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Prophet and Witness. The Role of the Jewish People in Augustinian Theology

Alban Massie s.j.
Augustine is often considered as the theoretician of the “system of abasement” of which the Jews have been victims on the part of Christians. The author takes a fresh look at the development of augustinian theology of the Jewish people and emphasises the magnitude which this theology assumes in the ecclesiology and theology of the bishop of Hippo, especially in his polemics against the Manicheans, Donatists and Pelagians. The Jewish people is a witness of the truth of Christ and of the faithfulness of God.

« Les coutumes de cette race si criminelle ont pris une telle puissance qu’elles sont reçues déjà dans tous les pays ; les vaincus ont donné leurs lois aux vainqueurs1. » Le jugement de Sénèque sur la nocivité des juifs dans l’empire semble avoir frappé Augustin qui le cite dans la Cité de Dieu. L’importance des juifs installés en Afrique du nord est attestée aux iv e et v e siècles2. Il arrive à l’évêque d’Hippone lui-même de fustiger ses fidèles tentés d’observer les jours de fête chrétienne à la manière des juifs qui vont au théâtre pour leur sabbat3. Mais, rappelant encore l’opinion de Sénèque sur l’inutilité sociale du sabbat, il relève que le stoïcien « montre son ignorance de l’inspiration divine4 ». Le regard d’Augustin sur les juifs n’est en effet pas sociologique mais théologique. D’abord indifférent à la nation dont les écrits sacrés le dérangeaient dans sa jeunesse — en raison du mauvais latin de leur traduction et l’immoralité apparente de leur contenu —, il a pris conscience, au cours de sa formation biblique — spécialement avec saint Paul — du rôle providentiel joué par Israël pour l’accomplissement du salut, jusqu’à considérer les juifs, par leur situation de dispersion au milieu des nations, comme les « témoins de leur iniquité et de notre vérité5 ».

Ce dernier texte est tiré du commentaire augustinien du Ps 58/59,12, dont la version « vieille latine » dit : Ne les massacre pas, de peur qu’ils n’oublient ta loi ; disperse-les selon ta puissance. Le mémorial de la Shoah à Jérusalem a choisi d’inscrire le verset psalmique en légende au portrait de saint Augustin exposé dans la première salle du parcours historique qu’il propose, juste après la vitrine inaugurale où sont montrés un brassard portant la croix gammée et un exemplaire de Mein Kampf. Yad Vashem suit ici la vulgate des études sur les relations entre Israël et l’Église des Pères entreprises au sortir de la seconde guerre mondiale, aboutissant au célèbre ouvrage de Jules Isaac, Genèse de l’antisémitisme, écrit en 19566. Le fondateur des « Amitiés judéo-chrétiennes » y désignait nommément la théologie augustinienne du judaïsme comme la « justification nécessaire » de « l’enseignement du mépris » menant au « système d’avilissement » dont furent victimes les juifs pendant des siècles7. Cette recherche a récemment été renouvelée par l’américaine Paula Fredriksen : celle-ci a publié en 2008 un livre résolument irénique quant à l’interprétation augustinienne de la destinée des juifs. Son approche, souvent suggestive, est résumée dans le sous-titre de son ouvrage : « A Christian defense of Jews and Judaism8 ». Elle montre qu’Augustin a bâti sa théologie du judaïsme sur ses commentaires des textes pauliniens relatifs à la liberté et à la grâce, qu’il l’a développée dans sa lutte contre le marcionisme manichéen — spécialement dans le Contra Faustum manichaeum, premier texte à exprimer la doctrine du « peuple témoin » —, et qu’il n’a pas varié dans son jugement jusqu’à La Cité de Dieu. Avec enthousiasme, P. Fredriksen qualifie cette doctrine de révolutionnaire par rapport aux théologies de la substitution adoptées par les Pères de l’Église9. Le développement actuel des recherches permet en effet un réajustement des doctrines augustiniennes tenant davantage compte des situations dans lesquelles se trouvait saint Augustin. On doit bien entendu s’interroger sur la transmission de la pensée d’Augustin, notamment au Moyen-Âge, mais il importe d’abord de considérer le contexte lui-même du discours augustinien, de son élaboration et de sa formulation. Contexte le plus souvent polémique, en défense contre les hérésies de son temps (donatistes, pélagiens, ariens), contre le manichéisme, le paganisme et, indirectement, contre le judaïsme. Augustin a en effet rédigé un traité contre les juifs, dans la ligne de la littérature chrétienne aduersus iudaeos 10.

Augustin résume sa pensée dans la Cité de Dieu, commentant là encore Ps 58,12 selon une interprétation typologique ou, selon son vocabulaire, « prophétique » :

Quant aux juifs qui mirent (le Christ) à mort et ne voulurent pas croire en lui — parce qu’il lui fallait mourir et ressusciter —, lamentablement ruinés par les Romains, complètement déracinés du sol de leur royaume où ils étaient déjà dominés par des étrangers, dispersés par toute la terre — est-il lieu, en effet, où on ne les trouve ? —, ils témoignent par leurs Écritures que nous n’avons pas inventé les prophéties relatives au Christ. (…) Dieu a donc montré à l’Église à propos de ses ennemis les juifs la grâce de sa miséricorde, parce que, selon la parole de l’Apôtre, leur faux pas a procuré le salut aux Gentils (Rm 11,11). Il ne les massacre pas (cf. Ps 58,12), c’est-à-dire qu’il n’a pas détruit en eux, bien que vaincus et écrasés par les Romains, leur qualité de juifs, de peur qu’oublieux de la loi de Dieu, ils ne soient dans l’impuissance de rendre le témoignage dont nous parlons11.

