La foi est à entendre au coeur de notre existence, alors que les
difficultés de la vie invitent à leur chercher des réponses
urgentes, mais faciles et extrinsèques, qui ne requièrent pas
vraiment une mise en question radicale de ce que nous sommes.
L'effort du P.B., en dialogue avec la théologie renouvelée en
Allemagne protestante et en France catholique, demeure actuel; il
souligne combien importe la foi au coeur même de notre existence
créée. L'ouvrage présenté ici saisit l'ensemble de l'oeuvre du P.B.
de manière synchronique, sans se préoccuper d'une évolution
éventuelle de son auteur. La première partie clarifie le rapport de
la philosophie et de la théologie, du naturel et du surnaturel, en
recourant à la doctrine, classique mais souvent oubliée par la
théologie, du «désir naturel» de voir Dieu. La théologie de la
scolastique moderne, dédiée à la signification scientifique des
propositions de foi, ne peut pas satisfaire; il importe en effet de
maintenir la distinction et l'articulation entre la signification
formelle d'une proposition et son sens réel, qui émerge dans
l'existence où s'exerce ce «désir». Une démonstration théologique,
si elle n'est pas reprise par l'intellectus fidei désirant sur
lequel insista Anselme du Bec, demeure futile. Il ne s'agit
d'ailleurs pas de «prouver» d'abord une signification puis
d'«adhérer» à son sens, car en réalité le sens précède et préside à
la signification vraie. La théologie déploie l'intelligence de la
foi; elle n'ajoute pas la foi à ce que l'effort de la raison aurait
démontré préalablement; le rapport de la révélation souveraine du
Dieu créateur à l'intelligence humaine est précis. La seconde
partie de l'ouvrage dessine ensuite la correspondance qu'il y a
entre la logique de l'existence à laquelle s'attache la pensée
contemporaine (voir par exemple George Morel ou Éric Weil) et la
logique de la foi; elle en manifeste la fécondité en logique
théologique, en éthique et en intelligence du credo. Dans sa
conclusion, l'A. souligne toutefois que le P.B. n'a paradoxalement
pas mis assez en avant combien la révélation en Jésus a été capable
de susciter de nouvelles significations, par exemple celle du
péché. - P. Gilbert, S.J.