La vulgarisation assez commune des thèses de l'égyptologue Jan
Assmann (voir tout dernièrement Le Monothéisme et le
langage de la violence, Paris, Bayard, 2018) aussi bien que
l'actualité récente semblent, à première vue, confirmer l'évidence
d'un lien entre monothéisme et violence. Poursuivant une réflexion
entamée avec Le scandale du mal, une question posée à
Dieu (même éd ., 2001,
voir NRT 124, 2002, p. 129), le dominicain
bien connu de Toulouse ne cherche pas ici à traiter du rapport
entre religion et violence de façon exhaustive et distanciée, mais
il reprend cette question du mal sous l'angle particulier de
l'expérience et de la responsabilité chrétiennes :
« Comment le message d'amour, exprimé par les évangiles,
a-t-il pu être dévoyé dans la guerre sainte, l'anathème, la
persécution et autres atteintes à la dignité humaine ? »
(p. 12). L'ouvrage commence par une clarification des concepts
de « monothéisme » et de « violence » qui
permet, dans un second temps - en se fondant sur une
distinction communément admise entre foi et religion et entre
christianisme et chrétienté (voir Thomas d'Aquin) - de marquer
la façon spécifique (c.-à-d. par rapport au judaïsme et à l'islam)
dont ils s'articulent dans l'expérience chrétienne. À partir de là,
et sans concession, sont examinées d'une part, au plan de l'action,
la question du recours à la force, de la guerre sainte, de
l'augustinisme politique, des guerres de religion ; et d'autre
part, au plan proprement théologique, les notions de souveraineté,
de toute-puissance et de jalousie de Dieu. Tout au long de ce
parcours qui aborde encore les différents avatars du messianisme
royal (ville sainte, croisade, monarchie de droit divin) et du
messianisme sacerdotal (inquisition, mission), la référence à
l'Écriture, bien que toujours présente, n'opère qu'en sous-main. Ce
n'est que dans l'ultime chap. (« Lire l'Apocalypse ») que
cette question du rapport au texte biblique est abordée de front.
Si les principes posés dans cette dernière partie paraîtront
inattaquables (ne pas occulter les textes difficiles, admettre une
pluralité de sens), la rapidité du survol laissera au lecteur
- encore plus que pour ce qui précède - un goût de trop
peu. - D. Luciani