I Le rôle providentiel du peuple juif dans l’histoire du salut

L’examen de conscience que constituent les Confessions dresse un bilan sans fard du regard que portait le jeune Augustin sur le peuple juif alors qu’il s’était écarté des Écritures saintes. Celles-ci se montraient en effet incapables de l’accompagner dans sa recherche de la Sagesse dont l’idéal l’avait ébloui quand il avait lu l’Hortensius de Cicéron. Ancien catéchumène ayant différé son baptême, il se laissa alors gagner par la propagande manichéenne, « promesse d’un christianisme spéculatif qui (…) le dispensait de la foi et lui permettait de donner libre cours à sa raison12 ». Auditeur manichéen de 372 à 384, adhère-t-il au néomarcionisme virulent de l’Église manichéenne ? Celle-ci considère le Dieu de la révélation biblique comme le principe du mal opposé au vrai Dieu révélé par les prophètes de la vérité dont est exclue la lignée d’Abraham. Augustin se fait écho de cette condamnation qui touche non seulement la conception de Dieu mais la morale :

Je critiquais, moi aveugle, les pères, eux fidèles, qui avaient pourtant non seulement suivi les préceptes de leur époque, selon ce que Dieu ordonnait et inspirait, mais encore avaient annoncé les préceptes futurs, selon ce que Dieu révélait. (…) Moi dans l’ignorance de ces principes, je riais de tes saints serviteurs et prophètes13.

Le peuple juif est alors le peuple de la superstition, esclave du principe des ténèbres régnant dans la matière, opposé à la lumière divine, principe du bien. Cependant, Augustin est déçu par les incohérences du système manichéen qu’il juge matérialiste. En 386, la lecture des libri platonici lui fait découvrir que Dieu est esprit, il s’intéresse alors au passage des réalités temporelles aux réalités éternelles14. Puis, vient la découverte de l’interprétation allégorique de la Bible, sous la direction de l’évêque Ambroise de Milan. Le manichéen Secundinus lui reprochera cette évolution plus tard :

Si seulement, en t’éloignant de Mani, tu étais entré à l’Académie ou avais commenté les guerres des Romains, eux qui triomphent de tout : que de grandes et belles choses tu aurais trouvées là, au lieu d’aller, toi, homme pieux, modèle de vertu et de pauvreté, chez les juifs, nation aux mœurs barbares, quand tu mêles les fables aux préceptes…15

En réalité, Augustin n’est pas « allé chez les juifs » ; il a fait le choix d’ouvrir les livres des juifs : après son baptême, en 387, il s’essaye à l’exégèse typologique de la Bible. Les événements qui ponctuent la destinée d’Israël tels qu’ils sont racontés dans l’Ancien Testament se présentent alors à lui comme des figures dont l’interprétation spirituelle permet de comprendre l’action de la providence divine sur l’humanité entière. Il reconnaît que le peuple adorateur du Dieu véritable a donné naissance au Verbe de Dieu, sauveur par sa grâce16. Contre les antithèses néo-marcionites que le docteur manichéen Adimante avait énumérées pour invalider la loi mosaïque à laquelle s’oppose la loi évangélique, l’interprétation figurative lui permet d’expliquer la pédagogie de Dieu qui n’a pas promis sans raison une terre et la prospérité dans l’Ancien Testament :

C’est ce que Dieu a fait pour le peuple d’Israël, promettant des choses dont les malheureux (manichéens) se moquent très stupidement, afin qu’il s’accoutumât, autant qu’il le pouvait, à aimer Dieu dans les choses de peu de valeur elles-mêmes, bien que la crainte eût ici plus d’efficacité. Cependant, tous ces biens temporels sont la figure des dons éternels et la victoire (du peuple juif) sur les ennemis prophétise la victoire sur le diable et ses anges17.

Le désir des biens temporels est ainsi considéré comme une étape dans l’évolution de la loi morale, qui vise la croissance de l’homme en général et de l’humanité tout entière18. Ce point est essentiel : en qualifiant, tout au long de ses ouvrages, le peuple juif de « peuple charnel », Augustin ne prononce pas une condamnation sans appel mais insère sa compréhension d’Israël dans la pédagogie divine.

Prêtre en 394, évêque d’Hippone en 396, Augustin relit les Épîtres aux Galates et aux Romains. Cette exégèse lui fait approfondir deux aspects de la théologie paulinienne : le passage de la chair à l’esprit et le rapport de la loi avec la grâce. Analysant la parabole de l’olivier en Rm 11,13-26, il discerne chez Paul une attention envers l’orgueil qui peut atteindre les Gentils convertis à la grâce. Ce péché reproduit l’illusion qu’ont eue les juifs de croire en leurs propres mérites et leur aveuglement devant la manifestation de la vérité et de la grâce dans l’incarnation du Christ19. Augustin veut alors cerner la profondeur du mystère de la liberté qui a conduit les juifs à méconnaître la divinité de Jésus jusqu’à le crucifier et le faire mourir. L’endurcissement d’une partie d’Israël, estime-t-il, vérifie la justice et la toute-puissance de Dieu car il ne peut porter atteinte à la liberté divine. Examinant l’attitude de Paul, persécuteur de l’Église avant sa conversion (cf. Gal 1,13-14), Augustin affirme :

Si en persécutant et en ravageant l’Église de Dieu (Paul) faisait des progrès dans le judaïsme, il est clair que le judaïsme est contraire à l’Église de Dieu ; cela ne vient pas de cette loi spirituelle que reçurent les juifs, mais des pratiques charnelles dont ils étaient esclaves. Et si Paul persécutait l’Église de Dieu en tant que zélateur, c’est-à-dire imitateur des traditions de ses pères, c’est que les traditions de ses pères sont contraires à l’Église de Dieu, et il n’y a en revanche pas de péché dans la loi20.

Ce que reproche Augustin au judaïsme, c’est donc l’ensemble des coutumes mises en place par la tradition orale des rabbins interprétant la loi, c’est-à-dire la mishna, reproche habituel des Pères contre les juifs21. Une telle appropriation de la loi dans la vie quotidienne a conduit les juifs à croire au pouvoir salvifique des œuvres, aux dépens du salut par la foi seule. Ils n’ont pas pu reconnaître qu’ils avaient besoin d’un Sauveur. La méditation du péché du peuple juif aide ainsi Augustin à progresser dans la compréhension de la grâce et de la liberté, avant même la polémique avec Pélage.

