À chaque album exposant une oeuvre d'Arcabas, nous restons toujours
comme ravis, suspendus dans cette «attention, seuil de la prière!»
(34). Encore ici (cf. NRT 127 [2005] 683) nous retrouvons une
«collaboration» exceptionnelle entre la grâce du lieu toute
imprégnée de la tendresse du ministère (Cana) et des larmes de
Marie (Déploration au Calvaire) ainsi que de la force de celui du
Fils aux puissantes mains bénissantes (Pantocrator); la méditation
iconographique et spirituelle particulièrement fine de P. Laudet;
l'innervation des références bibliques qui animent l'oeuvre
littéraire de ce commentaire aussi bien que l'inspiration picturale
du peintre; et enfin, le travail des formes et de la couleur qui
singularise le style pictural d'Arcabas. Il y aurait mille choses à
dire au fil de notre contemplation. Car c'est de cela qu'il s'agit:
«la grâce du double regard, cher à l'iconographie d'Arcabas. Noces
de la face et du profil, oeil intérieur et oeil extérieur, regard
charnel et spirituel, posé sur l'intensité mystérieuse de l'instant
mais tendu vers l'attente messianique de l'A-venir» (à propos du
«regard» de la Fiancée à la table de Cana, p. 54). C'est que: «De
l'Évangile, le peintre n'a pas mission que de souligner au pinceau
les lignes claires du récit. Leur représentation n'est pas son
unique vocation. Son office mystique autant que figuratif, est
aussi de nous introduire aux silences de l'interligne, aux creux du
texte autant qu'à ses pleins… Contempler, c'est-à-dire voir du
double regard de la foi, qui perçoit l'éternel dans le temporel et
le lumineux dans le ténébreux» (à propos du «regard» de
Marie-Madeleine dans la scène de la Déploration de Marie qu'aucuns
des récits évangéliques ne mentionnent, p. 62).
C'est de ce même regard qu'il nous faut écouter toute oeuvre d'art,
certes, et celles que nous offre Arcabas le requiert toujours.
Heureux sommes-nous de rencontrer de tel artiste et, il faut y
insister, de tels «éducateurs du regard» comme ici P. Laudet qui
s'inscrit (il le cite) dans la lignée des Baudiquet et d'autres
encore pour qui il est approprié de dire, avec Dominique Ponnau,
qu'ils ont «La beauté pour sacerdoce». Plaise au ciel que nos
regards, un jour, se «résolvent» dans la pure lumière. «On se
souvient que les larmes de Marie à la Salette ne tombaient pas à
terre, elles se fondaient en lumière» (à propos du Mouchoir de
larmes devenu linge de lumière, détail de la Déploration, p.
79-80). «La beauté n'est pas immédiate, elle ne surgit d'aucun
effet photographique mais plutôt d'une révélation iconique. Voir
devient alors un acte liturgique» (90) non plus seulement au seuil
mais au coeur de la prière. - J. Burton sj