Un livre fort complet. Tout d'abord, de Tillich lui-même
(1886-1965), quatre documents biographiques: une autobiographie de
50 p. datant de 1936, une autre de 21 p. de 1952, plus deux textes
plus courts de 1949 et 1960. Ces dates sont significatives si l'on
se souvient que Tillich quitta l'Allemagne pour les États-Unis en
1933, coupant ainsi sa vie en deux, et fit en 1948 seulement son
premier retour au pays natal. Dans cette première série de textes,
Tillich songe surtout à présenter son oeuvre. Vient ensuite la
traduction de la biographie de Renate Albrecht et Werner Schüßler,
écrite en allemand (p. 99- 252). Après différentes biographies ou
récits similaires (Schüßler évoque ici les ouvrages de M. et W.
Pauck, G. Wehr, I. Bertinetti, R. May, de Hannah Tillich enfin,
l'épouse du théologien), celle-ci présente deux caractéristiques:
elle se base sérieusement sur d'innombrables documents de première
main, lettres et témoignages, dont certains inédits; nos deux
érudits allemands connaissent admirablement le contexte
intellectuel et théologique des années allemandes de Tillich. Le
résultat est convaincant. Avec le Tillich de la maturité, on voyage
ainsi sur tous les lieux où il enseigna: Berlin, Marbourg, Dresde
et Francfort, puis New York, Cambridge et Chicago. Du même coup, on
rencontre bien des figures intellectuelles de premier rang, se
liant de sympathie ou rivalisant dans leurs ambitions académiques.
On est entraîné dans le tourbillon des multiples conférences que
Tillich ne cessa de donner à tant de publics variés sur les deux
continents. On en apprend pas mal sur sa vie personnelle et
affective, compliquée et rarement harmonieuse, si ce n'est bien
tard: un premier mariage précipité en 1914 est distendu par son
engagement volontaire durant la guerre et il retrouve ensuite sa
femme si proche d'un ami, qu'il doit divorcer; quelques années plus
tard, il tombe passionnément amoureux d'une femme sur le point de
se marier, qu'il épousera après son divorce, en 1924: Mme Hannah
Werner-Gottschow deviendra alors Madame Tillich. On étudie aussi
son socialisme religieux, né dans sa première paroisse peuplée de
prolétaires. Ces idées, toujours défendues vigoureusement, le
conduisirent à publier courageusement en 1932 un écrit contre les
nazis (La décision socialiste), qui lui fit perdre sa chaire
universitaire et le décida à l'exil, invité par Niebuhr à New York.
Un bel aperçu de la vie du théologien qui voulait rattacher la
philosophie et les sciences sociales à la religion vivante. - B.
Pottier, S.J.