Les Histoires de la philosophie française négligent souvent les
penseurs chrétiens du xxe siècle. On se réjouira donc beaucoup de
voir un volume important consacré à deux d'entre eux: Joseph
Vialatoux (1880-1970) et Jean Lacroix (1900-1986). Il contient les
Actes du colloque qui eut lieu à l'Université catholique de Lyon en
janvier 2008. Ce sont là, comme le dit le Cardinal Ph. Barbarin,
deux belles figures lyonnaises qui se dressent dans le dialogue
entre la foi et la culture. L'un et l'autre furent engagés dans le
débat social et politique de leur époque. L'un et l'autre devaient
beaucoup au P. H. de Lubac et à son ouvrage Catholicisme. Aspects
sociaux du dogme.Près d'une trentaine de contributions s'accordent
à nous présenter les multiples faces de leur pensée et de leur
action. Il y avait entre les deux philosophes une différence de
génération. On fait pourtant remarquer qu'ils ont eu l'un et
l'autre à se confronter à deux grandes guerres, à combattre pour la
paix, à militer pour la démocratie. Leur apport à la philosophie
n'en a pas été moins remarquable. Il est intéressant de signaler
les philosophes dont ils ont rencontré la pensée: Maurice Blondel,
Aimé Forest, Gabriel Madinier, Emmanuel Mounier, Jean Nabert et
bien d'autres. S'interrogeant sur J. Vialatoux et la tradition de
la méthode réflexive, P. Gilbert montre comment pour lui «le sujet
profond n'est pas une réalité toute faite, mais qui se fait en se
découvrant, et se découvre en se faisant; non une réalité réalisée,
mais se réalisant». Pareille perspective place J. Vialatoux aux
côtés de Nabert et de Lavelle. Situant J. Lacroix dans la
philosophie française, B. Bourgeois remarque qu'il a découvert le
personnalisme chez J. Nabert où le kantisme français avait trouvé
son apogée, et chez M. Blondel dont Cl. Troisfontaines montre que
sa mise en garde contre un certain personnalisme avait été tout
particulièrement entendu par J. Lacroix. Penseur du politique,
observe Bernard Comte, Lacroix l'a été en intégrant cette dimension
à sa philosophie de la personne et de la communauté, du droit et de
l'amour. À propos de Vialatoux, Em. d'Hombres rappelle comment il
n'est qu'à parcourir sa bibliographie pour voir la place que tient
dans sa pensée l'étude de la tradition sociologique française. Bien
d'autres thèmes, analysés par nos deux penseurs, seraient à
signaler, tels le travail, l'amour, la torture, la vie et la
morale. Recommandé. - H. Jacobs sj