C’est dans le De doctrina christiana (écrit en 397) qu’Augustin s’essaie à donner un statut théologique particulier au peuple juif dans l’économie des deux Testaments. Un des points étudiés par ce manuel de prédication chrétienne concerne la manière dont doivent être interprétés les faits et gestes racontés dans l’Ancien Testament, qui paraissent obscurs. S’appuyant notamment sur le verset paulinien : La lettre tue mais l’Esprit vivifie (2 Co 3,6), il observe que le peuple juif était dans la servitude des signes, mais d’une autre manière que les païens vis-à-vis de leurs propres rites : « même dans les offrandes et les signes temporels et charnels, tout en ignorant comment il fallait les comprendre en un sens spirituel, ils avaient pourtant appris à adorer Dieu un et éternel22. »

Son jugement envers le peuple juif est alors mêlé. Il est positif, puisque l’histoire d’Israël lui donne d’affirmer le mouvement de la révélation dans l’histoire à partir du culte judaïque, témoin de la révélation du Dieu véritable, préparant l’incarnation, accueillant aussi la grâce du salut (la première communauté chrétienne était juive, aime-t-il rappeler). Mais ce regard est aussi négatif, car le refus des juifs met en évidence la justesse de la compréhension spirituelle des Écritures opposée à la lecture littérale, « charnelle ». La fermeture des juifs à l’universalité du salut — il comprend la traduction des lxx comme l’ouverture aux nations des livres saints, « que le peuple juif, soit par scrupule religieux, soit par jalousie, refusait de livrer aux autres peuples23 » —, la servitude qu’ils subissent dans leur incompréhension orgueilleuse des signes de la révélation dans l’histoire, tous ces éléments posent les jalons de la doctrine du peuple témoin de la vérité des Écritures, développée dans le Contra Faustum manichaeum.

II Le peuple prophétique est le peuple témoin

Rédigé vers 403, le Contra Faustum manichaeum répond à un traité manichéen de propagande que l’évêque manichéen Fauste de Milev avait écrit contre « les erreurs de la superstition juive et des semi-chrétiens24 ». Critiquant la doctrine manichéenne, l’ouvrage veut défendre l’argument prophétique. Par cet argument, qui déploie l’affirmation de Jésus en Mt 5,17 — je ne suis pas venu abolir la Loi et les prophètes, mais les accomplir —, les chrétiens entendent prouver la véracité du salut donné par le Christ selon le Nouveau Testament en la rapportant aux oracles annoncés clairement dans les livres prophétiques eux-mêmes ou aux sacramenta — les mystères — cachés dans l’ensemble de l’Ancien Testament. Une telle démonstration, habituelle dans l’apologétique des Pères de l’Église, est ruinée par le manichéen qui y voit un argument circulaire : comment croire en la vérité des prophéties vétérotestamentaires s’il faut d’abord croire au Christ à cause de ces prophéties ? Augustin répond à cette objection en s’appuyant sur la doctrine des signes exposée précédemment dans le De doctrina christiana, qui lui permet d’affirmer que, dans l’Ancien Testament, « Christum igitur sonant haec omnia 25 ». Le peuple juif est alors au premier plan : il le qualifie de « peuple prophétique » et de « nation-témoin ».

Le premier qualificatif s’adresse au peuple de l’Ancien Testament, le deuxième désigne les juifs contemporains. L’histoire et les institutions du peuple juif sont ainsi référées à l’incarnation du Christ qui accomplit les prophéties :

Ce n’est pas sans raison que le mystère d’humilité, par lequel il est né et a souffert comme un homme, a été prédit si longtemps d’avance par des prophètes, par une nation prophétique, par un peuple prophétique, par un royaume prophétique26.

À partir du Contra Faustum, l’application du qualificatif « prophétique » au peuple juif est une constante dans l’œuvre d’Augustin lorsqu’il veut signifier le rapport d’accomplissement entre les deux Testaments27.

La notion de « peuple témoin » s’enracine quant à elle dans l’affirmation classique de l’antiquité des livres des juifs, que l’on trouve déjà dans les apologies de Tertullien et de Lactance28, mais l’argument est employé de manière spécifique par Augustin. Si le peuple juif est prophétique, son histoire a été aussi prophétisée dans l’Ancien Testament. Déjà, dans la Genèse, les figures de Caïn et de Cham s’appliquent au peuple juif contemporain. Après le meurtre de son frère, Caïn se retrouve en état de détresse sur la terre : Tu seras gémissant et tremblant sur la terre, et reçoit un signe pour que personne ne le frappe (cf. Gn 4,12-15). Augustin s’interroge : pourquoi Dieu ne permet-il pas que l’on attente aujourd’hui à la vie des juifs ? Le monde doit entendre leur gémissement, répond-il, afin que « la nation juive ne périssant pas, les fidèles chrétiens voient clairement quel assujettissement ont mérité ceux qui ont tué le Seigneur sous l’empire de l’orgueil29 ». Augustin rapproche ainsi l’exil de Caïn de la situation des juifs chassés de leur terre, de leur royaume terrestre. La marque de Caïn est alors l’ensemble des éléments cultuels qui font des juifs un peuple à part dans le monde romanisé puis christianisé :

En vérité, il est profondément étonnant de voir comment toutes les nations que les Romains ont subjuguées sont passées à la religion qu’ils professaient et se sont mis à observer, à célébrer leurs cérémonies sacrilèges, alors que la nation juive, que ce soit sous des rois païens ou sous des rois chrétiens, n’a pas perdu le signe de sa Loi, qui la distingue de tous les autres nations et peuples, et que tout empereur ou roi qui les trouve dans ses États les y trouve avec ce signe justement, et ne les fait pas périr, c’est-à-dire qu’il ne les contraint pas à n’être plus juifs, distingués qu’ils sont de la communion des autres nations par le signe certain et particulier de leur observance ; il n’est d’exception que pour celui d’entre eux qui est passé au Christ, pour ne plus être Caïn, n’avoir pas à fuir la face de Dieu, ni à habiter la terre de Naïm (Gn 4,16), qui, dit-on, signifie « ébranlement »30.

Le thème du témoignage réapparaît avec l’exégèse typologique de Gn 9,21-27 : la nudité de Noé ivre, la pudeur des frères de Cham, au contraire de son geste inconsidéré. Ce texte donne des précisions nouvelles quant au regard que porte Augustin sur le peuple juif. Noé bénit Sem et Japhet et maudit la postérité de Cham : Béni soit le Seigneur, le Dieu de Sem, et que Canaan soit son esclave ! Cette malédiction, écrit Augustin, est aujourd’hui portée par les juifs qui ont publié les prophéties dans leurs livres :

Qu’est-ce que cette nation, aujourd’hui, sinon véritablement l’archiviste (scriniarius) des chrétiens, qui porte la loi et les prophètes pour témoigner de la revendication de la liberté de l’Église, qui nous demande d’honorer dans sa réalité le mystère que ce peuple annonce dans sa lettre31 ?

