Comme l’A. l’explique dans son « prologue », deux livres sont issus d’une conversation avec son ami Marc Halévy à propos du rapport entre la pensée et les Lumières des philosophes du xviiie s. Celui d’Halévy (Les mensonges des Lumières, Le Cerf, 2018), très « dionysiaque », diffère beaucoup de celui qui nous occupe ici : une analyse très structurée – selon l’habitude de Vergely - des contradictions des Lumières et de la Révolution française qui en découle.
D’entrée, l’A. nous entretient de « l’obscur impérialisme de la raison », qui serait donc la face cachée mais seule réelle de la « raison libératrice des Lumières », cette dernière étant caractérisée par des effets systématiquement à l’opposé de ses intentions déclarées. Et cela à partir d’une mutilation de la Raison intégrale, pensée par B. Vergely comme étant le Logos/Verbe, incluant l’ensemble de la réalité sur-naturelle. Cette mutilation se déroule en plusieurs temps : d’abord le rejet des pensées « profondes », soit complexes, au profit d’une sagesse accessible au plus grand nombre, revendiquant sa « superficialité » (à l’instar de Voltaire et de Hume). C’est le triomphe de « l’esprit bourgeois ». Ensuite, on repousse les dimensions symbolique et mystique de la religion pour ne plus gloser que sur le rapport foi-raison, à l’avantage de la seconde. Après, on assimile la religion à un irrationalisme, puis à un fanatisme générateur de violence. Enfin, logiquement, on prône l’éradication des religions et l’établissement d’un régime laïc, totalement tolérant et propagateur de la liberté universelle, sur la base d’une raison strictement utilitaire. Ce qui, démontre Vergely, aboutit à la Terreur d’une tolérance ne tolérant qu’elle-même, entre relativisme radical et matérialisme agressif.
Détaillant son propos en passant les grands penseurs des Lumières – de Descartes à Robespierre – au crible de trois thèmes de référence (l’origine, la morale et l’être), notre auteur conclut en montrant, à nouveau en quatre points, « l’impossibilité de la laïcité » conçue par la Révolution, ainsi que l’auraient compris Kant et l’idéalisme allemand après lui, ré-ouvrant la voie vers la Raison intégrale par le rétablissement de la pensée « profonde » de la métaphysique… — G. Kirsch