Moins connus que les chants de l’âme d’Hildegarde de Bingen, les 45 Liederen ou « poèmes strophiques » de la béguine Hadewijch d’Anvers (xiii^e s.) ont été patiemment reconstitués et traduits du moyen-néerlandais. On ne les connaissait comme tels que depuis le xix^e s., bien que les manuscrits les plus anciens (conservés à Bruxelles) datent de la première moitié du xiv^e s. La spiritualité de la Brabançonne est une mystique de l’amour, mais attention, ici « l’amour n’est pas tant un sentiment qu’une force effective, quoique invisible, qui domine toute la création ». Dans les termes de l’amour courtois, dont s’inspire Hadewijch, l’amant (le croyant) se met au service de la minne, personnification féminine de l’amour. Or le Christ, celui de la révélation scripturaire dont résonnent les allusions bibliques dans les poèmes, est celui qui apparaît dans ces « visualisations chargées d’affectivité » (p. 27-29). Au fond, chant après chant, il s’agit de « languir, soupirer, patienter longuement / après la saison qui est l’amour même / …/ Fierté me conseille de m’attacher / à l’amour au point d’atteindre / un état qui échappe à l’entendement » (chant 31, p. 286) : la minne est source de joie dans tous ces chants.

Cet ouvrage remarquable est introduit de façon très didactique et reproduit les poèmes traduits par Daniel Cunin qui offre un majestueux commentaire. Mais, encore, l’éditeur, avec l’aide du Nederlands Letterenfonds et le Vlaams Fonds voor de Letteren, a eu l’excellente idée de proposer la reconstitution mélodique de13 de ces chants sur un CD disponible avec le livre, chants interprétés par Els Van Laethem, Els Janssens et Agnes de Graaf. — A. Massie s.j.