Voilà un livre qui réjouira les femmes… et les hommes de ce temps.
Professeur de littérature et d'Écriture sainte à l'École cathédrale
de Paris et à l'École pratique des Hautes études, mariée et mère de
famille, Madame Pelletier est bien connue des lecteurs (cf. NRT 110
[1988] 641-665; 112 [1990] 30-43; 113 [1991] 665-689; 117 [1995]
199-216) notamment par sa lecture suggestive de la littérature
biblique (cf. NRT 119 [1997] 261) et surtout par son admirable
thèse sur le Cantique des cantiques (Analecta Biblica, Rome, 1989)
dont l'essentiel a paru en résumé dans le n 85 des Cahiers
Évangile.Dans ce petit volume, elle nous dessine, en moins de deux
cents pages une fresque chatoyante des femmes qui ont marqué
l'expérience chrétienne depuis les commencements bibliques de l'A.
et du N.T. Il fallait le regard et la sensibilité d'une femme,
informée de manière sûre et précise, dotée d'une probité
scientifique rigoureuse, pleine de tact et douée d'un coeur délicat
pour réussir pareille gageure. Le produit fini est remarquable.
Dans un monde où l'image de la femme est tirée dans tous les sens,
il est apaisant de pouvoir lire une oeuvre équilibrée, fiable, et
en même temps vigoureuse.L'A. nous parle du sein de la tradition
chrétienne comme d'un bien de famille. Elle feuillette pour nous
l'album ancestral avec ses photos défraîchies et ses lettres
d'amour ou de deuil, ses pages lumineuses et ses récits sanglants.
À chaque étape, elle désigne les femmes qui, avec les hommes et
souvent en les entraînant à se surpasser, ont écrit cette histoire
de grâce. Paradoxe des textes où la misogynie côtoie l'admiration,
le mépris voisine la tendresse. Pères de l'Église méfiants ou
séduits par ces consacrées au Seigneur ou engagées dans une vie
conjugale tantôt austère, tantôt épanouie. Femmes médiévales
éducatrices des hommes, rois ou papes, dont l'influence dans
l'Église fut incomparable, malgré les incompréhensions, à travers
des époques de guerre et des plages de paix, infatigables… Femmes
d'hier et femmes d'aujourd'hui, toujours au service de la vie,
toujours dans le courant de la grâce de Marie, vierge et mère de
Dieu, comme une voie royale de force et de douceur. Femmes modernes
et contemporaines, dévouées à l'éducation des filles, des malades
ou des déshérités, luttant pour être enfin reconnues, émancipées,
engagées dans le labeur rude des usines et la lutte contre la
violence. L'A. n'échappe à aucun problème réel, car sa vision n'est
pas idéalisée. Elle regrette les faux-pas des hommes d'Église et
sait discerner les signes vrais d'appréciation, les regards
nouveaux sur la condition féminine. Elle touche avec délicatesse la
question de l'accès au sacerdoce ministériel et celle des problèmes
génétiques actuels. Sa lecture est agréable et alerte.
Est-ce là manifeste féministe? Non pas: hymne à la louange de la
femme. Elle en sort grandie; l'Église aussi. À savourer longuement,
comme un élixir de jouvence. - J. Radermakers, S.J.