Sein und Gott. Ein systematischer Ansatz in Auseinandersetzung mit M. Heidegger, É. Lévinas und J.-L. Marion

Lorenz Bruno Puntel
Philosophy - reviewer : Emmanuel Tourpe
Le genre routinier de la «recension» est vraiment inapproprié pour rendre compte de ce dyptique monumental qui constitue, sans aucun doute possible, l'une des contributions métaphysiques les plus importantes des cinquante dernières années. Nous consacrerons bientôt dans la coll. des Petits Platons un entretien approfondi à son A. pour introduire de manière plus adéquate à cette pensée hors-normes. Les deux ouvrages évoqués, qu'il faudra très vite traduire en français, bouleversent à ce point, et de fond en comble, la philosophie fondamentale, qu'il est permis de dire que dans ce domaine Puntel a pris rien de moins que la relève de Hegel et de Heidegger sur le plan des contributions métaphysiques majeures. Croit-on que l'on exagère? L'avenir jugera.
Puntel est un théologien, fidèle à la pensée de Rahner, doublé d'un philosophe redoutable, qui s'était déjà signalé dans les années 70 par un brillant Analogie und Geschichtlichkeit dont un E. Brito ou un A. Léonard se sont fortement inspirés dans leur oeuvre métaphysique. Avec Structure et Être et Être et Dieu, le Puntel de la maturité présente sa pensée achevée. Il s'agit d'une philosophie «structurale-systématique» qui réconcilie, tout en les dépassant, les options ontologiques de Thomas d'Aquin, de Hegel, de Heidegger et de Frege.
Cherchant - et parvenant de manière spectaculaire - à faire dialoguer la «philosophie continentale» avec la «philosophie analytique», cette oeuvre de très haut niveau se présente avec une méthode de rigueur extrême dans ses concepts et dans son développement. Puntel lutte avec acharnement contre l'imprécision ou le manque de détermination, au point parfois que ses analyses peuvent paraître pointilleuses. Mais de ce fait, elles constituent aussi un antidote bienvenu contre le flou conceptuel et le brio séduisant de bien des pensées se présentant comme des «phénoménologies». Puntel développe d'ailleurs une polémique radicale («fondamentale et englobante») à l'égard de la pensée de J.-L. Marion dans Être et Dieu, en particulier contre le refus marionien de la métaphysique. On ne lui donnera pas tort, même si la forme de la critique apparaît souvent trop violente vis-à-vis d'un penseur qui mérite plus d'égards.
Les thèses de fond de Puntel peuvent être difficilement résumées, tant elles sont précises et cherchent en permanence à éviter tout malentendu. Avec d'infinies précautions, nous oserons dire qu'elles apparaissent comme une tentative, la plus pertinente et la plus complète à l'heure actuelle selon nous, de déployer une théorie de l'Être qui soit systématique et qui soit de part en part une théorie langagière de l'Être. De l'Être fini à l'Être absolu, Puntel trace un rude chemin de pensée, qui écarte les théories tronquées ou insuffisantes, et porte jusqu'au point où la question de Dieu peut être posée en raison. Puntel vise une «théorie de l'Être comme tel et en totalité» qui dénoue le rôle des «données», des «faits premiers», des «structures», des relations entre le sémantique et l'ontologique, à travers la première véritable métaphysique que l'on puisse identifier après les coups de boutoir de Heidegger, Levinas ou Marion. La question du rapport entre Dieu et l'Être y est dénouée d'une manière si magistrale qu'il y aura désormais une faute intellectuelle à ne pas passer par Puntel lorsque l'on traite ces questions.
Certes, bien des remarques ou des critiques (la plupart du temps dues à une mauvaise compréhension de ce que Puntel veut dire, nous en avons fait l'expérience) peuvent être faites à cette pensée qui est par ailleurs parfois laborieuse ou abstraite. En particulier, sa critique de la «substance» nous parait mal formulée, de même qu'il nous semble que sa conception du langage est trop formellement liée à un idéal de clarté mathématique. Néanmoins, nous invitons les lecteurs à faire l'expérience de ce qu'un événement métaphysique et de théologie philosophique veut dire en prenant en main ces deux ouvrages qui n'ont actuellement aucun équivalent connu. - E. Tourpe

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