Présentées à l'université du Québec en 2006-2007, les conférences
ici rassemblées observent, de différents points de vue, la manière
dont Muhammad a été évoqué en divers temps, lieux, contextes: il en
ressort que la résistance à sa représentation est bien plus forte
aujourd'hui qu'elle ne l'était jadis. L'interdiction des images
n'est nullement scripturaire, elle relève d'une jurisprudence
éloignée des sources anciennes. Elle est justifiée par un double
danger: sacralisation de l'humain; dégradation du sacré. Ce qui est
interdit, c'est l'idolâtrie, pas la figuration. Relevons un
paradoxe: la représentation de Muhammad, interdite par le
monothéisme radical, est nécessaire pour l'éducation spirituelle.
Un autre paradoxe se manifeste au cinéma, media iconophile
proposant un message iconoclaste: la destruction des idoles autour
de la Kaaba. Des films tels que L'aube de l'islam, 1971;
The Message, 1976; Khaled Ibn al-Walid, 1958 y
évoquent Muhammad, corps absent. Qu'en est-il de la représentation
littéraire? La littérature maghrébine concernant Muhammad traite
des questions essentielles auxquelles il était confronté, par
exemple, vg les rapports entre les hommes et les femmes. Des
auteurs féministes (Assia Djebar, Loin de Médine, 1991;
Fatima Mernissi, Le harem politique, le Prophète et les
femmes, 1989) proposent de véritables relectures, hétérodoxes, des
premiers temps de l'islam; leur réception n'est pas aisée.L'ouvrage
est enrichi d'une vingtaine de miniatures: elles illustrent le
chapitre dans lequel Olga Hazan, présentatrice de l'ouvrage, étudie
les métamorphoses corporelles de Muhammad dans les manuscrits
arabes, persans et turcs (XIVe-XIXe siècle). Commandées par des
hommes de pouvoir, ces représentations visaient à légitimer l'islam
comme entité culturelle et politique; leur dimension religieuse,
malgré la présence d'auréoles, de voiles et de flammes, demeure
minimale. - P. Detienne sj