La responsabilité des théologiens. Mélanges offerts à Joseph Doré, éd. Fr. Bousquet, H.-J. Gagey, G. Médevielle, J.-L. Souletie
Col.Theology - reviewer : Bernard Pottier s.j.
Trois parties composent cet imposant volume. Chacune porte sur une dimension fondamentale de la responsabilité des théologiens. La première se centre sur «enseigner». Dans un premier chapitre, G. Alberigo (Bologne), B. Sesboüé (Sèvres), G. Hébert (Inst. Cath. Paris [ICP]), V. Holzer (ICP) illustrent des changements intervenus dans la pratique de l'enseignement de la théologie.
À la suite de Ch. Perrot (ICP) qui donne un bref témoignage de son propre itinéraire d'exégète, d'autres A. vont s'attacher à relater l'expérience des théologiens, dans leur confrontation avec des «archives»: O. Artus (ICP), Y.-M. Blanchard, J. Zumstein (Univ. Zurich), Cl. Tassin (ICP), J.-M. Van Cangh (Louvain-la-Neuve) se réfèrent surtout aux études bibliques et juives, J. Wolinski (ICP) à la patristique et P. De Clerck (ICP) à la liturgie.
Le chapitre III de cette première partie décrit le travail des théologiens, «aux prises avec l'historicité de l'existence», ouvrant des horizons nouveaux que G. Médevielle (ICP) dessine dans le champ de la morale, alors que Cl. Geffré (ICP) présente les avancées dans le domaine de l'inter-religieux. A. Birmelé et M. Deneken (tous deux de l'Univ. Marc-Bloch de Strasbourg) dialoguent autour du thème de la théologie renouvelée par l'oecuménisme. M. de França Miranda (Rio de Janeiro) souligne la clé herméneutique des théologies de la libération, tandis que, pour d'autres A., le défi à relever est la théologie féministe (Chr. Hourticq s.a.) ou l'inculturation (E.E. Uzukwu, Nigéria). Mgr Fitzgerald et F. Machado, du Cons. Pont. pour le Dialogue interreligieux (Rome), dressent un bilan de la théologie chrétienne des religions.
Une deuxième partie («servir le débat ecclésial et universitaire») se déploie elle aussi en trois chapitres. Le ch. IV explore quelques styles de théologie universitaire: le Cardinal Dulles (Fordham, NY) rend compte du statut de la théologie dans les universités catholiques de son pays. Le P. Ladaria (Univ. grégorienne) et G. Ruggieri (Catane) décrivent la dynamique théologique à l'oeuvre dans les facultés romaines et en Italie, alors que le P. Neufeld (Innsbruck) le fait pour l'espace de langue allemande, en rappelant l'apport du P. Maréchal (p. 331). A. Quenum (ICAO, Abidjan) montre comment, à partir de 1956, une théologie proprement africaine s'est développée. Les réflexions de J. Schosser (Univ. Marc-Bloch) et H.-J. Gagey (ICP) traitent d'un «style» propre à l'exercice de la théologie, selon qu'elle est pratiquée en Faculté d'État ou dans un Institut «catholique».
Dans un Ve chapitre, qui constitue la charnière de l'ouvrage, il est question «du débat interdisciplinaire au dialogue des Facultés». M. Quesnel (ICP) traite de l'exégèse croyante, Cl. Bressolette (I. Cath. Toulouse) d'ecclésiologie et G. Bedouelle (Fribourg) d'histoire; D. Gira (ICP), spécialiste du bouddhisme, affirme que «connaître les religions [est] une tâche pour la théologie». L.-M. Chauvet (ICP) recueille l'apport des sciences humaines, tandis que J.-M. Donegani (Inst. Ét. Pol., Paris) et Ph. Capelle (ICP) font dialoguer la théologie, l'un avec la sociologie, l'autre, s'appuyant sur Fides et ratio, avec la philosophie. Pour conclure, P. Valdrini, recteur de la «Catho» de Paris, invite à une coopération entre Facultés de théologie et de droit canonique.
