Une histoire du sentiment religieux au xixe siècle

Guillaume Cuchet
History - reviewer : Bernard Joassart s.j.

Sous un titre assez général, se présente au lecteur non pas une synthèse, mais bien plutôt une « mosaïque » : Guillaume Cuchet a rassemblé une série d’articles parus récemment dans différentes revues. Plusieurs avaient pour sujet la « pensée religieuse », parfois très originale, de personnages, souvent oubliés ou très peu connus de nos jours : Jean Reynaud, Alphonse Gratry, Hervé Perreyve, Charles Gay. D’autres traitaient de thématiques : la question du nombre des élus (revu à la hausse pendant la période concernée) et de la vision de l’au-delà, celle de l’intervention de Dieu dans l’histoire, qui opposa Guéranger et Broglie, les pratiques entourant la mort, divers courants spirituels, tel l’univers sulpicien, l’ésotérisme et le spiritisme, ou encore les premières « incursions » du bouddhisme dans l’Hexagone.

Dans le cadre de notre revue, il n’est pas possible de détailler le contenu de chaque exposé. Mais je ne crois pas être par trop élogieux en encourageant le lecteur à lire cet ouvrage, d’autant qu’il est de belle écriture, précisant par ailleurs que chaque chapitre peut se lire indépendamment des autres. Un premier intérêt est qu’on est assez loin d’un « hideux » xixe s., ou en tout cas pas en face d’une époque qui aurait été réfractaire à toute forme de spiritualité et aurait, purement et simplement, cédé la place au triomphe du seul rationalisme (qu’il ne faut évidemment pas mettre sous le boisseau). Certes, tous les penseurs et les courants analysés n’entraient pas nécessairement dans la plus stricte orthodoxie catholique, et pouvaient même parfois en être fort éloignés. Qu’on le veuille ou non, la Révolution française et ses antécédents, proches ou lointains, étaient bien passés dans les mentalités. D’autres formes de pensée influencèrent également le sentiment religieux du temps, en particulier le libéralisme, loin d’être un suppôt docile de Rome, encore que d’aucuns tentèrent d’élaborer un « catholicisme libéral ». Il ne faudrait pas non plus oublier que certaines caractéristiques ou certains actes du catholicisme (telle la définition de l’Immaculée Conception) furent même appréciés dans le chef de personnages qui ne se réclamaient pas de la foi chrétienne. Les remous politiques, plutôt nombreux durant les décennies concernées, influencèrent également la « piété » du temps, d’autant plus que le religieux était souvent le seul domaine où la discussion était permise.

On se souvient que durant la Première Guerre mondiale, Henri Bremond avait entrepris une vaste Histoire littéraire du sentiment religieux en France, qu’il faisait commencer « depuis la fin des guerres de religions » et qu’il entendait mener « jusqu’à nos jours », c’est-à-dire les premières décennies du xxe s. ; ce monument s’arrêta à la fin du xviie siècle… Toute proportion gardée, et tout en sachant que bien des travaux ont paru sur quantité d’aspects religieux ou de penseurs du xixe s., on se dit que l’ouvrage de G.C. s’apparente, à sa manière, à la tentative du célèbre abbé. Ne serait-il pas un « pré-Bremond » du xixe s. ? — B. Joassart s.j.

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