Sexuation, parité et nuptialité dans le second récit de la Création. Genèse 2

Hélène de Saint Aubert
Holy Scripture - reviewer : Sébastien Dehorter

Sous ce titre un peu sévère mais extrêmement précis, se cache en réalité une étude consacrée à la « création » de la femme en Gn 2, tant magistrale par sa méthodologie et son acribie, qu’agréable à lire, en raison du style alerte de l’A. et de son art de la formule des plus rafraîchissant.

« Sexuation », car dans le récit de Gn 2 (à la différence de Gn 1), la figure féminine fait l’objet d’un traitement spécifique, témoignant ainsi d’une attention particulière de la part de son auteur envers le caractère sexué de l’humanité. « L’humain ne s’achève vraiment que dans la création conjointe de la femme et de l’homme, de sorte que les deux sexes sont créés en même temps et relativement l’un à l’autre » (p. 24).

« Parité », car, en dépit d’une réception tenace selon laquelle Gn 2 présenterait la femme sous un jour dépréciatif, l’A. montre au contraire, en reprenant à nouveaux frais l’analyse précise du v. 23, « que la première fois qu’un homme prend la parole au discours direct dans la Bible, il proclame sa parenté et sa relation paritaire avec la femme » (p. 80). Ni sa qualification « d’aide » pour l’âdâm – expression qui a non pas un sens ancillaire mais existentiel et vital ; ni le fait qu’elle ait été tirée d’une « côte » de l’humain – car, en réalité, il ne s’agit pas d’une côte mais d’un côté, homme et femme formant ainsi les deux côtés de l’humain ; ni, enfin, son silence qui manifesterait sa soumission à la formule de nomination/domination de l’homme en Gn 2,23 – il s’agit plutôt d’une formule chorale collective qui répercute et proclame de manière émerveillée le dessein de Dieu sur l’humain ; aucun de ces « arguments » ne tient vraiment pour contredire cette parité, pour peu que l’on accepte que parité ne soit pas symétrie et qu’affirmer l’égalité puisse se conjuguer avec le creusement des différences.

« Conjugalité », enfin, car « chaque être est achevé en tant que son propre inachèvement le fait être pour l’autre » (p. 55). En bref, « Gn 2,23-24 converge vers une visée principale extrêmement claire : le mariage monogame est la relation des relations, [homme et femme] partagent tout, aucun des deux n’est le sexe fort et l’engagement qu’ils prennent les lie dans une loyauté et une solidité mutuelles » (p. 97).

En trois chapitres précédés d’une traduction originale, cette étude exégétique parcourt le texte de Gn 2, premièrement dans sa dynamique d’ensemble, qui met en valeur la création comme un « processus » au sommet duquel se situe la « construction » (bânâh) de la femme, expression qui est interrogée sur l’ensemble du corpus biblique. Deuxièmement et troisièmement, en se concentrant sur la formule finale des vv. 2,23-24, où l’A. reconnaît une formule idiomatique revisitée, une formule emphatique (chap. 2), ainsi qu’une formule chorale pour toute l’humanité (chap. 3). Pour honorer la finesse d’un texte qui « croit en son lecteur », l’A. met en œuvre plusieurs ressources littéraires, afin de serrer de près ses mécanismes linguistiques comme narratifs et de travailler les réseaux intertextuels avec lesquels le texte entre en résonance. À lire avec bonheur. — S.D.

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