Prêtres, envers et malgré tout ?, préf. Mgr L. Camiade

Cédric Burgun
Morality and law - reviewer : Gonzague de Longcamp c.s.j.

L’éclatement des scandales d’abus sexuels a engendré une véritable crise dans l’Église et particulièrement dans le ministère presbytéral. Les blessures profondes infligées aux victimes ont eu un effet collatéral évident sur les prêtres eux-mêmes. Il s’agit de la gangrène de la défiance. Défiance – partiellement légitime – des hommes et des femmes de notre temps pour lesquels la figure du prêtre se réduit parfois à celle d’abuseur. Défiance même des fidèles qui sont en droit de se demander à qui ils peuvent faire confiance. Défiance encore dans la relation de l’évêque à l’égard de ses prêtres où la « tolérance zéro » peut se transformer en suspicion généralisée et altérer profondément la relation de fraternité et de paternité. Malheureusement, et les trop nombreux suicides de prêtres en sont le signe, il y a aussi une défiance des prêtres par rapport à eux-mêmes : comment vivre un ministère fécond dans un célibat épanoui ?

Dans ce climat qui peut être délétère, il était urgent d’apporter une réponse d’espérance qui ne soit pas seulement faite d’exhortations simplistes, voire naïves, ce que l’A. entend faire en ces pages.

Il commence, pour cela, par se mettre à l’écoute des souffrances des prêtres. Il s’agit, sans dolorisme ni apitoiement, de regarder en face les difficultés du ministère aujourd’hui (chap. 1). L’une d’elle est, à n’en pas douter, la relation des prêtres avec leur évêque. Comme nous l’avons noté en commençant, celle-ci peut avoir été profondément altérée par la crise actuelle. Il s’agit donc que chacun trouve sa juste place : retrouver une authentique place de fils pour devenir réellement père (chap. 2). C’est dans ce cadre relationnel que l’A. va pouvoir regarder, à l’école d’A. Chapelle, la chasteté et la paternité. La chasteté ne peut se vivre comme une « absence d’amour » (chap. 3), mais demande de devenir une école du don. Et l’A. de rappeler que célibat et mariage ne peuvent être vécus que dans une maturité affective qui permette d’authentiques relations.

Dans ce chapitre, l’A. prend un parti pris d’identifier le célibat consacré et le célibat sacerdotal. Certes, Jean-Paul ii dans Pastores Dabo Vobis invite les prêtres à vivre de l’esprit des vœux. D’autant que la continence parfaite aura les mêmes conséquences concrètes que l’on soit religieux ou prêtre. Pourtant, il reste une question essentielle qui nous semble trop éludée : la nature et la signification du célibat sacerdotal ne sont pas les mêmes que celles de la virginité consacrée. Il me semble donc qu’ils possèdent des ressorts et une intégration dans la personne profondément différents. Être identifié sacramentellement au Christ époux ou vivre du mystère des noces du Christ et de l’Église sont deux réalités différentes. Certes, il ne faut pas réduire le célibat presbytéral à une discipline ecclésiastique et il y a une profonde convenance théologique et spirituelle entre ministère et célibat. Pourtant, ce n’est pas en identifiant célibat sacerdotal et consacré que l’on donne la réponse la plus adéquate. Nous nous contentons de poser ici une question qui n’invalide pas, pour autant, les très beaux développements de ce chapitre.

Après la question du célibat, l’A. aborde celle de la paternité spirituelle. Comme pour le célibat, celle-ci demande du prêtre un profond travail de maturation affective qui implique de prendre en compte tout ce qui se joue en lui dans sa relation aux femmes. La paternité spirituelle ne pourra d’ailleurs être authentique sans la traversée intérieure qu’exige le renoncement à la paternité humaine. Car le célibat comme l’exercice authentique de la paternité ramènent le prêtre à la source de sa vocation qu’est la Croix du Christ, selon cette parole entendue au jour de son ordination : « Conformez-vous au mystère de la Croix du Seigneur. »

Dans les 1ers chap., l’A. dresse un constat douloureux sur la situation du prêtre aujourd’hui, mais toujours à l’aune du mystère qu’il porte comme dans « une poterie sans valeur ». Mais il faut aussi, dans un dernier chapitre, pouvoir ouvrir un ou plusieurs chemins. Celui d’une redécouverte de la communion ecclésiale – qui trouve son origine dans la Trinité – manifestée à travers deux aspects. D’abord celui d’un chemin d’accompagnement dont le prêtre est aussi l’objet, comme peut l’être un couple qui traverse des épreuves. Ensuite, dans la redécouverte d’une « communion symbolique ecclésiale » (p. 200s) qui s’appuie sur la communion/altérité fondamentale : celle de l’homme et de la femme.

Dans une conclusion simple et dense l’A. rappelle que le seul véritable chemin est celui de la Croix à laquelle nous avons promis de nous conformer au jour de notre ordination. Mais la Croix mène à la vie. — G. de Longcamp c.s.j.

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