De nombreuses civilisations protègent et préservent les textes et
leurs supports (gravés, manuscrits ou imprimés). Ceux qui sont
vénérés comme Parole divine ou Écritures fondatrices font
évidemment l'objet d'un soin particulier qui s'exprime parfois dans
des rituels complexes. Que faire lorsque le support matériel
s'altère et menace ruine: quelles seront les procédures, voire les
rites, et quelles interprétations ou justifications en donne-t-on?
«Laïcs» et «clercs» partagent-ils les mêmes valeurs et soucis? Les
livres de la liturgie communautaire et les exemplaires privés
reçoivent-ils la même attention? Voilà le fil rouge qui traverse
sept chapitres consacrés à autant de religions: judaïsme,
christianisme (surtout protestantisme américain), islam,
hindouisme, bouddhisme (japonais), jaïnisme, sikhisme. Bien que
chaque tradition ait ses usages et ses façons de voir, on note une
analogie fréquente avec les rites funéraires (ensevelissement,
crémation,…): l'Écriture demeure vivante alors même que son support
matériel est rituellement détruit. À la différence cependant de la
dépouille mortelle, le livre sacré demeure pur et ne donne pas lieu
à des précautions particulières contre la pollution rituelle. On
observe, dans certaines religions, une autre dimension de cette
analogie: des exemplaires précieux ou des restes de livres sacrés
sont traités comme les reliques corporelles de martyrs ou de saints
personnages. On peut d'autre part étudier comment le passage du
manuscrit à la production massive d'imprimés (le NT en «poche»!)
puis au support électronique fait évoluer - mais non disparaître -
les attitudes et les pratiques touchant la «mort» des textes
sacrés. - J. Scheuer sj