Le peuple témoin est donc chargé d’une mission au service de l’herméneutique chrétienne, qui dépasse la simple preuve de l’authenticité des Écritures : en lisant les prophéties et en conservant ses rites, il témoigne de la vérité de l’incarnation et du culte spirituel des chrétiens.

Dans le Contra Faustum, Augustin s’interroge sur les raisons qui ont conduit les juifs à recevoir ce statut. Leur attitude vis-à-vis de la foi chrétienne est clairement reconnue par Augustin comme incredulitas et inpietas. La première qualification ne fait que reprendre celle que Paul emploie en Rm 11,20-24 et laisse entrevoir la possibilité de la conversion. Le second jugement revient plusieurs fois dans le traité, mais regroupe tout autant les manichéens que les juifs, et, de manière générale, tous les infideles 32, ceux qui ne reconnaissent pas le Christ. Les juifs sont un « peuple charnel », selon le langage de 1 Co 3,1-3. Contre la diabolisation manichéenne des juifs — au sens propre —, il cite cependant l’éloge de Rm 9,4-5 qui assure le lien intime du peuple juif au Christ33. Contre le déterminisme manichéen, il estime aussi que l’asservissement des juifs à la chair n’est pas un fait de nature mais le fruit de leur volonté, la marque du libre arbitre. La malédiction du peuple juif est la conséquence d’un péché secret — peccatum occultum 34 — qui aboutit à leur endurcissement : ils n’ont pas compris le sens spirituel de leur culte qui annonçait le culte chrétien ; ils ne sont pas passés de l’attente des biens terrestres qui leur étaient promis dans l’Ancien Testament à l’espérance des biens spirituels que promet le Nouveau Testament35. Mais Augustin reconnaît son incapacité à expliquer la justice de Dieu et le mystère de l’endurcissement du peuple juif. Il ne peut que s’abriter derrière la doxologie de Rm 11,33 : O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles 36.

Fondée sur la lecture figurative de l’Ancien Testament et sur le développement de la théologie paulinienne de la loi et de la grâce, la conception augustinienne du peuple juif, prophétique et témoin, est originale dans la mesure où elle justifie théologiquement la situation présente du peuple juif à partir de la singularité de sa relation à l’économie divine et par rapport à la vie de l’Église. Elle conduit l’évêque d’Hippone à considérer dans quelle mesure le peuple juif porte la figure exemplaire de l’humanité sur le chemin vers Dieu.

III Un peuple paradigmatique

Défendre le Christ secundum carnem, c’est défendre, contre la contemption manichéenne, le peuple juif. Mais dénoncer l’incrédulité des juifs, c’est aussi viser l’aveuglement des manichéens incapables de saisir l’esprit des Écritures saintes, Ancien et Nouveau Testament. Charnels, impies, aveugles, endurcis…, ces qualificatifs condamnent autant les hérétiques que les juifs. Plus exactement, les hérétiques peuvent être qualifiés ainsi parce que les juifs l’ont été. Augustin ne se permet d’employer de tels termes qu’en ayant à l’esprit les invectives prophétiques ou psalmistes qui scandent la pédagogie de Dieu envers son peuple. C’est alors tout homme qui peut recevoir ces désignations, et d’abord lui-même, comme en témoignent les Confessions 37. Certes, la vérité de Dieu n’est « ni hébraïque, ni grecque, ni latine, ni barbare38 », car elle transcende toute parole. Pourtant, les mots de la révélation, non le langage de la philosophie, expriment cette vérité. Au sommet de l’extase d’Ostie, Monique et lui deviennent l’Israël mystique que Dieu conduit pour le nourrir selon le Psaume 22 : « (…) nous sommes arrivés à nos âmes, nous les avons dépassées pour atteindre la région de l’abondance inépuisable où tu repais Israël à jamais dans le pâturage de la vérité39. »

Sur le versant ombré de la montagne de Sion, l’endurcissement des juifs est une leçon à ne pas oublier. Augustin peut arguer de cette expérience pour montrer, contre les pélagiens, l’inanité des efforts de l’homme sans la prévenance gratuite de Dieu. Dans l’intéressante Lettre 196, écrite en 418, il est très clair à ce sujet. Certains chrétiens d’un diocèse voisin d’Hippone étaient tentés de recourir aux lois cultuelles de Moïse en se faisant circoncire ou en suivant le sabbat, ayant mal compris la querelle d’Antioche de la première communauté. L’évêque Asellicus s’en inquiète auprès d’Augustin. Dans ce phénomène — social, mystique ? —, l’évêque d’Hippone perçoit plutôt le danger du pélagianisme :

Ils sont pareils aux juifs, ceux qui, tout en se disant chrétiens, s’opposent eux-mêmes à la grâce du Christ en prétendant qu’ils accomplissent les commandements divins avec les forces humaines, de telle sorte qu’ignorant la justice de Dieu, et voulant établir la leur propre, ils ne se soumettent pas à la justice de Dieu (Rm 10,3), et, si ce n’est de nom, judaïsent cependant par leur erreur. Ces gens-là avaient trouvé pour chefs Pélage et Célestius, promoteurs ardents de cette doctrine impie40.

Or l’expérience d’Israël est non seulement exemplaire, mais d’abord paradigmatique, en raison de sa singularité. Ce paradigme est celui que son élection parmi les nations a provoqué dans l’histoire. Il consiste à reconnaître l’unicité de l’économie divine : ce n’est qu’à propos de la révélation vétérotestamentaire et néotestamentaire qu’Augustin peut affirmer, contre la conception manichéenne de l’illumination de la vérité chez les prophètes de la vérité présents dans l’histoire de l’humanité, ou contre l’idée pélagienne d’une dignité de la nature humaine capable de répondre à la volonté divine sans la grâce, que « les temps étaient différents, mais la doctrine était la même41 ». Il ne manque pas de méditer le vis-à-vis d’Israël et des nations, lui qui était « venu de la gentilité », comme il le reconnaît dans les Confessions 42. Discutant avec le pélagien Julien d’Éclane sur la légitimité de l’image arboricole des deux oliviers de Rm 11 appliquée à l’Église, il évoque la qualité des oliviers cultivés : « Nous avons un olivier franc qui n’est ni de l’Afrique ni de l’Italie, mais qui vient des Hébreux ; et nous sommes heureux de nous sentir entés sur lui, nous qui n’étions que des oliviers sauvages43. » La même parabole paulinienne est employée dans la polémique contre les donatistes, comme celle des deux murs réunis par le Christ. Augustin voit alors dans les rameaux brisés non pas les juifs, mais les hérétiques qui « ont été coupés par l’orgueil44 ».

