La littérature hagiographique a rarement eu bonne presse; toutes
les générations ont eu ses détracteurs qui n'y voyaient que des
niaiseries. Il n'empêche qu'il s'agit là d'une littérature qui, par
son abondance, est bien souvent la seule à nous renseigner non
seulement sur les héros de la foi, certes parfois de manière fort
peu historique, mais aussi sur l'histoire générale des siècles
passés: l'oublier, sous prétexte de sa faiblesse, n'est pas
tenable. Et, quelle que soit l'opinion que l'on adopte à son égard,
on est d'autant moins porté à la mépriser quand on découvre un
ouvrage comme celui-ci. Titulaire de la chaire de langue et
littérature latines médiévales à l'École Pratique des Hautes
Études, à Paris, depuis 1985, Fr. D. s'est, depuis près de quatre
décennies, intéressé de très près aux textes hagiographiques. Le
volume ici présenté rassemble 29 études - la plupart étant des
éditions de textes hagiographiques allant de l'Antiquité chrétienne
au 12e siècle - parues antérieurement dans diverses revues
savantes, auxquelles il a d'ailleurs apporté des corrections et
ajouts, fruits d'une curiosité toujours en quête d'amélioration et
mue par une parfaite honnêteté intellectuelle. Y furent ajoutées,
en un chapitre, les éditions de deux textes inédits - une Passion
métrique de Ste Agnès (BHL 164b) et une Vie rythmique de S. Ouen
(BHL 754d) - extraits du «Livre noir» de Saint-Ouen de Rouen.
L'approche de l'A. est avant tout philologique; on aura d'ailleurs
l'attention attirée par l'index des mots latins commentés (p.
981-982). On y reconnaîtra une attitude «positiviste», ou, pour
user d'un terme qui respecte plus exactement l'histoire des idées
en fait d'écriture de l'histoire, «positive». Une telle démarche
rebute beaucoup de nos jours et est très souvent regardée de haut
par les tenants des approches «thématiques». Mais à regarder de
près les travaux ici rassemblés, on ne peut que se féliciter de la
méthode retenue par l'A. Car - et c'est sans doute un des apports
majeurs de l'ouvrage (indépendamment de l'information qu'il fournit
sur des sujets précis) - à chaque fois, on est ramené à un principe
fondamental: la nécessité impérieuse de disposer des sources, et
des sources correctement éditées. En définitive, elles seules
restent. Et sans elles, il n'y a bien souvent que bavardage sans
consistance. Une leçon que les historiens de toutes les époques ne
doivent jamais oublier. - N. Plumat