Le grand exil des congrégations religieuses françaises: 1901-1914

(éds) Patrick Cabanel (éds) Jean-Dominique Durand
History - reviewer : Bernard Joassart s.j.
Pour libérale qu'elle prétendait être, la loi de 1901 n'en était pas moins une pierre de plus apportée à l'édifice anticlérical de la Troisième République, dont le titre III visait tout spécialement les congrégations religieuses. Et la loi de juillet 1904 venait compléter l'arsenal anticongréganiste, puisqu'elle interdisait aux religieux toute activité d'enseignement. L'exil n'était légalement pas prescrit. Il n'empêche que, faute bien souvent de recevoir l'autorisation requise par la loi, cet exil se présentait presque comme la seule solution, soit sous la forme d'un départ vers des terres plus accueillantes, soit sous celle d'un exil «intérieur», c'est-à-dire la sécularisation des personnes. Le volume ici concerné rassemble les communications d'un colloque tenu à Lyon les 12 et 13 juin 2003, dont le but était d'examiner les attitudes concrètes adoptées par les personnes plus ou moins directement concernées par la législation, que ce soit le Saint-Siège, l'épiscopat français et les congrégations elles-mêmes (à leur sujet, une douzaine d'exposés présentent comment ordres et congrégations furent accueillis dans différentes partie du monde, tant en Europe que dans les Amériques et dans le Maghreb et le Levant), sans d'ailleurs oublier de voir comment les autorités civiles elles-mêmes mettaient en application leurs propres dispositions avec plus ou moins de rigueur.
Un intérêt majeur de l'ouvrage est de bien mettre en évidence la complexité de la situation, d'autant plus grande que toutes les parties prenantes du côté ecclésial ne marchaient pas nécessairement à l'unisson. Un exemple: les évêques français étaient certes bien conscients du caractère offensif de la législation; mais outre que d'aucuns de ces prélats se montraient «bon républicains», d'autres hésitaient à se dresser résolument contre les lois car ils éprouvaient malgré tout une certaine méfiance vis-à-vis des religieux qui bien souvent échappaient à leur autorité.
Par ailleurs, bien que non prescrit par la loi, comme on vient de le dire, cet exil fut ressenti comme une agression aussi forte, sinon pire, que celle vécue sous la Révolution française. Mais, paradoxalement, il ne contribua pas peu au rayonnement de la France et de sa culture à l'extérieur de l'Hexagone, y compris dans les territoires de l'Empire français.
Enfin, à lire les différentes interventions, dont la qualité tranche sur bien des communications de colloques qui ne contribuent que fort peu à l'avancement de la recherche, on en arrive assez vite à se poser des questions qui dépassent la seule investigation historique. Je n'en mentionnerai qu'une, qui pourrait d'ailleurs se présenter pour d'autres pays et d'autres époques: pour quelle(s) raison(s), lorsque la puissance publique traite avec l'Église catholique, de même que lorsqu'elle entre en conflit avec elle, le monde des religieux est-il bien souvent le premier visé, ou le premier oublié, comme cela avait d'ailleurs été le cas dans le cadre du concordat de 1801? - B.J.

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