Cohen (1842-1918) fut le fondateur, avec Paul Natorp, de l'école
néo-kantienne de Marbourg qui professa toujours un certain
logicisme. Cohen, impressionné par Platon, tenta d'élaborer un
système qui prit forme vers la fin de son séjour à Marbourg avec
les oeuvres suivantes, cousines des trois Critiques de Kant: 1902
La logique de la connaissance pure, 1904 L'éthique de la volonté
pure et 1908 L'esthétique du sentiment pur. Mais curieusement,
lorsqu'il laissa l'enseignement en 1912 pour achever sa carrière
d'écrivain à Berlin, il s'intéressa surtout à la religion, renouant
avec sa toute première formation qui le destinait au rabbinat, et
finit par écrire un livre capital qui paraîtra posthume, Religion
de la raison tirée des sources du judaïsme (1919). Il s'agit d'un
ouvrage qui étudie le rapport de l'éthique à la religion
monothéiste dans une perspective rationaliste pourtant assez
particulière, notamment en ce qui concerne la notion de révélation
(qui n'a rien d'un miracle mais n'est autre que la
création-suscitation de l'esprit pratique de l'homme par Dieu, cf.
p. 23-49 - conception que critique de Launay).
Cohen eut des disciples célèbres et bien différents, comme Cassirer
et Rosenzweig, le premier attentif à la première partie
systématique de la carrière du maître, le second à la dernière
partie, plus religieuse. Rosenzweig écrivit une longue préface,
enthousiaste mais aussi parfois critique, aux trois volumes des
Jüdische Schriften de Cohen, parus en 1924. Le déclin de la
fascination heideggerienne permet à cette pensée juive de refaire
surface. De Launay y introduit très bien, avec entre autres une
brève biographie (p. 7-16), un beau chapitre sur le pardon (p.
51-78) et deux discussions, l'une avec Jean Halpérin sur Cohen et
Lévinas, une autre avec Raphaël Célis sur l'immanence et la
transcendance de l'idée de Dieu en éthique. - B. Pottier sj