Que vaut le corps humain ? Actes du colloque du département d’éthique biomédicale, 5-6 décembre 2019

(dir.) Dominique Folscheid (dir.) Brice de Malherbe (dir.) Anne Lécu o.p.
Morality and law - reviewer : Xavier Dijon s.j.

Fruit d’un colloque tenu en décembre 2019 au Collège des Bernardins, l’ouvrage rassemble huit contributions qui explorent divers champs disciplinaires à propos de la « valeur du corps humain ». Les deux philosophes viennent en tête : Dominique Folscheid critique les dualismes anthropologiques de Platon, Protagoras, Scheler et Engelhardt, en mobilisant tour à tour Aristote, Locke, Nietzsche, Levinas et Jonas, pour proposer une éthique des vertus qui change le regard sur les corps, tandis que Bertrand Quentin invite à se servir des sciences humaines pour rééquilibrer, par la considération de la vulnérabilité humaine, la fascination qu’exerce la technique comme promesse de complète restauration des handicaps. Le juriste Jean-Christophe Galloux analyse le droit qui régit les dons d’éléments du corps humain pour y reconnaître qu’il n’y s’agit plus tout à fait de dons. À propos de cet auteur, on notera au passage que le Noli me tangere n’est pas dit par le Christ ressuscité « aux femmes qui venaient apprêter son corps supplicié » (p. 71) mais à Marie-Madeleine qui voulait le retenir (Jn 20,17). Le médecin Eric Rondeau traite également des transferts d’organes, mais sur le versant de leur trafic illicite. Citons encore l’expérience originale de l’artiste Caroline Desnoëttes qui a fait se rencontrer les sculptures d’Auguste Rodin et un groupe d’enfants traités en oncologie en vue de leur restituer, par diverses reprises artistiques, une valorisation de leur propre corps.

Des deux psychanalystes, Daniel Sibony commence fort avec une citation « le corps vaut l’âme et il vaut chair » pour montrer ensuite, à partir d’une série d’interviews menées auprès de grands opérés du cœur, toute l’intrication de l’humain et de la technique, du corps visible et du corps-mémoire. D’où la place à réserver à la parole à côté de la technique : paradoxalement, la parole est ce qui relie l’âme et le corps. L’autre psychanalyste, Marie Balmary, démontre, à partir du contre-exemple de Narcisse, toute l’importance du véritable amour de soi, acquis – ici encore – par la parole : c’est de l’autre que vient l’accès à nous-mêmes. On épinglera en finale la superbe contribution du théologien Eric Morin commentant, à partir de la 1re épitre aux Corinthiens, la trilogie chair, âme, esprit, montrant en particulier l’ambiguïté de la chair, négative lorsqu’elle se replie sur elle-même, mais devenant positivement corps dans l’expérience mystique. Comme la foi désactive la loi (toujours présente), la rencontre vraie de l’autre (éminemment, du Christ) retire à la chair sa propension à gouverner seule l’existence humaine sans âme ni esprit. De telle sorte que, dans toutes leurs rencontres, quoi qu’ils se disent, les humains ne font que donner chair à cette expression « ceci est mon corps ».

Cet ouvrage pluriel, introduit brièvement par Brice de Malherbe, ne comporte pas de synthèse conclusive. Mais le lecteur aura découvert assez aisément au fil de la lecture la communauté d’inspiration des diverses contributions : l’unité intérieure de la personne, la place indispensable de l’altérité et de la parole, la considération de la dignité de l’être humain, l’ouverture au mystère de l’Incarnation sont autant de pistes qui indiquent ce que vaut le corps. — X. Dijon s.j.

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