Un ch. VI passe en revue divers pôles ecclésiaux de régulation. Il est question d'abord d'instances telles que la Congrégation pour la doctrine de la foi (G. Cottier, Vatican), la Commission théologique internationale (G. Langevin, Univ. Laval) ou la Commission biblique pontificale (J. Briend, ICP). M. Vidal (ICP) redit la pertinence de l'imprimatur. G. Colombo (Italie septentrionale) repose la question de la «théologie du Concile», introduction à trois autres contributions, qui invitent à se répondre tantôt Écriture sainte et Magistère (F. Maloney, Washington), tantôt théologiens et évêques (P. Gaudette, Univ. Laval et J.-Fr. Chiron, Lyon).
La troisième partie de l'ouvrage articule les dimensions pratique, scientifique et confessante de la théologie. Le ch. VII aborde la théologie en tant qu'elle est une «tâche pratique». J. Passicos (canoniste, ICP) se réjouit de la fécondité du dialogue entre sa science et la théologie, alors que X. Dubreuil (dioc. Nantes) fait réfléchir à l'accompagnement théologique indispensable aux pasteurs dans la réalité d'un diocèse. B. Pitaud s'étend sur la formation des futurs prêtres au discernement, alors que R. du Charlat (ICP) témoigne de la pertinence d'un Institut des Arts sacrés, voulu en son temps par J. Doré pour sa Faculté. À partir de l'expérience d'une revue de théologie (RSR, où ce dernier fut secrétaire de rédaction), J. Moingt (ICP) insiste sur le caractère théologal de la communication. A. Paul, bibliste, prône «la laïcité de la Bible», tandis que M. Neusch (ICP) étudie la place de la théologie dans les médias.
L'avant-dernier chapitre («Une théologie scientifique et confessante») s'ouvre sur un impertinent article d'É. Poulat (Éc. Hautes Études en Sc. sociales, Paris), qui craindrait volontiers un «enfermement» (p. 621) du discours théologique sur lui-même. J. Joncheray (ICP) tient la théologie pratique pour un «métier», alors que le Prof. O.H. Pesch (Hambourg) creuse la dimension confessante dans l'oeuvre du Docteur Angélique, aspect que P. Gisel (Lausanne) reconnaît dans d'autres contextes. Si confession il y a dans la production théologique, Chr. Theobald (Sèvres) convient dans un long article qu'elle n'en oblitère pas pour autant le caractère scientifique. H. Legrand (ICP), s'adossant à la Déclaration commune sur la Justification, rend hommage aux Denkformen de O. Pesch. Le Doyen Gagey (ICP) consacre sa seconde feuille à la responsabilité «clinique» de la théologie.
Le chapitre IX conclut-il l'ouvrage? Il nous paraît plus adéquat de dire qu'il ouvre sur un nouvel horizon, sur des «chantiers pour aujourd'hui». J. Greisch (philosophe, ICP) adresse des libres propos à son collègue théologien, et Fr. Jacques (Sorbonne) livre une réflexion très pointue, qui associe une certaine forme de philosophie critique à une théologie fondamentale. J. Caillot (ICP) et Br. Forte (Naples) centrent leur texte sur la rédemption et le mystère du Christ, quand B. Lauret (dir. littéraire), en écho à la part éditoriale du ministère de J. Doré, en appelle à une théologie du Livre. S. Pié i Ninot (Barcelone) apporte une voix d'outre Pyrénées à la recherche en théologie, et Fr. Bousquet (ICP) fait pendant à l'article de Mgr Fitzgerald sur la théologie des religions, enjeu actuel s'il en est. En circonscrivant le cadre d'une «recherche dogmatique aujourd'hui», le prof. W. Pannenberg (Munich) met, avec la hauteur de vues qu'on lui connaît, un point final à ces «soixante-cinq» (tiens, tiens!) hommages au successeur de saint Amand.
Un profil théologique du jubilaire et sa bibliographie établie par Ch. Flamant, ainsi qu'une tabula gratulatoria, sont le point d'orgue de ce livre, remarquablement et même luxueusement édité par la maison Desclée. Est-il permis d'exprimer un (léger) regret? Afin que ce riche bouquet puisse constituer des semences destinées à d'autres sols, il nous semble qu'un index des noms aurait constitué un précieux outil de travail. Qu'à cela ne tienne, bravo aux éditeurs, et ad multos annos à celui qu'ils tenaient à honorer. - B. Pottier, S.J.