Made in labo. De la procréation artificielle au transhumanisme

Dominique Folscheid
Morale e diritto - reviewer : Marie-Jeanne Coutagne

Voilà un livre de première importance, écrit par un A. dont la compétence n’est plus à prouver : prof. émérite à l’Univ. de Paris-Est, co-directeur du département d’éthique biomédicale aux Bernardins, alliant pertinence philosophique et connaissance scientifique, auteur de très nombreux ouvrages, il a fondé à destination des personnels de santé l’École éthique de la Salpétrière.

L’effondrement du mur de Berlin, en 1989, nous a masqué l’apparition inquiétante d’une nouvelle idéologie, née dans l’entre-deux-guerres, celle qu’a portée le mouvement transhumaniste, qui, conquérante grâce au développement du numérique, se trouve organiquement liée avec ce que Foucault nommait, déjà, le « biopouvoir », c.-à-d., la biocratie technoscientifique. En 1968, on voulait faire l’amour sans faire d’enfants : les débats autour de l’encyclique du pape Paul vi ont été virulents ! Aujourd’hui, il est question de pouvoir faire des enfants… sans faire l’amour, révolution anthropologique majeure, qui se nourrit paradoxalement d’une érosphère consumériste croissante ! D’où le déploiement d’un arraisonnement de la « nature », qui définit notre postmodernité par où la modernité se retourne contre elle-même !

L’A. analyse en profondeur tous les clivages mis peu à peu en place, au cœur de la sexualité d’abord, de la génération ensuite, dans l’espoir de promouvoir une nouvelle fraternité, toute horizontale, sorte de « rhizome antigénéalogique » (p. 355 ; 406). No Future, Paradise now… Explorant les mythes qui nourrissent notre imaginaire, encore aujourd’hui et peut-être plus qu’hier, interrogeant les romanciers et poètes, l’A. cherche dans l’histoire de la philosophie et plus largement des idées, des indices qui éclairent les problématiques actuelles. Avec brio et humour, D. Folscheid deploie une argumentation implacable, dégageant souvent d’inquiétantes continuités avec nos errements idéologiques et politiques d’hier, et dénonçant le caractère « orgiaque » (p. 93) de la technoscience.

Si certains auteurs sont sans doute convoqués de manière un peu trop unilatérale (ainsi Teilhard de Chardin, p. 311-318, dont on méconnaît la complexité contestatrice sur certains points), on ne peut qu’être profondément ébranlé par l’analyse de cet effondrement éthique dont le transhumanisme est le symptôme le plus inquiétant. Et si nous tentent aujourd’hui la vie « nue » et le retour à une énigmatique « nature », sans doute faut-il être averti de ce qui pourrait, dans nos espérances écologiques, aboutir à une vie dont l’humanité aurait été finalement niée ! Un diagnostic implacable devant nos dérives, un appel urgent au réveil des consciences. — M.-J. Coutagne

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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