Le pacte des catacombes. « Une Église pauvre pour les pauvres ». Un événement méconnu de Vatican II et ses conséquences

(éd.) Pierre Sauvage s.j. (éd.) Luis Martinez Saavedra
Theology - reviewer : Bernard Joassart s.j.

Tout un chacun sait combien l’actuel pape François insiste sur la nécessité d’une Église qui soit pauvre. Sans bien sûr minimiser le moins du monde cette position, elle n’est pas pour autant une nouveauté dans la vie de l’Église qui, même avec des défauts, des maladresses, que sais-je encore, n’a jamais ignoré le pauvre.

Dans cet ouvrage, les auteurs mettent en lumière un épisode de Vatican II fort peu connu. Le 16 déc. 1965, soit quelques jours après la fin officielle du concile, une quarantaine d’évêques concélèbrent une Eucharistie, discrète, dans les catacombes de Sainte-Domitille et signent un document intitulé « Cogitatio nonnulorum episcoporum in fine Concilii Vaticani ii ». En treize points, ils s’engagent, pour faire bref, à un retour radical à la simplicité de l’Évangile dans leur style de vie personnel tout en exprimant la volonté d’exercer leur ministère d’une manière telle qu’il influence la société afin que celle-ci soit plus juste pour tous.

Ce document connut une longue histoire relatée dans un premier temps par Pierre Sauvage, qui s’est appuyé sur de nombreux documents inédits, et ici souvent longuement cités. Le texte se situe dans le prolongement de l’intervention de Jean xxiii dans un message radiodiffusé le 11 sep. 1962, où il affirmait qu’« en face des pays sous-développés, l’Église se présente telle qu’elle est et veut être : l’Église de tous et particulièrement l’Église des pauvres ». Et dans la foulée, le 4 oct., il se rendait en pèlerinage à Assise, la ville du poverello, geste hautement symbolique. Par la suite, se constituera le groupe « Jésus, l’Église et les pauvres », autour de Mgr Himmer, évêque de Tournai, et de Mgr Hakim, évêque melkite de Saint-Jean-d’Acre. Peu à peu le groupe sera rejoint par d’autres participants du concile, les Églises de France et d’Amérique latine devenant des acteurs majeurs de la démarche. Certes, avant d’aboutir précisément à la célébration du 16 déc., toute en discrétion, le chemin fut loin d’être rectiligne. La démarche entreprise au début du concile suscita, on peut s’en douter, des oppositions parfois même très rudes, notamment de la part de la Curie romaine ; un Paul vi éprouva quelque peine à mettre ses pas dans ceux de Jean xxiii, encore qu’on ne doit nullement oublier son discours devant l’ONU (1965) pas plus que son encyclique Populorum progressio (1967). À cela il faut ajouter que les plus enthousiastes pouvaient aussi risquer d’être contreproductifs par des interventions par trop spectaculaires. La prophétie est un art délicat à manier.

Dans un second temps, les auteurs, en s’appuyant notamment sur de nombreuses sources scripturaires, explicitent la portée théologique du Pacte qui, dans le concret, entendait retourner au style de vie des premières communautés chrétiennes.

Quant au troisième chapitre, rédigé par L.M.S., il prolonge en quelque sorte l’histoire du Pacte en examinant sa postérité en Amérique latine, avec tous les aléas – heureux comme malheureux – qu’il connut depuis Medellìn jusqu’à nos jours, avec en particulier l’émergence de la théologie de la libération et toutes les critiques qu’elle suscita, et l’avènement du pape François qui, de toute évidence, bouleverse bien des paradigmes de gouvernance et de mode de vie au sein de l’Église, et en même temps rencontre de sérieuses oppositions.

Comme dans le cas de tout ouvrage qui met en évidence un thème aussi sensible, il est tout à fait possible que ce livre suscite des réactions. Car on perçoit très bien que la rencontre de l’Église avec la société n’est jamais chose simple, notamment parce que celle-là comme celle-ci n’ont pas nécessairement les mêmes visions aussi bien quant à l’ensemble de la société que quant à chaque personne qui compose cette société. Les questions d’argent et de pouvoir sont souvent sources de conflits. Les situations locales sont aussi à prendre en compte, qui diffèrent souvent très largement d’un pays ou d’un continent à l’autre, et la notion de « pauvreté » n’est pas identique sous toutes les latitudes. Cela pose également la question du rôle des différentes instances de décision à l’intérieur de l’Église, et peut-être tout autant l’engagement de tous les chrétiens. — B. Joassart

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