Entre Augustin et ses adversaires, le peuple juif constitue ainsi un tertium quid. Il est l’étalon grâce auquel les ennemis d’Augustin peuvent être mesurés. Et, dans la comparaison avec les hérétiques, le peuple juif peut avoir l’avantage : leur faute est plus légère, estime Augustin, ils ont trébuché contre la pierre, qui est le Christ dans l’humilité de son incarnation, alors que les hérétiques trébuchent contre la montagne, qui est le corps du Christ glorifié, l’Église s’étendant sur toute la terre45. Cette comparaison place le peuple juif dans son histoire et dans son vis-à-vis des nations. La différence entre l’endurcissement du peuple juif et les hérésies du temps réside dans son histoire même qui constitue le mystère du salut, auquel les épisodes des hérésies ne font que s’ajouter.

IV Verus Israel ?

La chute des juifs, « si précieuse pour le salut des Gentils46 » atteste l’accomplissement des Écritures. L’argument prophétique subsiste après le Christ grâce au témoignage des « bibliothécaires » que sont les juifs, porteurs des Écritures : ils sont comme les prêtres et scribes de Jérusalem ayant indiqué le lieu de la naissance du Messie aux mages47 ou comme les ouvriers de Noé construisant l’arche sans pouvoir y entrer48. Augustin s’appuie aussi sur le couple Jacob/Ésaü repris par saint Paul en Rm 9,13 : L’aîné servira le plus jeune. Ce verset est pour lui une prophétie du peuple juif et de l’Église, car le peuple juif a pour fonction aujourd’hui de « porter nos livres ; et nous, nous vivons de leurs livres49 ».

Cette conviction trouve une nouvelle force quand Augustin lit Ps 58,12, ce verset qui peut être considéré comme le résumé de son discours sur les juifs50. Augustin s’inscrit là encore dans la tradition apologétique : Hippolyte de Rome, Tertullien, Hilaire de Poitiers, Jérôme ont perçu, avant Augustin, le peuple juif dans l’ennemi qui veut attenter à la vie de David et que ce dernier remet à la justice de Dieu, à l’opposé de la tradition rabbinique qui voit plutôt dans l’ennemi les infidèles à la Loi et, par extension les païens. Chez Augustin, le verset apparaît d’abord dans un échange de lettres avec Paulin de Nole. Reprenant l’argumentation du Contra Faustum, avec la figure de Caïn, l’évêque d’Hippone commente ce verset comme la prophétie de la dispersion des juifs au service de la vérité chrétienne. Il précise : « Il ne leur sert de rien de n’avoir pas oublié la loi, car autre chose est d’avoir cette loi en mémoire, autre chose est de la comprendre et de la mettre en pratique51. » Il garde cette interprétation dans la double Enarratio in Psalmum 58, datant des années du combat contre Pélage. « Les juifs ne sont donc pas tués car ils sont nécessaires aux Gentils qui croient52 ». Augustin ajoute, avec son talent à forger des formulations incisives : « ils sont témoins de leur iniquité et de notre vérité53 », car ils apportent la preuve de l’ancienneté des prophéties et de leur accomplissement dans la vie de l’Église.

Le commentaire de Ps 58,12 entre aussi dans l’argumentation de l’Aduersus Iudaeos, dont la date est difficile à définir54. Ce traité est un sermon, il s’adresse cependant moins aux juifs qu’au peuple chrétien qui a entendu dans la liturgie Rm 11,22-25 : Regardez la bonté et la sévérité de Dieu, sa sévérité envers ceux qui sont tombés, sa bonté envers vous, si vous demeurez fermes… Pour encourager ses auditeurs à la fermeté dans la foi, Augustin montre l’instabilité des juifs, qui ont chuté, et l’inconsistance de leur prétention à être l’unique Peuple de Dieu. On trouve dans ce sermon les éléments habituels de la littérature de controverse entre chrétiens et juifs : polémique contre l’orgueil, l’aveuglement, le caractère terrestre des juifs, à savoir leur lecture littérale des Écritures qui les empêche d’avancer à la lumière du Seigneur, de reconnaître ce qui a changé dans le culte donné par Dieu (les nombreux préceptes rituels de la loi mosaïque sont devenus les sacrements de l’Église, moins nombreux et plus efficaces). C’est une des rares fois où Augustin emploie le vocabulaire de la substitution, dans un contexte d’explication de la remotio des sacramenta. C’est pourquoi il polémique aussi ici sur le Verus Israel.

Habituellement, Augustin préfère parler de uerus Israelita pour évoquer l’identité du chrétien, en référence à Jn 1,47 : voici vraiment un Israélite sans fraude 55. Nathanaël est le contraire de ceux qui se rendent coupables de prévarication, quand ils s’affirment justes à cause de leur observance de la loi alors qu’ils sont pécheurs. Pour Augustin, Nathanaël s’est reconnu pécheur et fut sauvé quand il a vu le Christ et confessé sa royauté et sa divinité (cf. Jn 1,49). Son cœur sans fraude est véritablement celui d’Israël « vision de Dieu », selon l’étymologie qu’Augustin comprend de ce nom56, associé souvent à Mt 5,8 : Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. L’Église peut se définir comme le Verus Israelita, mais parce qu’elle est aussi le uerus Iudaeus in abscondito de Rm 2,29. Il s’agit d’avoir le cœur circoncis, c’est-à-dire de comprendre les Écritures « non selon la lettre mais selon l’esprit57 » et de vivre ce que la circoncision charnelle signifiait, la nouvelle naissance dans le Christ par le baptême. L’appellation de uerus Israelita signifie alors le passage de l’évangile aux royaumes des nations.

