L'islam occupe une place relativement importante dans la biographie
et les écrits de Luther. L'ouvrage commence par rappeler
quelques-unes des perceptions de l'islam et des réactions
chrétiennes qui eurent cours durant le Moyen Âge, en particulier
celles dont s'inspirera Luther. Plus proches: la prise de
Constantinople (1453), la menace ottomane jusque sous les murs de
Vienne (1529) et de nouveaux appels à la croisade, auxquels
catholiques, humanistes et réformés répondent en ordre dispersé.
Tout en faisant une lecture apocalyptique du double péril que
représentent la papauté et l'islam, ces deux instruments de Satan,
Luther se montre d'abord préoccupé par le danger d'apostasie qui
guette les chrétiens des Balkans et, demain peut-être, de
l'Allemagne. Il se documente du mieux qu'il peut et, tout en
justifiant face aux Turcs une résistance politique et militaire
(mais pas une croisade), il entreprend d'exposer ce qui, dans leur
religion et leur société, est incompatible avec la foi et la
civilisation chrétiennes. Mais c'est seulement vers 1542 que
Luther, ayant enfin pu mettre la main sur une traduction latine du
Coran, pourra, tout en reprenant de façon fort libre la Confutatio
Alcorani de Riccoldo da Monte di Croce (1243-1320), développer sa
propre critique de l'islam ainsi que des éléments d'apologétique
chrétienne face à l'islam. Au-delà de ce qui serait un simple
relevé de textes où il est question de l'islam, cette étude a le
mérite de dessiner un cadre historique et religieux précis et
surtout de faire le lien avec des thèmes spécifiques de la
théologie de Luther, tels les trois états (ou statuts) et les deux
règnes. - J. Scheuer sj