Les écoles de pensée religieuse à l'époque moderne. Actes de la Journée d'Études de Lyon (14 janvier 2006), éd. Y. Krumenacker et L. Thirouin

Col.
Theology - reviewer : Hubert Jacobs
La Journée d'études dont on publie ici les actes s'est tenue à Lyon en janvier 2006. Elle a ceci d'exemplaire qu'elle témoigne d'une rare diversité des disciplines considérées, bien qu'elles relèvent toutes du champ des lettres et des sciences humaines. Il en résulte un ouvrage qui ne porte pas sur tel ou tel courant de pensée que l'on s'efforcerait de mieux cerner, mais sur les concepts classificateurs censés les représenter. Ainsi ne s'agit-il pas d'un certain nombre de monographies juxtaposées mais de l'effort pour les classer en «conceptualisant». Dans la visée de «comprendre» cette entreprise, apparaît, en effet, comme une opération indispensable. Qu'en est-il, par exemple, de l'augustinisme, du thomisme? Que veut-on entendre quand on parle de salésianisme, d'écoles ignatienne, dominicaine, carmélitaine, française? Aux lumières qu'apporte l'intuition, il est nécessaire de joindre la rigueur d'une analyse scientifique. Dans la conscience du flou des concepts qu'on utilise, on essaie de les préciser en fonction de nos connaissances et de nos centres d'intérêt. Ce qui signifie qu'une pareille tâche est toujours à reprendre. Les conférenciers ont ainsi étudié plusieurs traditions spirituelles d'une façon souvent neuve car ils l'ont fait en s'interrogeant sur les concepts utilisés. À cet égard, les pages de D. Bertrand sur École de spiritualité et Compagnie de Jésus sont particulièrement éclairantes. La fécondité de la rétrospection en histoire y est évidente et le thème de l'école s'y dévoile plus riche qu'on aurait pu l'imaginer. Dans À la recherche du vrai saint Augustin, les analyses de Laurent Thirouin concernent le XVIIIe siècle dans son étonnante complexité. L'A. y discerne, sans prétendre à l'exhaustivité, cinq lieux où sont focalisées les divergences d'interprétation des « augustiniens » : grâce, plaisir, liberté, vouloir, conversion . Sa conclusion est que par-delà le conflit des formulations théologiques, on peut repérer des valeurs et une dynamique spirituelles qui identifient un véritable «augustinisme». On peut le caractériser, sur l'horizon d'une anthropologie de la précarité, comme une pensée de la sécurité, de l'abandon et de la confiance. Le «pélagien» serait alors l'antithèse de l'idéal religieux augustinien. Car l'homme précaire d'Augustin est aussi celui dont celui-ci exalte la capacité divine.
L'ouvrage se poursuit par la considération du thomisme et des thomismes dans les débats théologiques de l'âge classique (Sylvia De Franceschi), et par l'étude des théologiens et auteurs spirituels dominicains dans la réforme du P. S. Michaélis (Augustin Laffoy). Bernard Hours pose la question: «École carmélitaine ou école d'oraison?», et Hélène Michon, se penchant sur la «théologie mystique» salésienne, met en lumière le fait que si saint François de Sales n'a pas fondé d'école de spiritualité, c'est pour avoir opéré dans ses ouvrages la synthèse magistrale d'éléments repris à ses différents prédécesseurs.
Yves Krumenacker s'interroge sur le bérullisme par une méthode qu'il appelle «géographique» ou «cartographique». Il y s'agit moins d'étudier tel ou tel thème particulier que l'agencement de ces thèmes entre eux. L'ouvrage s'achève par les pages du P. Jean-Marie Gueulette sur «l'usage périlleux de la notion d'école de spiritualité». Pourquoi, se demande-t-il, «ne pas continuer à faire usage d'une catégorie qui permet de tenir un discours sur des réalités complexes?» À condition, bien entendu, de ne pas oublier que nos classifications sont toujours le produit d'une construction de la pensée. - H. Jacobs sj

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