Augustin ne se satisfait donc pas de l’appellation Verus Israel et croit nécessaire de donner une précision, capitale, dans un sermon consacré au songe de Jacob, occasion de parler du frère cadet qui a supplanté son aîné :

Le peuple de Dieu, le peuple chrétien est maintenant tout à la fois Jacob et Israël, Jacob dans la réalité et Israël dans l’espérance. On dit que le peuple cadet a supplanté son frère le peuple aîné. N’avons-nous pas supplanté les juifs ? Nous pouvons dire que nous les avons supplantés, puisque c’est à cause de nous qu’ils le sont. S’ils n’avaient pas été aveuglés, ils n’auraient pas crucifié le Christ58.

L’Église est Israel in spe. La vie de l’Église sur cette terre n’est pas le dernier acte de l’histoire du salut. Le corps du Christ en cette terre est encore dans l’attente de son état final, dans la paix de la résurrection. Sur son chemin, l’Église est accompagnée par le peuple témoin. Augustin espère-t-il la conversion du peuple juif ? Un texte au moins, écrit avant la polémique pélagienne, en fait état. Il porte sur la parabole du fils prodigue (Lc 15,11-32) et présente le fils aîné de la parabole comme le peuple juif :

Et maintenant encore il s’indigne et refuse d’entrer. Lors donc que la plénitude des nations sera entrée, son père sortira au moment opportun, afin que tout Israël soit sauvé (Rm 11,25), sur une partie duquel l’aveuglement est tombé, comme sur le fils absent dans les champs, jusqu’à ce que la plénitude du fils cadet revienne de son long égarement dans l’idolâtrie des nations, et entre pour manger le veau. Car, un jour, la vocation des juifs au salut de l’évangile sera manifestée. Or, c’est la manifestation de cette vocation que signifie la sortie du père pour appeler son fils aîné. (…) (Le père) ne lui reproche pas une sorte de mensonge, mais faisant l’éloge de sa persévérance à demeurer avec lui, il l’invite à prendre une part plus grande et plus parfaite de son exultation. (…) Que le frère aîné se réjouisse donc sans aucune inquiétude, puisque le frère cadet était mort et il est ressuscité, il était perdu, et il est retrouvé (Lc 15,32)59.

Cette interprétation littérale de Rm 11,25 à propos du fils aîné constitue en réalité un argument en direction des donatistes : ceux-ci refusent la possibilité de la correction à ceux qui se sont mis hors de leur Église. Contre cet exclusivisme, l’espérance du salut d’Israël tout entier se fonde sur la volonté universelle de salut. Même s’il faut reconnaître qu’Augustin reste discret sur ce point précis dans l’ensemble de son œuvre, on ne peut que s’émerveiller d’une telle espérance fondée sur la joie promise par Dieu, dont Israël est témoin au creux de ses vicissitudes historiques, persévérant dans l’observance de la Loi. En portant ses livres, le peuple juif n’est pas témoin que de la « vérité chrétienne », mais aussi et d’abord de la vérité et de la fidélité de Dieu invitant à participer à sa joie.

La doctrine augustinienne sur le peuple juif est riche et complexe. Héritier de la tradition allégorique des Pères qui l’ont précédé, Augustin innove quand il prend en compte le poids de l’histoire en fonction du dessein de Dieu et cherche le sens théologique de la situation des juifs de son temps. Sa doctrine caractérise la vocation d’Israël en fonction de la Parole de Dieu. Le peuple juif a porté le Christ, Verbe de Dieu, né de la race de David, selon la chair. Le peuple juif porte toujours la Parole de Dieu. L’Église ne peut donc se comprendre elle-même sans faire référence au peuple prophétique. Tant que la Parole de Dieu demeure comme le signe vivant de la charité de Dieu, le peuple juif conserve son mystère. Se demandant quelle est cette justice de Dieu qui a enfermé tous les hommes dans l’incrédulité pour faire à tous miséricorde (cf. Rm 11,31-32), Augustin, ne peut répondre que par l’image de la construction de l’édifice spirituel : « Il faut que la maison soit édifiée. Lorsqu’elle sera parvenue au moment de la dédicace, alors peut-être verra-t-on avec éclat la raison de ces obscurs jugements60. »

Notes de bas de page

  • * Cet article constituera un chapitre du volume collectif publié par le Collège des Bernardins et le Collège des Études Juives et de philosophie contemporaine — Centre Emmanuel Levinas —, sous la direction d’Antoine Guggenheim et Danielle Cohen-Levinas, sur « L’antijudaïsme théologico-philosophique ». Nous remercions les éditeurs d’avoir autorisé sa publication dans la Nouvelle revue théologique.

  • 1 Sénèque, fr. Haase 41s., cité dans Augustin, De ciu. Dei, 6, 11, BA 34, p. 109.

  • 2 Cf. H. Castritius, The Jews in North Africa at the time of Augustine of Hippo : Their Social and Legal Position, World Union of Jewish Studies, Jérusalem, 1986 ; H. Z. Hirschberg, A History of the Jews in North Africa. I : From Antiquity to the sixteenth century, Brill, Leiden, 19742.

  • 3 Par ex. S. 9, 3, CCL 41, p. 110 ; S. 88, 17, Revue bénéd. 94 (1994), p. 91.

  • 4 De ciu. Dei, 6, 11, BA 34, p. 109.

  • 5 En. Ps. 58, 1, 22, CCL 39, p. 745 : « Per omnes gentes dispersi sunt Iudaei, testes iniquitatis suae et ueritatis nostrae. »

  • 6 Cf. B. Blumenkranz, Die Judenpredigt Augustins. Ein Beitrag zur Geschichte der jüdisch-christlichen Beziehungen in den ersten Jahrhunderten, Bâle, 1946, Paris, Études Augustiniennes, 19732 ; Id., « Augustin et les Juifs, Augustin et le judaïsme », Recherches Augustiniennes 1 (1958), p. 225-241 ; M. Simon, Verus Israel. Étude sur les relations entre chrétiens et Juifs dans l’empire romain (135-425), Paris, 1948 ; P. Démann, « Le Peuple Témoin », Cahiers sioniens 12 (1950), p. 253-285.

