Les études sur les lois du Pentateuque connaissent un notable
regain d'intérêt et cette étude d'O. Artus en est un témoignage
ultérieur. L'ouvrage s'articule en quatre parties. Dans la première
(p. 19-105), l'A. offre une sorte d'introduction à la matière. Il
analyse d'un point de vue synchronique le rapport entre récit et
loi pour montrer que le don de la grâce précède toujours la loi.
Puis il analyse du point de vue diachronique trois séries de lois
présentes dans trois codes différents (code de l'alliance, code
deutéronomique et loi de sainteté). Il s'agit des lois sur la
libération des esclaves, sur la protection de l'étranger et de la
loi du talion. La seconde partie (p. 107-138) compare les lois
bibliques à celles du Proche-Orient ancien, en particulier celles
de Mésopotamie. Une des conclusions de cette étude mérite
l'attention. Les lois bibliques n'utilisent pas le binôme «justice
et droit», fréquent dans les lois mésopotamiennes et dans d'autres
écrits bibliques. La raison est simple, selon O.A.: ce binôme est
lié à l'idéologie royale et, selon le Pentateuque, la loi est
fondée sur l'autorité divine et non sur celle des rois. Il faut
donc lire la législation du Pentateuque sur l'arrière-fond d'une
critique de la royauté en Israël. La troisième partie (p. 139-172)
cherche à identifier les principes qui permettent d'établir une
hiérarchie entre les lois des différents codes. O.A. fait appel à
la distinction entre «normes» et «métanormes» (F. Crüsemann) ou
celle entre «droit» et «ethos» (E. Otto) et montre que les lois du
Pentateuque ne peuvent pas être interprétées indépendamment les
unes des autres. La quatrième partie, plus brève et plus théorique
(p. 173-186), s'interroge sur les critères d'une lecture canonique
du Pentateuque et préconise une lecture qui fasse dialoguer les
méthodes tout en tenant compte à la fois de la continuité et de la
discontinuité entre les textes. La conclusion (p. 187-194) reprend
et développe quelques points de méthode pour une lecture
théologique des lois du Pentateuque. Cette lecture doit être à la
fois diachronique et synchronique et il lui faut tenir compte du
lecteur. Le volume est accompagné d'une brève bibliographie, d'une
liste des abréviations et d'un index des citations bibliques.
L'ouvrage est bien documenté et très instructif pour qui veut se
familiariser avec un domaine jugé souvent rébarbatif. Le
spécialiste lui-même y trouvera son bien, par exemple dans la
discussion sur la date de composition du décalogue cultuel (p.
51-59; O.A. opte pour une date récente, avec Blum et contre
Crüsemann et Zenger), dans l'enquête sur l'absence du binôme
«justice et droit» dans le Pentateuque (p. 129-138) et dans de
nombreuses analyses de textes. Le plan du livre n'est peut-être pas
toujours transparent, ce qui explique quelques redites et quelques
digressions, mais il faut avouer que la matière est complexe. Il
est par ailleurs dommage que l'A. ne prenne pas en considération un
article lumineux de R.P. Knierim sur la structure du livre des
Nombres (p. 33-44). L'article a été publié dans le Festschrift Rolf
Rendtorff en 1990, p. 155-163. La structure de Knierim a l'avantage
d'organiser tout le livre des Nombres selon un seul principe, celui
de la campagne militaire et liturgique et elle insiste sur les
indications temporelles (Nb 1,1 et 10,11) plus que sur les données
topographiques. Or, dans un récit, le temps est toujours plus
important que l'espace. O.A. semble aussi ne pas connaître
l'ouvrage collectif Bible et droit. L'esprit des lois, éd. F. Mies,
Namur, Presses Universitaires de Namur - Bruxelles, Lessius, 2001.
Une question qui à notre avis aurait mérité plus d'attention est
celle de la nature des recueils de lois (p. 96-98). Dans le monde
francophone, les exégètes considèrent souvent que les collections
de lois bibliques contiennent un «droit prescriptif» à l'égal du
«code Napoléon», mais il n'est pas du tout évident que ce soit le
cas. - J.-L. Ska sj