assure plus l’unité.

Que l’A. ne voie pas dans mon propos une quelconque forme de volonté de simplification outrancière. Il me paraît toutefois utile de lui suggérer de rédiger un « résumé », mais dans le bon sens du terme, à la manière des célèbres « Que sais-je ? » (quitte à dépasser les limites en nombre de pages du genre), qui pourrait à la fois donner l’essentiel de son travail et ainsi introduire à une lecture intégrale. — B. Joassart s.j.

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