  • 7 Cf. J. Isaac, Genèse de l’antisémitisme, Paris, 1956, p. 168.

  • 8 Cf. P. Fredriksen, Augustine and the Jews. A Christian Defense of Jews and Judaism, Doubleday, New York, 2008.

  • 9 Contra, Jeremy Cohen s’est intéressé à la conception augustinienne du peuple témoin pour y discerner les rapports avec les théories de la servitude des juifs dans la société médiévale (J. Cohen, Living Letters of the Law. Ideas of the Jews in Medieval Christianity, University of California Press, Berkeley, Los Angeles, London, 1999). Sur notre sujet, voir aussi : P. C. Bori, « The Church’s Attitude towards the Jews : an Analysis of Augustine’s Adversus Iudaeos », dans Miscellanea historiae ecclesiasticae (Congrès de Varsovie 1978), Nauwelaerts, Bruxelles, 1983, p. 301-311 ; M.-J. Dubois, « Les juifs, le judaïsme et Israël dans la théologie de saint Augustin. Le lien entre le peuple juif et la terre de Sion dans la théologie de saint Augustin », dans Rencontres avec le Judaïsme en Israël, éd. de l’Olivier, Jérusalem, 1983, p. 52-118 ; F.T. Harkins, « Nuancing Augustine’s Hermeneutical Jew : Allegory and Actual Jews in the Bishop’s Sermons », JSJ 36 (2005), p. 41-64 ; L. A. Unterseher, « The Mark of Cain and the Jews : Augustine’s Theology of Jews », AugStud 33 (2002), p. 99-121 ; J. Van Oort, « Israel, Israelita » et « Iudaei », Augustinus-Lexikon 3 (2008), c. 741-751 et 781-792.

  • 10 Possidius, dans son Indiculum des œuvres augustiniennes, met sous le titre « contra iudaeos » plusieurs œuvres de son maître : avec le sermon Aduersus Iudaeos, on y trouve l’Epist. 196 et la Qu. 56 tirée des LXXXIII Quaestiones, sur la durée de la construction du temple (Indiculum, PL 46, c. 5). Cf. H. Schreckenberg, Die christlichen Adversus-Judaeos-Texte und ihr literarisches und historisches Umfeld : 1.-11. Jh., Peter Lang, Frankfurt am Main, Bern, 1982.

  • 11 De ciu. Dei, 18, 46, BA 36, p. 651-653.

  • 12 A. Solignac, « Introduction », dans Aug., Conf., BA 13, p. 130. Cf. Aug., De util. cred. 1, 2, BA 8, p. 211.

  • 13 Conf. 3, 7, 14 ; 9, 17-10, 18, BA 13, p. 388-389 ; 396-397.

  • 14 Conf. 7, 9, 13, BA 13, p. 609.

  • 15 Secund., Epist. Secund. 3, BA 17, p. 517.

  • 16 Cf. A. Massie, Peuple prophétique et nation témoin. Le peuple juif dans le Contra Faustum manichaeum de saint Augustin, Institut d’Études Augustiniennes, Paris, 2011 (ici, le chap. 2, « Le peuple juif chez Augustin avant le Contra Faustum », p. 189-296).

  • 17 C. Adim. 20, 2, BA 17, p. 349.

  • 18 Voir aussi Diu. quaest. 49 et 53, 2, BA 10, p. 131 et 149.

  • 19 Exp. prop. Rom. 70 ; 82, CSEL 84, p. 43 ; 51 ; Epist. Rom. inch. exp. 23, CSEL 84, p. 180-181.

  • 20 Exp. Gal. 7, CSEL 84, p. 61-62.

  • 21 Augustin est ici certainement tributaire de Jérôme, Com. Gal. 1, 1, 13, PL 26, c. 324 : « Et jusqu’à aujourd’hui, ceux qui comprennent les Écritures dans un sens judaïque persécutent l’Église du Christ et la ravagent, eux qui ont été corrompus par les traditions des hommes ».

  • 22 De doct. chr. 3, 6, 10, BA 11/2, p. 249.

  • 23 Ibid. 2, 15, 22, p. 169.

  • 24 Fauste, dans Aug., C. Faust. 1, 2, CSEL 25, 1, p. 251.

  • 25 Aug., C. Faust. 22, 94, CSEL 25, 1, p. 701.

  • 26 Ibid. 12, 46, CSEL 25, 1, p. 375.

  • 27 L’expression gens prophetica se retrouve en S. uirg. 9, 9 ; De cons. eu. 1, 11, 17 ; 1, 14, 21 ; Epist. 102, 15 ; De praed. sanct. 9, 17. En Io. eu. tr. 44, 1, Augustin parle de la gens prophetarum. Il a pu découvrir cette idée dans la bouche d’Ambroise qui emploie l’expression populus propheticus (Apol. alt. Dauid 7, 38, CSEL 32/2, p. 382).

  • 28 Cf. Tert., Apol. 18, 9-19, 1 ; Lact., Inst. 4, 5, 9.

  • 29 Aug., C. Faust. 12, 12, CSEL 25, 1, p. 341. — Vatican II interdira explicitement de présenter la destinée du peuple juif comme une punition infligée par Dieu : « Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ (Jn 19,6), ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les juifs vivant alors, ni aux juifs de notre temps. S’il est vrai que l’Église est le nouveau Peuple de Dieu, les juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture » (Nostra Aetate 4). Notons que l’interprétation d’Augustin n’est pas ici ecclésiologique mais défend la foi en la justice de Dieu attaquée par le mépris des manichéens envers un Dieu biblique apparemment inconstant.

  • 30 Aug., C. Faust., 12, 13, CSEL 25, 1, p. 343.

  • 31 Ibid. 12, 23, CSEL 25, 1, p. 351.

