Maurice Blondel lecteur de Bernard de Clairvaux

J. Leclercq
Philosophy - reviewer : Hubert Jacobs
L'A. met bien en évidence l'étroite parenté qui unit saint Bernard et Maurice Blondel. Il a centré ses analyses sur le De gratia et libero arbitrio de l'Abbé de Clairvaux et sur L'Action (1893) et la Lettre (1896) du philosophe d'Aix. Les nombreuses lectures que Blondel avait faites des écrits du saint l'avaient conduit à rédiger à leur propos une série de notes: on les lira en annexe dans le présent volume. Certes on ne trouve, dans L'Action, qu'une unique référence explicite à saint Bernard. Cet ouvrage n'en est pas moins le premier où se manifeste publiquement l'affinité intellectuelle explicitée des deux penseurs bourguignons. L'influence du saint sur Blondel n'est sans doute pas systématique mais elle n'en est pas moins faite de suggestions stimulantes qui sont occasion de les situer l'un par rapport à l'autre. Cette mise en correspondance des deux penseurs a permis l'ordonnance de l'étude de J.L. en deux parties. Dans la première, intitulée «Bernard avant Blondel», on découvre la lecture bernardine de Blondel. Dans la seconde, qui a pour titre «Blondel après Bernard», se révèle la lecture blondélienne du saint. Les analyses de l'A. apparaissent d'autant plus pertinentes en cette double approche qu'elle n'ignore rien des principales interprétations des doctrines étudiées. Bernard n'a évidemment pas de système philosophique élaboré; sa doctrine est mystique et non pas dialectique. Il nous offre néanmoins une pensée qui, appréhendée, saisit jusqu'à sa racine la structure de l'être humain, toujours dans la transcendance qui lui donne sa portée véritable. Saint Bernard est ainsi à l'origine d'une philosophie où l'aspect cognitif n'est jamais séparable de l'aspect affectif. C'est ici que Blondel a pu trouver les fondements d'une science de l'action. Cette manière de voir rejoint les intuitions proposées naguère par Aimé Forest dont J.L. reçoit plus d'une fois, à juste titre, ses clés herméneutiques. On se rend compte combien l'anthropologie bernardine a influencé la conception blondélienne de l'homme. L'expérience de la liberté y est fondamentale avec son orientation progressive vers la charité à travers les figures successives où elle s'inscrit.
Dans la seconde partie est abordé Blondel avec sa «philosophie à l'ombre de la patristique». Certes, l'influence de saint Bernard sur Blondel, assurément bien attestée, est néanmoins à relativiser. Il n'en demeure pas moins vrai que l'oeuvre blondélienne est à considérer comme une nouvelle production de sens de la tradition bernardine, particulièrement en ce qui concerne la méthode philosophique, la christologie du Médiateur et la doctrine de la liberté.
Ainsi pour l'un et pour l'autre penseur, au coeur de la philosophie, il y a l'élan spirituel où l'orientation suivie devient la valeur à laquelle l'homme est invité à consentir. Cet élan enracine l'intimité du moi au plus profond de celle de l'être. Pour l'un et l'autre, c'est finalement la charité qui apparaît comme principe unificateur du dynamisme de l'esprit, dont elle est à la fois l'origine et la fin. Signalons que l'article Saint Bernard et Aimé Forest, mentionné p. 303, a pour auteur P. Masset. - H. Jacobs, S.J.

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