Le cardinal Eugène Tisserant (1884-1972). Une grande figure d'Église, une grande figure française, Actes du Colloque tenu à Toulouse en novembre 2002

Col.
History - reviewer : Georges Dole
L'Institut catholique et l'Université Le Mirail de Toulouse publient ici les Actes d'un Colloque tenu en novembre 2002 à Toulouse. Une vingtaine d'auteurs y présentent divers aspects de la vie, de l'oeuvre et des responsabilités ecclésiales de cet éminent Prélat.
Les érudits de l'Orient chrétien trouveront dans cet ouvrage fortement documenté des études concernant l'Église syro-malabare, l'Église nestorienne, des manuscrits arméniens et les recherches syriaques du futur Préfet de la Bibliothèque vaticane. Formé à l'École biblique de Jérusalem sous l'égide du Père Lagrange, le jeune Tisserant étudia les langues bibliques avec une assiduité qui le rendit capable d'enseigner l'assyrien à Rome où il arriva en 1907. Sa formation linguistique ne cessera de s'étendre, notamment à l'araméen. Il devient Cardinal en 1936 et Secrétaire de la Congrégation pour l'Église orientale jusqu'en 1959: un poste qui lui ouvrira des missions en Roumanie et dans diverses Églises du Moyen-Orient. En témoignent ses armoiries épiscopales: Ab Oriente et Occidente (p. 15-115). Membre de la Commission biblique depuis 1914, il en devient le Président en 1938.
Évêque en 1944, il exerça son ministère épiscopal dans le diocèse suburbicaire de Porto et Sainte Rufine (jusqu'en 1966). Confronté à l'expansion démographique et à la «sécularisation» d'une région manquant de prêtres, le Cardinal Tisserant institue l'OEuvre des vocations (p. 135-172). Malgré le faible nombre d'ordinations durant son épiscopat, l'effectif du clergé passera de 24 prêtres en 1946 à 90 vingt ans plus tard (p. 157; 205) Le Cardinal-Évêque adressait chaque année une ou deux lettres à ses diocésains. À l'appui de la formation sacerdotale, il préconise les Exercices spirituels, des Conférences mensuelles par doyenné et des Conférences générales du clergé (p. 152-193). Il fut «un évêque à plein temps» par sa fidélité aux trois permanences hebdomadaires qu'il consacrait au dialogue avec son clergé, de neuf heures à midi (p. 203). Il réservera dimanches et fêtes à la visite des centres pastoraux. À partir de 1965, la présidence de la Commission préparatoire du Concile, puis son rôle important à la présidence conciliaire occupèrent les dernières années de son épiscopat diocésain, auquel il dut renoncer en 1966.
«Soldat de Dieu», soldat de la France, Eugène Tisserant jouissait au Quai d'Orsay d'un prestige fondé sur son attachement à la patrie. Engagé dès les premiers jours de la Grande guerre, il ne s'attarde pas dans les bureaux et demande à retourner au front dont il revient blessé et décoré. En 1957, il recevra la Grand Croix de la Légion d'honneur (p. 319). Les Archives du Quai d'Orsay témoignent de l'estime portée par les ambassadeurs auprès du Saint-Siège au Doyen du Sacré collège. On ne se borne pas à le consulter sur les décisions sensibles mais on l'écoute dans les périodes difficiles qui entoureront la Seconde guerre mondiale (p. 215-252). Ses archives personnelles offrent des perspectives historiques sur le régime de Vichy, de la correspondance échangée avec le Cardinal Baudrillart et le Général de Gaulle (p. 277-332).
Membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres depuis 1938 en considération de sa renommée d'orientaliste, le Cardinal Tisserant fut invité par plusieurs de ses futurs collègues à présenter sa candidature à l'Académie française, où il fut élu en juin 1962 (p. 253-264). Le Cardinal Grente l'y avait précédé pendant 23 ans et le Cardinal Daniélou lui succéda moins d'une année après sa mort (p. 273). Le Comte Wladimir d'Ormesson, ancien ambassadeur auprès du Saint-Siège, Jean Guitton et Daniel-Rops, le tenaient en haute estime (p. 269). Jean Cocteau malade le pria de demander au Pape «une prière à la Sainte-Vierge».Une grande figure de notre temps. - G. Dole.

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