  • 32 On trouve aussi le terme diffidentia à propos des juifs (C. Faust. 16, 17, CSEL 25, 1, p. 459). Perfidus, absent du C. Faust., est appliqué au peuple juif dans d’autres œuvres d’Augustin (cf. Qu. eu. 2, 39, 3 ; De cons. eu. 1, 40 ; En. psalm. 46,12 ; 54, 12 ; 113, 1, 2 ; S. 201, 1 ; 218,11 ; 300, 3 ; 352, 3 ; S. Dol. 4, 8. Cf. P. Borgomeo, L’Église de ce temps dans la prédication de saint Augustin, Paris, 1972, p. 45, n. 40). Le terme qualifie de manière générale ceux qui ne croient pas à la divinité du Christ ni au sens de sa mort en croix. Augustin est en cette matière cohérent avec l’usage du terme à son époque. H. de Lubac précise la particularité de la perfidia iudaica chez les Pères en notant qu’elle « suppose une foi ; non pas une foi quelconque : la foi véritable, dont la substance est déjà la même que celle du chrétien, quoique en d’autres “sacrements”. Mais cette foi, parce qu’elle refuse d’aller jusqu’au bout d’elle-même, va pour ainsi dire changer de sens ; elle va se retourner en son contraire. Aux jours du Messie, la crise est ouverte ; le temps est venu de l’option décisive, et nul ne peut s’y soustraire. Le Juif ne peut rester au statu quo : il lui faut achever l’édifice de sa foi, ou le ruiner » (H. de Lubac, Exégèse médiévale. Les quatre sens de l’Écriture, 3, Paris, 1961, p. 162).

  • 33 C. Faust. 3, 3 et 12, 3, CSEL 25, 1, p. 264 et 331.

  • 34 Ibid. 13, 11, p. 390 : « Si (un catéchumène) disait : « Pourquoi les juifs ont-ils péché, si Dieu les a aveuglés pour qu’ils ne reconnaissent pas le Christ ? », pour instruire, autant que possible, cet homme ignorant, nous montrerions que la juste peine de cet aveuglement vient d’autres péchés cachés connus de Dieu. Nous montrerions que c’est non seulement ce que l’apôtre a dit de certains : Pour cela, Dieu les a livrés aux désirs de leurs cœurs (Rm 1,24), ou à leur sens insensé, en sorte qu’ils font ce qui ne convient pas (Rm 1,28) — voulant montrer que certains péchés manifestes viennent d’autres péchés secrets —, mais encore que les prophètes mêmes ne l’ont pas tu. »

  • 35 C. Faust. 11, 8, CSEL 25, 1, p. 325-328.

  • 36 Ibid. 21, 2, p. 571.

  • 37 L’impiété : cf. Conf. 3, 12, 21 ; 5, 10, 18 ; 6, 3, 4 ; 8, 1, 2. L’orgueil : 2, 2, 2 ; 3, 5, 9 ; 4, 1, 1 ; 4, 15, 27 ; 5, 10, 18 ; 7, 7, 11 ; 7, 18, 24 ; 9, 4, 7 ; 10, 36, 58. L’aveuglement : 2, 3, 7 ; 3, 7, 14 ; 5, 7, 13 ; 6, 4, 5 ; 6, 6, 12 ; 6, 16,26 ; 9, 7, 9 ; 10, 27, 38. L’esprit ou la volonté charnels : 2, 1, 1 ; 6, 3, 4 ; 6, 12, 21 ; 6, 16, 26 ; 8, 5, 10.

  • 38 Conf. 11, 3, 5, BA 14, p. 281.

  • 39 Conf. 9, 10, 24, BA 14, p. 117 : « et uenimus in mentes nostras et transcendimus eas, ut attingeremus regionem ubertatis indeficientis, ubi pascis Israhel in aeternum ueritate pabulo ».

  • 40 Epist. 196, 7, CSEL 57, p. 221.

  • 41 C. Faust. 16, 28, CSEL 25, 1, p. 473.

  • 42 Conf. 7, 10, 15, BA 13, p. 615. Voir A. Massie, « Prophétique, témoin, réprouvé ? La destinée du peuple juif d’après la méditation augustinienne de Rm 9-11 », dans I. Bochet (éd.), Augustin philosophe et prédicateur. Hommage à Goulven Madec, Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 2012, p. 487-504.

  • 43 C. Iul. 6, 21, PL 44, p. 835.

  • 44 Cf. De agone ch. 31, CSEL 41, p. 132 ; S. 3, Revue bénéd. 84, 1974, p. 250 ; 46, 17, CCL 41, p. 543 ; S. 200, 4, PL 38, c. 1031.

  • 45 Cf. S. Denis 12, 4, Miscellanea Agostiniana, 1, Rome, 1930, p. 53.

  • 46 Cf. Exp. prop. Rom. 70, CSEL 84, p. 43.

  • 47 Cf. S. 199, 2, PL 38, c. 1027.

  • 48 Cf. S. 102, 3, PL 38, c. 612 ; 273, 4, PL 38, c. 1250 ; 376, 2, PL 39, c. 1670.

  • 49 En. Ps. 136, 18, CCL 40, p. 1976.

  • 50 Ps 58, 12 est commenté dans plusieurs œuvres : Epist. 149, 9 ; En. Ps. 58 (1 et 2) ; S. 201, 3 ; De ciu. Dei 18, 46 ; De fide rerum inuis. 9. Cf. A. Massie, « Dispersés. Rassemblés. En marche. Ps 58,12 chez saint Augustin », Connaissance des Pères de l’Église 132 (2013), p. 28-39.

  • 51 Epist. 149, 9, CSEL 44, p. 357 : « Neque enim eis aliquid prodest, quod eam non obliuiscuntur ; aliud est enim legem Dei habere in memoria, aliud in intellectu et effectu. »

  • 52 En. Ps. 58, 1, 21, CCL 39, p. 744.

  • 53 En. Ps. 58, 1, 22, CCL 39, p. 745.

  • 54 On oscille entre 415-416, en raison du lien qu’offre la correspondance avec Paulin, vers 415, et 428-429, à cause de la parenté de son argumentation avec la preuve prophétique développée dans La Cité de Dieu.

  • 55 Cf. A. Massie, Peuple prophétique et nation témoin… (cité n. 16), p. 497-501.

  • 56 Cf. par ex. Exp. Gal. 63, CSEL 84, p. 140 ; En. Ps. 77, 5, CCL 39, p. 1071.

  • 57 C. Faust. 16, 20, CSEL 25, 1, p. 461.

  • 58 S. 122, 4, PL 38, c. 683.

  • 59 Qu. eu. 2, 33, 5, CCL 44B, p. 79.

  • 60 S. 27, 7, CCL 41, p. 368.

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