Cet ouvrage imposant reprend l'essentiel de la thèse de doctorat de l'A. qui a basé sa recherche sur les travaux des synodes diocésains français et sur une enquête sur le terrain de la réalité paroissiale. Il contient des matériaux de premier choix sur l'évolution de l'institution paroissiale dans l'Hexagone. Ces matériaux sont les textes produits par les synodes sur la paroisse, que l'A. considère sous l'angle des effets induits ou des résistances surgies sur le terrain. Le concept d'appropriation utilisé par l'A. suggère non pas la confiscation de la paroisse par les fidèles, mais la manière par laquelle les paroissiens habitent le monde, autrement dit leur style de vie paroissiale. L'étude des synodes débute avec le premier, célébré en France après la promulgation du Code de droit canonique, à savoir le synode de Limoges en 1983. Elle se clôture en 2004, année où l'A. a entamé sa recherche doctorale.
L'ouvrage comprend trois parties. La 1e étudie la paroisse dans les actes des synodes diocésains français (p. 23-213). Quatre aspects font l'objet d'une attention particulière: le premier est celui des différentes dimensions communautaires de la paroisse dans le cadre d'une «communion de communautés» et compte tenu de sa «géométrie variable» vu la diversité des liens qui s'y tissent. Le deuxième concerne le rassemblement dominical, le troisième les responsabilités et collaborations dans la pastorale. Le quatrième considère la pastorale sacramentelle sous l'angle de la proposition de foi.
La 2e partie examine la réception des synodes et la transformation qu'elle a induite sur le plan des paroisses (p. 215-377). Elle aborde «l'expérience paroissiale en train d'être vécue, telle qu'elle est perçue par les acteurs» (p. 217): l'A. examine avec finesse les dynamismes et les questionnements induits par la célébration du synode et sa réception sur le terrain, moyennant l'assimilation opérée par les paroissiens et la prise de conscience que cette action entraîne. Il met concrètement en valeur l'expérience paroissiale des acteurs. Celle-ci dépasse ce que les textes synodaux pouvaient dire par eux-mêmes en les éclairant par la pratique ecclésiale renouvelée à laquelle ils ont donné lieu. À cet effet, il a choisi trois diocèses différents à plus d'un égard et qui ont offert un véritable projet à la vie paroissiale (Sées, Bayonne et Lyon). Il donne la parole à des personnes qui, de l'intérieur, expriment comment elles vivent en Église les quatre domaines pris en compte dans la 1e partie: les dimensions de la communauté entre proximité et regroupement; le rassemblement dominical, en particulier eucharistique, comme moment-clé de la vie paroissiale; les apprentissages parfois laborieux de la coresponsabilité et enfin des pistes nouvelles pour la pastorale sacramentelle et l'évangélisation. La mise en oeuvre des synodes s'avère être une heureuse alchimie entre l'engagement des acteurs sur le terrain et une forte implication épiscopale «qui incite en aidant à discerner les priorités et en demandant des réalisations» (p. 333). Cela produit une intégration ou une assimilation des décisions synodales dans la pratique ecclésiale et la vie paroissiale. Les paroisses apparaissent, du coup, comme de véritables laboratoires d'Église, «des lieux où on expérimente l'Église, où on se laisse façonner par elle, où on apprend à être disciple» (p. 334).
Dans la 3e partie de l'ouvrage intitulée «vers un nouveau style paroissial» (p. 339-488), l'A. s'attache à montrer ce qui se produit aujourd'hui dans les paroisses, à savoir une véritable «appropriation» de la vie paroissiale par les fidèles qui prennent à coeur de la faire vivre. La paroisse devient en effet le «lieu propre» des paroissiens; elle n'est pas une réalité extérieure à ses membres. Il s'agit d'un processus spirituel d'intériorisation du lien à l'Église qui suscite ainsi un nouveau style paroissial, particulièrement repérable dans la présence de la paroisse dans son environnement humain et dans l'engagement renouvelé des paroissiens dans la cité. L'appropriation de la grâce baptismale est au fondement de la mission ecclésiale des baptisés. Elle requiert un «style» avec son exigence de cohérence et de crédibilité. Elle entraîne l'intégration dans une communauté et la prise en charge d'une part de sa mission en ce lieu (distinction entre deux dimensions: paroisse-communion et paroisse-mission, cf. Christifideles laici 32). La paroisse n'est cependant pas la propriété des paroissiens (p. 379). Elle doit aussi se prémunir de toute mainmise sur eux. Paradoxe d'une… désappropriation qui rappelle que tout est don, la paroisse aussi, et que celle-ci se reçoit des autres, du tout venant, dans l'accueil et l'hospitalité évangélique qu'elle lui réserve, en dialogue avec l'environnement humain et la culture ambiante. Tel est le style paroissial dont il s'agit de continuer à faire les apprentissages nécessaires pour attester l'Évangile en ce lieu.
«L'appropriation personnelle, écrit D. Barnérias, permet au chrétien de développer un certain style d'existence aux yeux du monde» (p. 431). Car, c'est bel et bien la mission qui est la raison d'être de la vie paroissiale. C'est ici que trouve sa place la pneumatologie dans l'ecclésiologie de la paroisse. C'est dans cette perspective que l'A. aborde différents aspects de l'expérience de foi en paroisse (l'eucharistie dominicale, la formation chrétienne, le service des frères et l'expérience de la charité) et du déploiement des ministères sur fond de synodalité (p. 433-488).
L'originalité de cet ouvrage est indéniable par le croisement entre la considération des synodes diocésains et les évolutions de la vie paroissiale. Elle est surtout inspiratrice car les orientations synodales, et surtout les expériences auxquelles elles ont donné lieu, appellent une nécessaire appropriation de la vie paroissiale par les paroissiens et façonnent un style d'existence chrétienne, une manière d'habiter ce monde. - A. Borras

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