Voici un philosophe, relativement peu connu, campé de manière
précise dans son contexte, comme auteur d'une pensée qu'il veut
cohérente et exerçant un impact sur l'histoire. Louis de Bonald
peut être considéré comme le penseur de la Réaction, de la
Restauration, après l'épisode de la Révolution. «Contrairement à
l'interprétation qu'en a donnée la critique, sa visée première
n'est pas celle d'une théorie de la connaissance, mais une nouvelle
métaphysique ou encore un remplacement de la métaphysique par une
sociologie métaphysique.» (p. 237) Sa théorie de la connaissance
est malebranchiste, et on devrait lui attribuer une forme
d'ontologisme (un ontologisme sociologique) plutôt qu'un
agnosticisme. Dieu est présent de façon immédiate dans la «raison
universelle», c'est-à-dire dans la société. Toutefois, «la doctrine
de la 'raison universelle', qui seule permet de comprendre la
philosophie bonaldienne du langage, est marquée par la même
ambiguïté que la doctrine hégélienne de l'esprit objectif, et le
lien entre Bonald et la sociologie positiviste (…) ne peut être
comparé qu'au lien entre Hegel et le marxisme» (p. 231-232).
Catholique croyant et homme politique contre-révolutionnaire, «sa
philosophie fut à l'origine de deux mouvements opposés, dont l'un,
caractérisé par le nom de Lamennais, débouche sur la révolution de
1848, tandis que l'autre est représenté par la sociologie de Comte
et par le nationalisme anti-démocratique de l'Action Française» (p.
241-242). - S. Decloux sj