Islam et islamisme. Frères ennemis ou frères siamois ?

Marie-Thérèse Urvoy
Religioni - reviewer : Markus Kneer

C’est seulement depuis les années 1970 que le terme « islamisme » est utilisé pour décrire l’islam politique. Au xixe siècle, le mot désigne l’islam comme religion (voir p. ex. la fameuse conférence « L’islamisme et la science » d’Ernest Renan tenue le 29 mars 1883 à la Sorbonne), et la notion d’« islam » est utilisée pour la civilisation liée à cette religion. C’est une chose qu’on peut apprendre de ce livre (p. 11). Mais selon l’A., déjà recensée plusieurs fois dans la NRT ces dernières années (La mésentente. Un dictionnaire des difficultés doctrinales du dialogue islamo-chrétien, NRT 137, 2015, p. 680 ; Islamologie et monde islamique, NRT 140, 2018, p. 157 ; Enquête sur le miracle coranique, avec D. Urvoy, NRT 141, 2019, p. 514), la proximité de ces deux termes – une proximité qui va jusqu’à la confusion – n’est pas due au hasard. Selon elle, « l’islamisme est la conviction que les lois de l’islam doivent prédominer sur les lois des hommes. Tous les islamistes visent un même but : « l’application généralisée de la charîa (…) » (p. 12), qui, cependant, reste en réalité limitée, voir chap. VI : « Le mot d’ordre du “retour à la charîa” ». Malgré les limites réelles, ce slogan montre que, dans la vision des islamistes, une société laïque ne serait pas possible. Dans le chap. X « De la laïcité et l’islam », l’A. étend ce jugement à tout l’islam, car l’islam est « religion et État » (dîn wa dawla). Pour elle, il n’y a ni un islamisme ni un islam modéré, seulement des musulmans « qui ont ramené leur croyance à la sphère privée et personnelle, à une morale et une spiritualité sans la mesure législative laissée dans les textes fondamentaux de l’islam » (p. 161). On est étonné que l’A. ne mentionne pas les dernières évolutions dans ce domaine, et en particulier la déclaration d’Abu Dhabi de février 2019 du pape François et du recteur de l’université égyptien al-Azhar, Ahmad al-Tayyeb, qui veut mettre fin à la discrimination des minorités religieuses et préconise la « pleine citoyenneté » de tous des citoyens d’un pays. Il reste l’espoir que non seulement les musulmans soient regardés comme frères, mais que nous tous soient frères et sœurs en humanité, avec le droit d’être pleinement reconnus comme citoyennes et citoyens. — M. Kneer

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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