Dans cet ouvrage de qualité, paru initialement en italien en 2019, Livio Melina nous offre une réflexion à la fois claire et rigoureuse. En parcourant l’exhortation apostolique Amoris lætitia à la lumière de Veritatis splendor, l’A. tente de préciser ce qu’il convient d’entendre par « changement de paradigme » – expression employée dans le document du pape François qui a fait couler beaucoup d’encre. Ce « changement de paradigme » par rapport à une vision légaliste et déductiviste n’a rien à voir avec un quelconque relativisme ou subjectivisme. Pour l’A., il convient de rappeler le primat de la grâce et de maintenir l’existence des normes morales négatives qui proscrivent les actes intrinsèquement mauvais. C’est probablement, selon lui, la seule manière de garantir la continuité avec la tradition mais aussi d’accompagner pastoralement les fidèles vers la vérité de l’amour. « L’exclusion de toute gradualité de la loi est la condition de possibilité d’une véritable gradualité pédagogique » (p. 239).

On lira avec fruit les rappels concernant la pratique du discernement pastoral dans la tradition spirituelle et la morale catholique. Le discernement ne doit pas être confondu avec le jugement de la conscience mais il doit plutôt être inséré dans la dynamique de la vertu de prudence. Ceci amène l’A. à s’interroger sur la prise en compte de la conscience dans la praxis de l’Église. Depuis Humanæ vitæ, cette thématique est problématique.

L’étude approfondie de la controverse sur la conscience permet à l’A. de proposer une perspective renouvelée axée sur la vertu de prudence afin d’offrir un cadre adapté à la pastorale du discernement en matière de morale conjugale.

Au terme de sa réflexion, l’A. propose 4 axes de développement importants. La mise en perspective des vertus permet tout d’abord de reconstruire le sujet moral chrétien en le formant pour qu’il apprenne à aimer dans la vérité et dans ses affections. De plus, la juste compréhension de la vertu de prudence permet au sujet de saisir concrètement l’action la plus adaptée à la réalisation de l’amour. L’A. rappelle également que la vie morale des personnes sera assurément plus féconde si elle s’inscrit dans un environnement favorable, c.-à-d. dans une communauté et une culture, même minoritaire, encourageant la vérité de l’amour. Enfin le retour au primat de la grâce soutient la conversion nécessaire et permanente et la croissance dans l’amour.

La clarté de cet ouvrage est remarquable. Elle donne des repères pédagogiques et pastoraux importants. Cependant, pour reprendre l’expression du saint pape Paul vi : « Le monde contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou, s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins ». Cette remarque voudrait signifier qu’en la matière, les couples formés sont sans doute les plus indiqués pour de telles prises de position. Une collaboration ecclésiale sur un tel sujet aurait été profitable car elle est devenue nécessaire afin de soigner tout à la fois une juste compréhension théologique et une meilleure réception pastorale. — C. S.