The Ethics of Śankara and Śântideva. A Selfless Response to an Illusory World
Warren Lee ToddReligions - reviewer : Jacques Scheuer s.j.
Or il apparaît qu'en dépit de leurs oppositions sur le plan métaphysique - en particulier l'affirmation ou la négation d'un « Soi » (âtman) dans leur conception de l'être humain - nos deux penseurs occupent des positions proches au plan éthique. Ils convergent notamment dans leur conviction que les êtres parfaits, une fois parvenus à la libération ou à l'éveil, continuent d'entretenir un rapport actif au monde. Tandis que leur regard purifié saisit toute réalité dans sa vérité ultime (« il n'est rien d'autre que l'absolu », selon Śankara ; « tout est vacuité », selon Śântideva), ces êtres accomplis demeurent capables d'oeuvrer pour la libération de tous en tenant compte de la vérité relative du monde tel qu'il apparaît au regard non libéré et en jouant le jeu de conventions sociales reconnues comme provisoires. Parvenu à la pleine sagesse et à la conscience de l'absolu, le spirituel ne se détournerait pas du relatif mais aurait la faculté d'aller et venir ou encore d'osciller, de « clignoter » (flickering) entre une vision ultime et une perception relative. Exercée par un agent dénué de « Soi » (self-less), la compassion se traduit alors en action salvifique, altruiste et désintéressée (selfless).
Tout en serrant de près les textes indiens, l'A. se situe de manière argumentée dans les débats de l'éthique philosophique occidentale, notamment anglo-saxonne, dans lesquels il entend apporter sa contribution. - J. Scheuer s.j.